Archives de catégorie : Vittoz

L’heure de la main vide

L’HEURE DE LA MAIN VIDE
In Le Très Bas
, p. 52-53
Christian Bobin

« Trois mots donnent la fièvre.

Trois mots vous clouent au lit: changer de vie.

Cela c’est le but. Il est clair, simple.

Le chemin qui mène au but, on ne le voit pas.

La maladie c’est l’absence de chemin, l’incertitude des voies.

On n’est pas devant une question, on est à l’intérieur.

On est soi-même la question.

Une vie neuve, c’est ce que l’on voudrait mais la volonté, faisant partie de la vie ancienne, n’a aucune force.

On est comme ces enfants qui tendent une bille dans leur main gauche et ne lâchent prise qu’en s’étant assurés d’une monnaie d’échange dans leur main droite: on voudrait bien d’une vie nouvelle mais sans perdre la vie ancienne.

Ne pas connaître l’instant du passage, l’heure de la main vide. »

de la peur

Le cri d’Edward Munch

LA PEUR
Pourquoi, comment

La peur est une des quatre émotions principales avec la colère, la tristesse et la joie.

Si nous prenions l’image d’une boussole, le Nord serait la joie. Les trois autres interviendraient à l’occasion d’un événement, comme une information à écouter et une énergie pour agir, afin de retrouver le Nord.

La peur prévient d’un danger, c’est UNE INFORMATION. Si nous n’avions pas peur, nous n’anticiperions pas et ne pourrions nous garder du danger; si les enfants n’avaient pas peur des voitures, ils se feraient écraser. La peur appelle la prudence.

La peur est UNE ENERGIE qui nous permet d’activer plusieurs mécanismes de défenses:

  • L’attaque
  • La fuite
  • Quand ni l’une ni l’autre ne sont possibles, une troisième entre en jeu: la sidération. Elle permet de moins souffrir ou de prendre le temps de latence nécessaire à la transformation de l’événement par la réflexion.

Chez la gazelle, la fuite face au guépard est la seule solution, jusqu’à ce que son cœur ne puisse plus suivre. La sidération prend alors le relais, toutes ses fonctions vitales fonctionnant a minima, elle tombe, comme morte. Au pire, elle souffrira moins en étant dévorée, au mieux:

La peur, comme toutes les émotions, est donc bonne en soi, tout comme les mécanismes de défenses qu’elle suscite.

LES PROBLÈMES qu’ils peuvent poser sont de:

            • prendre trop de place, voire toute la place, et d’empêcher ainsi d’accéder aux fonctions supérieures du cerveau qui permettent de proportionner la réaction à l’événement;
            • se déplacer: une peur non consciente peut se transformer en mauvaise humeur ou en colère décalée;
            • projeter un danger imaginaire, la plupart du temps par le biais d’associations à des peurs anciennes.

          D’après Daniel Goleman dans L’intelligence émotionnelle, seulement 8% des peurs reposent sur une base concrète, le reste est imaginaire.

        • « J’ai souffert de beaucoup de choses dans ma vie, disait avec humour Mark Twain, peu sont arrivées ».

       

    • Pour en savoir plus sur ce qui se passe neurologiquement en cas de réaction disproportionnée:

 

COMMENT DONC CONSIDÉRER LA PEUR POUR CE QU’ELLE EST
de manière proportionnée au danger et en faire une alliée?

LA MÉTHODE VITTOZ propose très simplement de l’accueillir corporellement:

      • Faire stop, trouver un endroit silencieux où l’on peut rester seul
      • Fermer les yeux
      • Sentir les manifestations de son corps: gorge serrée, ventre noué, transpiration, accélération du pouls etc.
      • Demeurer avec elles quelques instants, au besoin en plaçant la main sur la partie concernée
      • Suivre leurs évolutions, leurs déplacements, leurs transformations pendant une ou deux minutes,
      • …jusqu’à apaisement.

L’objectif n’est pas d’oublier la peur, la nier ou la tromper, mais:

      • d’apaiser le trop-plein et revenir au réel par le corps,
      • accueillir l’information pour ce qu’elle est,
      • pour retrouver un usage de sa raison proportionné à l’événement,
      • et utiliser l’énergie qu’elle a suscité pour une action juste et libre

« Quand une sensation est juste, la pensée est juste », écrit le docteur Vittoz

 

du goût conscient

MANGER CONSCIEMMENT
Christophe André
Sens & Santé, printemps 2019

« C’est un exercice classique des groupes de méditation en pleine conscience : les animateurs distribuent aux participants un grain de raisin sec. Puis, ils invitent chaque personne à l’observer, le renifler ; le poser sur sa langue pour en percevoir la texture et les premières saveurs, avant même de le mâcher; lui donner un premier coup de dent, s’arrêter pour explorer l’explosion de son goût dans la bouche; prendre ensuite tout son temps pour le mastiquer, le savourer, avant de l’avaler ; et rester encore quelques instants à observer la rémanence de son goût, les fantômes de ses saveurs…

Le tout en observant les pensées apparaissant durant l’exercice (bizarre ce qu’on nous fait faire…, à quoi ça sert tout ce cirque?), en accueillant les sensations ou impulsions prenant naissance dans le corps (la bouche qui salive, qui a envie d’avaler le grain d’un seul coup). L’exercice dure dix minutes environ ; dix minutes pour déguster un grain de raisin ! Ensuite, quelques questions sont posées à chaque participant: qu’avez-vous ressenti et vécu durant l’exercice? Procédez-vous habituellement ainsi avec un grain de raisin? Qu’est-ce qu’une telle attitude (prendre son temps, observer, ressentir) peut éventuellement vous apporter dans la vie?

La plupart des personnes sont surprises par la richesse de l’exercice: j’ai ressenti une impression de satiété avec un seul grain de raisin, étonnant!, je n’avais jamais réalisé toutes les saveurs contenues dans un grain de raisin sec, en général, je les avale sans y penser, c’est la première fois que je prends conscience de leur vraie saveur, je me rends compte que beaucoup de choses dans ma vie fonctionnent sur ce registre: je ne prends jamais le temps de ressentir et de savourer, de ralentir, de m’ouvrir à ce que je fais…

La méditation de pleine conscience peut apporter beaucoup de changements à notre manière de vivre au quotidien, et c’est d’ailleurs son but: ne pas se limiter à une série d’exercices apaisants, bien séparés de notre vie réelle (un temps pour méditer, puis tout le reste pour stresser!), mais nous transformer, modifier notre manière de vivre et d’être au monde. Et parmi ses mille et une conséquences, figure le changement de notre rapport à la nourriture et l’alimentation.

Trop souvent, nous ne sommes pas présents à ce que nous mangeons, parce que notre attention est tournée ailleurs: vers nos pensées et ruminations, vers des distractions (radio, télé, ou pire, usage d’écrans), vers des discussions (si nous sommes en groupe) ou vers une autre activité.

Johann Wilhelm Preyer

L’apprentissage de la méditation nous pousse à comprendre qu’il est précieux de régulièrement manger en pleine conscience, et d’être attentif aux aliments et à notre corps. Ce faisant, nous aurons plus de discernement quant à notre envie de manger : véritable faim? Ou simple réflexe conditionné, envie de manger parce que c’est l’heure, parce que nous sommes stressés, parce que nous nous ennuyons? Ou encore désir de lien et de partage social? Se nourrir en pleine conscience nous offre également plus de discernement quant à notre ressenti de satiété: ai-je vraiment besoin de me resservir de ce plat? Ai-je encore faim? Est-ce une simple gourmandise ? Ou la pensée qu’il ne faut pas gâcher ou jeter ce qui reste dans mon assiette? Mais alors pourquoi le jeter dans mon corps plutôt qu’à la poubelle?

C’est simple, n’est-ce-pas? Simplement manger, en pleine conscience, pleinement présent à ce que nous faisons, ressentons, pensons… Pas forcément à tous les repas, mais régulièrement, une fois ou deux par semaine, prendre son temps, approfondir la rencontre avec notre nourriture, reposer sa fourchette, terminer une bouchée avant de passer à la suivante.

Quel intérêt à cela?

D’abord, protéger notre santé: aujourd’hui, et sans doute pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, une grande partie de la population mondiale (du moins en Occident et dans les pays émergents) n’est plus confrontée à la rareté mais à la pléthore.

La nourriture est omniprésente et relativement bon marché; il suffit de tendre le bras pour en disposer, sans effort de préparation ou d’accommodation, à toute heure du jour ou de la nuit. Les effets de cette pléthore sont dévastateurs: nous mangeons trop, trop souvent, et mal de surcroît (aliments saturés en sucre, sel et exhausteurs de goût).

De nombreuses études de psychologie expérimentale ont étudié ce qu’on appelle le régime de cafétéria: avoir à volonté des aliments attirants car très variés, très salés, très sucrés, etc. Ce type de régime a été proposé à des rats de laboratoire (dont l’alimentation et le métabolisme sont très proches des nôtres): des souches de rats jumeaux sont confrontées soit à un régime normal soit au régime de cafétéria; dans les deux cas, ils ont accès libre à la nourriture.

Les résultats sont nets: les rats de cafétéria deviennent très rapidement obèses et diabétiques. Et encore, ils ne regardent pas la télé et ne sont pas exposés à des publicités les incitant à grignoter à toute heure pour éviter les coups de pompe… Les humains, si!

D’où une épidémie de diabète et d’obésité inquiétante dans tous les pays soumis à cette martingale infaillible: pléthore de mauvaise nourriture, sur fond d’incitations multiples à trop manger, et trop souvent. Manger en pleine conscience nous immunise peu à peu face à ces incitations et impulsions à tout avaler machinalement. En pleine conscience, on réalise beaucoup mieux que ce que l’on mange est trop gras, trop sucré, trop artificiel, et que l’on mange trop, trop vite.

Ensuite, manger en pleine conscience fait de nous des humains plus avisés et respectueux de leur environnement, en nous aidant à comprendre la valeur de tout ce qu’il y a dans notre assiette. D’où viennent ces fruits et ces légumes? À qui les ai-je achetés? Qui les a cultivés, cueillis, acheminés vers moi? Puis-je prendre conscience de tout ce qu’il a fallu de bienfaits de la Nature, et d’efforts humains, pour que cette nourriture arrive dans mon assiette? Ce serait une erreur et une faute de ne pas la respecter. Et la respecter, c’est la savourer, ne manger que ce dont mon corps a besoin, ne pas la gaspiller, et la partager…

Notre société a brisé notre rapport à la nourriture, nous a fait oublier son caractère sacré: reprenons-en conscience!

Santé et sacré, voilà pourquoi il est précieux de régulièrement revenir à la présence et à la conscience: dans le silence et la lenteur, se recueillir pour savourer chaque bouchée. En observant son corps. En interrogeant son esprit. En se sentant heureux d’être en vie. »

 

Qu’est-ce que la conscience ?

QU’EST-CE-QUE LA CONSCIENCE ?

Beaucoup de courants de psychologie contemporaine, mettent la conscience au centre, comme moyen de connaissance de soi, des autres et du monde et comme moyen de progression. Nous aussi. Mais qu’est-ce que la conscience? Une instance subjective inviolable qui n’admet pas de règle extérieure/supérieure? Une conviction intime qui rejoint le réel mais ne peut être confirmée/infirmée de l’extérieur? 

La réponse de saint John-Henry Newman pensée par Benoît XVI me semble – pour utiliser des termes vittoziens – faire la différence entre une conscience emissive (la raison se projette sur l’objet) et une conscience réceptive (la raison reçoit sa forme de l’objet). Ainsi, l’obéissance à la vérité (pour soi, pour la relation à l’autre, pour le monde), ou je préfère dire la volonté de cheminer vers la vérité, emprunte toujours les voies de notre subjectivité, qui se laisse informer. Comme pour l’inspire-expire conscient de la respiration vittozienne, l’alternance subjectivité-objectivité de la conscience est un chemin vers la vérité toute entière, qui demeure un horizon. Autrement dit avec Gustave Thibon dans L’Ignorance étoilée : « L’étoile divine est intérieure et invisible; elle éclaire l’âme du voyageur et non le chemin où il marche; elle nous donne assez de foi pour aller au-delà de tout, mais elle ne dispense de rien.”

Discours du pape Benoît XVI à l’occasion de vœux à la Curie romaine, Salle Royale du 20 décembre 2010:

« En Newman, la force motrice qui le poussait sur le chemin de la conversion était la conscience. Mais qu’entend-on par cela ?

Dans la pensée moderne, la parole conscience signifie qu’en matière de morale et de religion, la dimension subjective, l’individu, constitue l’ultime instance de la décision. Le monde est divisé dans les domaines de l’objectif et du subjectif. A l’objectif appartiennent les choses qui peuvent se calculer et se vérifier par l’expérience. La religion et la morale sont soustraites à ces méthodes et par conséquent sont considérées comme appartenant au domaine du subjectif. Ici, n’existeraient pas, en dernière analyse, des critères objectifs. L’ultime instance qui ici peut décider serait par conséquent seulement le sujet, et avec le mot conscience on exprime justement ceci: dans ce domaine peut seulement décider un chacun, l’individu avec ses intuitions et ses expériences.

La conception que Newman a de la conscience est diamétralement opposée. Pour lui conscience signifie la capacité de vérité de l’homme: la capacité de reconnaître justement dans les domaines décisifs de son existence – religion et morale – une vérité, la vérité. La conscience, la capacité de l’homme de reconnaître la vérité lui impose avec cela, en même temps, le devoir de se mettre en route vers la vérité, de la chercher et de se soumettre à elle là où il la rencontre. La conscience est capacité de vérité et obéissance à l’égard de la vérité, qui se montre à l’homme qui cherche avec le cœur ouvert.

Le chemin des conversions de Newman est un chemin de la conscience – un chemin non de la subjectivité qui s’affirme, mais, justement au contraire, de l’obéissance envers la vérité qui, pas à pas, s’ouvre à lui. »

 

de la neuroplascité

DE LA NEUROPLASTICITE
ou le cerveau comme forêt

Un des grands principes vittozien est la neuroplasticité, cette capacité du cerveau à créer de nouveaux circuits, et ainsi de nouvelles habitudes ou, pour employer un vocabulaire aristotélicien, de nouveaux habitus, comme une seconde nature.

La neuroplasticité – ou plasticité neuronale – peut se définir comme la capacité des neurones à se modifier et se remodeler tout au long de la vie. Ces mécanismes contribuent à une adaptation des neurones à un environnement moléculaire, cellulaire et fonctionnel changeant et ainsi à des modifications fonctionnelles. Chaque seconde, notre cerveau se modifie en fonction des expériences affectives, psychiques, cognitives que nous vivons. C’est un processus physiologique d’adaptation du système soumis à l’influence de facteurs environnementaux, génétiques ou épigénétiques.

Ainsi, le cerveau est comme une forêt: si on emprunte plusieurs fois dans le même sentier, un chemin va progressivement se créer. Dans le cerveau de la même manière, les connexions neuronales deviennent de plus en plus efficaces par la répétition et mènent à l’automatisation des processus liés à une certaine tâche et donc à leur exécution plus facile. C’est ainsi que nous apprenons à lire, à conduire, à jouer de la musique etc. Déchiffrage lent, calages intempestifs et gammes interminables deviennent des habitudes intégrées. Selon le même principe, la méthode Vittoz propose  l’expérimentation d’exercices visant à installer de nouvelles habitudes: accueil de l’instant présent, conscience de son état intérieur, ajustement de la volonté aux événements… Véritable rééducation du contrôle cérébral, elle permet, par le biais du corps, de développer une véritable liberté intérieure par le développement de l’attention et de la concentration.

Cependant, si on ne marche pas pendant un certain temps dans les sentiers créés dans la forêt, la végétation reprend sa place. De même, les réseaux de neurones non utilisés finissent par se déconnecter progressivement. C’est pourquoi les neurones doivent être activés à de nombreuses reprises pour se connecter et renforcer leur connexion. La répétition est nécessaire, non seulement au moment de l’apprentissage mais dans la durée. Le cerveau oublie vite les éléments appris s’ils ne sont pas remobilisés régulièrement. Chassez la nature, elle revient au galop, selon l’adage. Les habitudes sont longues à prendre et rapides à perdre…

Mais si les neurones sont activés à plusieurs reprises, ils peuvent consolider leurs inter-relations et favoriser l’acquisition de nouvelles habitudes, jusqu’à générer un habitus, dont le signe selon Aristote, est la plaisir. En Vittoz, le processus est le même: une certaine discipline répétitive – un peu ascétique et qui peut paraître ingrate, est nécessaire dans les premiers temps. Mais la persévérance et la régularité portent rapidement leurs fruits, jusqu’à générer un habitus, dont le signe est… le plaisir. Plaisir de goûter le quotidien, plaisir de vivre ce qui est sans être envahi par la rumination ou la projection, plaisir d’une unité intérieure retrouvée.

Par ailleurs, pour générer de nouveaux circuits neuronaux, il est plus efficace de répartir les temps de pratique sur plusieurs courtes périodes réparties elles-mêmes sur plusieurs jours, plutôt que les concentrer sur une demie-journée voire une journée. Lors des périodes de sommeil, les neurones liés aux expérimentations dans la journée se réactivent, consolidant ainsi les apprentissages. C’est une des raisons pour lesquelles la méthode Vittoz est dite intégrative: plutôt de consacrer 40 minutes par jour à la pratique, il est proposé de l’intégrer à son quotidien: se lever, ouvrir ses volets, se laver les mains, prendre son petit-déjeuner… consciemment. Distillé dans le temps, ces petits actes conscients peuvent transformer une journée et devenir une véritable seconde nature, sans efforts de pratique mais vers lequel le cerveau se porte naturellement pour en avoir reconnu les bienfaits.

Nous voyons qu’ainsi la méthode Vittoz peut se mettre au service d’un certain art de vivre, prévenant le burn out, la dépression, l’insomnie etc. Mais ce n’est pas tout: ce principe s’applique aussi à une dimension thérapeutique. Certains traumatismes anciens génèrent des mécanismes de défenses inconscients, qui enclenchent eux-mêmes des comportements automatiques: c’est plus fort que moi. En rendant ces mécanismes plus conscients par le biais du corps, la méthode Vittoz permet d’activer de nouveaux circuits pour ne plus se défendre contre un passé fantôme et se libérer de ses entraves. Le passé ne sera pas effacé, mais visité, accueilli et mis à sa juste place.

Le processus est bien sûr d’autant plus long que le trauma est ancien, et les circuits ancrés plus profondément. Comme le dit encore Aristote, si la cire du cerveau est molle chez l’enfant et ce qui y est imprimé y laisse une empreinte profonde; celle du cerveau de l’adulte est moins malléable avec le temps. Les nouvelles habitudes intérieures seront donc plus longues à acquérir, mais – sauf en cas de lésions cérébrales irréversibles – la neurogenèse et le dynamisme des connexions sont possibles jusqu’à au moins… 97 ans, selon une étude de mars 2019. Une condition: la motivation.

Entretien avec Psychologies.com

LA MÉTHODE VITTOZ
Pour retrouver un équilibre corps, cœur et esprit

Entretien in PSYCHOLOGIES.COM
Avec Valérie Maillot, par Lucien Fauvernier – Mis à jour le 30 Juillet 2019 à 14:21

La méthode Vittoz pour retrouver un équilibre corps, cœur et esprit

La méthode Vittoz, du nom de son créateur le docteur Roger Vittoz, est une thérapie dite psychosensorielle qui propose de renouer avec nos cinq sens pour nous relier avec notre être tout entier: tête, corps et cœur. En thérapie, elle peut aider enfants et adolescents à mieux se concentrer, et les adultes à gagner en liberté intérieure. Explications.

LA MÉTHODE VITTOZ

Roger Vittoz publie en 1911 l’ouvrage Traitement des psychonévroses par la rééducation du contrôle cérébral qui établit les bases théoriques de la méthode Vittoz. « Le docteur Vittoz s’est rendu compte que, bien souvent, l’origine de nos troubles comportementaux venaient d’un manque de ce qu’il appelait contrôle cérébral, indique  Valérie Maillot, praticienne certifiée de la psychothérapie Vittoz de l’IRDC (Institut de Recherche et de Développement du Contrôle cérébral). C’est-à-dire notre difficulté à équilibrer nos fonctions émissives (raisonnement, imagination, émotions…) et nos fonctions réceptives (cinq sens, proprioception), ce qui peut générer vagabondage cérébral, insomnies, difficultés relationnelles, angoisses, burn-out… Par le biais de différents exercices, la méthode se propose alors de rééquilibrer ces deux fonctions pour retrouver de l’harmonie au sein de notre être physique et psychique.

DÉROULEMENT D’UNE SÉANCE

Comme pour de nombreuses thérapies, la toute première séance est une mise en relation, où thérapeute et patient échangent sur les raisons de la consultation, ce qui permet d’établir un lien de confiance. « Ensuite, toutes les autres séances commencent par une installation en Vittoz, explique Valérie Maillot. C’est une mise en contact avec le corps, d’une dizaine de minute, où le patient s’interroge sur l’état dans lequel il est. Il s’ensuit un accueil des points d’appuis et de la respiration. Cela donne lieu à un accueil très précis de chacune des parties du corps avec une écoute des messages que celui-ci lui apporte: une démangeaison, des picotements, une raideur… Tout tend à être expérimenté et exprimé. » A la suite de ce scan corporel, un état des lieux est alors dressé afin de voir ce que les sensations corporelles ont à dire de conscient et d’inconscient, notamment par les émotions qu’elles peuvent manifester.

« Ensuite vient la parole, indique Valérie Maillot. Le thérapeute et le patient échangent sur ce qui s’est passé lors de l’installation en Vittoz. L’idée est que les sensations corporelles vont évoquer quelque chose qui s’est passé dans la vie du patient et cela peut aller jusqu’à l’émergence de clichés de sa vie passée, le corps ne mentant jamais. Un dialogue s’instaure alors qui peut durer plus ou moins longtemps en fonction de la personne qui consulte et de ses besoins. A l’issue de ce temps de parole, une expérimentation est définie, cela peut être une concentration, un exercice de réceptivité, la traversée d’une émotion ou encore un acte volontaire qui permettra au patient d’avancer dans la connaissance de soi. Au fil des séances et des expérimentations, un travail est alors réalisé pour analyser ce que ces expériences concrètes révèlent de ses conditionnements inconscients et ont changé dans sa perception, sa façon de vivre, d’appréhender les choses. La force de la méthode Vittoz repose sur ces expérimentations qui rendent la thérapie très concrète et permettent au patient de l’utiliser au quotidien dans sa vie courante. »

INDICATIONS ET CONTRE-INDICATIONS

La méthode Vittoz peut être utilisée tant dans une optique d’art de vivre que dans un objectif de thérapie plus profonde. « En fonction de l’orientation de la thérapie, l’utilisation de la parole sera plus ou moins importante, précise Valérie Maillot. » La consultation en Vittoz peut ainsi se faire à tout âge et pour des motifs aussi variés qu’une prise en charge des difficultés de concentration chez l’enfant, un mal-être adolescent, mais aussi des troubles de l’anxiété, du sommeil, l’accompagnement d’un deuil ou d’une dépression chez l’adulte. « La méthode est très efficace chez les plus jeunes pour développer l’attention, la mémoire et la concentration. Chez les adolescents qui souffrent d’un mal-être lié à un passage à l’âge adulte délicat, le travail de reconnexion aux trois centres tête, corps, cœur, permet généralement de les accompagner rapidement vers du mieux être. Pour les patients qui viennent trouver de l’aide dans leur deuil ou une dépression, la thérapie sera plus profonde et longue. »

Si des patients atteints de schizophrénie ou de bipolarité peuvent suivre la méthode Vittoz, celle-ci est utilisée moins en tant que thérapie que « dans une optique fonctionnelle pour soulager les symptômes sans les masquer », précise Valérie Maillot. Ainsi dans le cas de patients souffrant de TOCs, le thérapeute doit s’assurer que les exercices ne deviennent pas obsessionnels.

PRIX ET DURÉE

Le tarif d’une séance de 50 minutes varie de 65 euros en moyenne en région parisienne à 45 en province. « Pour ce qui est de la durée de la thérapie, tout dépend de l’orientation de celle-ci. En fonctionnel, une dizaine de séances peut suffire, tout ne sera pas exploré mais le patient aura compris l’essentiel de la méthode Vittoz et disposera de quelques expérimentations qui lui permettront de mieux vivre. Dans le cadre d’un accompagnement thérapeutique plus profond, lors d’un deuil ou d’une dépression, cela sera nécessairement plus long: deux ans, parfois plus, à raison d’une séance par semaine donne une bonne idée de la durée nécessaire à un suivi sérieux et efficace. Ainsi la méthode Vittoz ne peut être considérée comme une thérapie brève, c’est une vraie thérapie des profondeurs. »

DÉCOUVRIR
Des preuves scientifiques pour Vittoz
En 2013 a été initié sous la direction de Rébecca Shankland, maître de conférence en psychologie, le programme FoVea® (Formation Vittoz à l’Expérience Attentive) afin d’étudier et mesurer l’efficacité de la méthode Vittoz. Les conclusions initiales de l’étude montrent que le programme mis en place :
• Diminue les effets du stress, de l’anxiété et des états dépressifs perçus.
• Accroît les capacités d’attention, de concentration et de mémorisation.
• Augmente le bien-être subjectif (émotions positives) et psychologique (sens de la vie, relations positives, optimisme, vitalité, intérêt)
• Améliore les compétences émotionnelles pour soi (surtout expression et régulation des émotions) et en lien avec autrui (climat de classe amélioré)
• Accroît la bienveillance envers soi-même

Vous avez dit réactivité ?

imagesVOUS AVEZ DIT REACTIVITE ?
La modélisation du cerveau dans la main de Daniel Siegel

Le neuro-psychiatre Daniel Siegel a modélisé le cerveau dans la main afin de rendre accessible ce qu’il se passe au niveau cérébral en cas de stress ou d’émotion aversive forte: colère, tristesse, peur.

La vidéo ci-dessous en montre le processus.

Disons que notre avant-bras représente notre colonne cérébrale.

Le pouce rabattu sur la paume de la main serait le tronc cérébral ou cerveau moyen, c’est-à-dire le système lymbique qui assure notre survie (processus automatiques vitaux) et régule toutes les fonctions automatiques (respiration, digestion). Il est aussi le siège des émotions et des réactions en cas de stress (attaque, fuite ou immobilisation) et de leur mémorisation.

Enfin, si nous rabattons nos doigts sur notre pouce, nous pouvons représenter notre front, lieu du cerveau supérieur, cortex et cortex pré-frontal (représenté par les ongles). Il est le siège des fonctions supérieures du cerveau: raisonnement, pensée, capacité d’association (5 sens/souvenir), logique, empathie, capacité d’interrelation, flexibilité, capacité à trouver des solutions, capacité d’anticipation, de comprendre l’impact de nos actes… et permet une réponse adaptée à la situation. Ainsi il permet la régulation des émotions, la moralité, le choix et la prise de décision.

imagesLorsque nous vivons une vive émotion, comme la colère ou le stress : nos doigts se désolidarisent de notre pouce, nous sommes déconnectés de notre cortex pré-frontal et en prise directe avec notre cerveau limbique (nos émotions, le souvenir de notre vécu émotionnel) et notre cerveau reptilien qui assure notre comportement de survie (attaque, fuite ou sidération).

Physiologiquement, nous sommes dans l’incapacité à être logique, à prendre des décisions… C’est le c’est plus fort que moi si souvent vécu de manière culpabilisante, le bien que je veux, le mal que je fais paulinien et autres automatismes avec lesquels nous ne savons que faire… Les patients du Docteur Vittoz lui disaient : « Tout ce que vous me dites […] je le veux sincèrement, mais je ne puis le faire ; montrez-moi comment je puis y arriver ! »

L’ennéagramme montre le pourquoi, l’origine historique de la réactivité qui active la mémoire pour un plus jamais ça; et la simple conscience peut aider à la tenir à distance.

Et au service de cette prise de conscience, la méthode Vittoz donne des moyens pour ne plus être esclaves de nos automatismes produits par nos associations cérébrales et arrêter le processus de défense du système neuronal sympathique qui prépare le corps à la défense par la fuite, l’attaque ou la sidération, de manière animale: dilatation des bronches, accélération de l’activité cardiaque et respiratoire, dilatation des pupilles, augmentation de la sécrétion de sueur et de la tension artérielle, via notamment l’adrénaline.

Il s’agit tout simplement, par la respiration (seule fonction vitale sur laquelle nous avons une action possible) ou une sensation (qui permet de couper avec l’emissivité cérébrale associative), d’accélérer l’intervention du système neuronal parasympathique qui ramène le calme dans l’organisme. Ainsi, nous pouvons retrouver une attitude posée et neutre face à l’événement sans réaction instinctive, un usage de la raison qui ne soit plus pollué par notre passé et nos souffrances: « Quand ma réceptivité est claire, ma pensée est claire », dit le docteur Vittoz.

Faire stop pour être libre, car comme le dit le neuropsychiatre autrichien Vicktor Emil Frankl: « Entre un stimulus et une réponse, il y a un espace. Et dans cet espace, il y a notre pouvoir de choisir nos réponses. Notre liberté et notre croissance se logent dans ces réponses. »

 

Vittoz & Co

1560736_235428763303972_1500743552_nVITTOZ : UNE MÉTHODE DE PSYCHOLOGIE POSITIVE OU DE PLEINE CONSCIENCE INTÉGRÉE ?

Par Patrick Bobichon
Coordinateur national IRDC pour l’étude FOVEA

La méthode Vittoz a pour but de développer l’état de présence dans l’instant présent, par l’utilisation pleine et entière de ses cinq sens, l’accueil et la conscientisation de ses états corporels et émotionnels,  une clarification de sa pensée pour redevenir pleinement acteur dans sa vie quotidienne.

Le terme de psychologie positive est apparu la première fois dans le livre de Abraham Maslow en 1954 « Motivation et Personnalité », dont le dernier chapitre s’intitule « vers une psychologie positive? ». A cette époque, certains psychologues ont commencé à se préoccuper de plus en plus de la promotion de la bonne santé mentale, et non pas seulement du traitement des maladies mentales. La psychologie positive a été officiellement initiée en 1998 par Martin Seligman, président de l’Association Psychologique Américaine, en affichant clairement sa préoccupation de rééquilibrer ses efforts entre le traitement des troubles psychiques, et l’étude des facteurs psycho-sociaux pour promouvoir l’épanouissement, la recherche de sens et le bonheur des personnes.

Or, l’intuition première du docteur Vittoz, en proposant sa méthode, était de rendre chaque personne autonome et actrice dans le traitement de « ses troubles pathologiques »,  en l’aidant à utiliser son cerveau d’une manière plus équilibrée et plus souple, en lien avec un ancrage corporel plus dense, pour lui permettre de développer sa capacité à agir, à choisir et à s’engager plus librement dans toutes les situations de la vie quotidienne. Dans la lignée de la psychologie positive, qui encourage la pratique d’exercices dans le but de modifier son état vers plus de bien-être, le travail thérapeutique en Vittoz passe par l’expérimentation d’exercices, que chaque patient va pouvoir intégrer dans son quotidien, suivant son propre rythme. Il réapprend à exercer sa liberté en prenant conscience et confiance en soi, et apprend pas après pas à s’accepter avec plus de bienveillance et moins de jugement.

Par ailleurs, les approches de Pleine Conscience se sont développées depuis une trentaine d’années, sous l’impulsion de Jon Kabat-Zinn, Professeur de médecine. Il définit la pleine conscience comme « un état de conscience qui consiste à porter son attention intentionnellement sur l’expérience du moment présent, sans jugement ». Il a développé le programme de MBSR (Réduction du Stress Basé sur la Pleine Conscience), basé sur une approche méditative. Christophe André, psychiatre et psychothérapeute, a largement participé à son introduction en France, notamment dans le milieu hospitalier.

Contemporain de Freud qui a inventé la psychanalyse, le docteur Vittoz  a choisi délibérément de s’inscrire dans une approche dans l’ici et maintenant. En effet, il constatait que ses patients étaient très rarement dans l’instant présent, mais plutôt dans des ruminations par rapport à leur passé, ou dans des anticipations anxieuses par rapport à l’avenir, par définition incertain. Sa méthode apprend à accueillir la réalité de l’instant, aussi bien la réalité extérieure de son environnement ou de sa situation actuelle, que sa réalité intime, que sont ses pensées, ses sensations corporelles et ses émotions.

Dans les faits et par la pratique, la méthode Vittoz est une approche qui développe la pleine conscience (ou présence attentive). L’originalité de la méthode Vittoz est que c’est une approche qui propose des pratiques intégrées au quotidien, c’est-à-dire qu’elle n’exige pas de prévoir un temps supplémentaire à caser dans son emploi du temps, mais elle se pratique dans les actes du quotidien, où au fil de la pratique, la personne sort de ses automatismes pour mettre plus de conscience dans ses journées.

Une étude scientifique est en cours depuis 2013 pour valider les appports d’un programme de 8 semaines basé sur la méthode Vittoz, pour la prévention du stress et la promotion du bien-être individuel. Ce programme se nomme FOVEA: Formation Vittoz à l’Expérience Attentive. Cette étude est pilotée par Rebecca Shankland, Maitre de Conférence en Psychologie et Responsable du DU de psychologie positive  à l’Université de Grenoble, en collaboration avec l’IRDC (Institut de Recherche et Développement du Contrôle Cérébral).

La Méthode Vittoz s’inscrit donc bien au carrefour de la Psychologie Positive et  de la Pleine Conscience. En effet, les premiers résultats partiels de l’étude FOVEA confirme que ce programme donne des outils concrets et pratiques pour apprendre à mieux gérer son stress perçu, à développer son état de présence et d’attention dans l’instant présent, et à améliorer ses compétences émotionnelles. L’intégration de l’approche Vittoz vise à accéder à un mieux-être,  à reprendre le contrôle de sa vie et à développer des relations plus bienveillantes avec soi et avec les autres, qui contribuent à redonner sens et plaisir dans son quotidien, dans la conscience de l’instant présent.

 Alors, Vite-Osez l’expérience Vittoz !

Pour plus de renseignements sur les liens possibles entre la Psychologie Positive et Pleine Conscience et l’actualisation des études de Recherche en cours sur le sujet, vous pouvez cliquer sur le texte co-écrit par Rébecca Shankland et Christophe André (transmis avec l’aimable autorisation de Rebecca Shankland)

 Shankland, R. & André, C. (2014). Pleine conscience et psychologie positive : incompatibilité ou complémentarité  ? Revue Québécoise de Psychologie, 35, 157-178.

Changement de regard

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par Giovanna
Formatrice et consultante
Retour d’expérience d’un cycle VITTOZ de 8 séances de 2h via le programme FOVEA

C’est mardi aujourd’hui mais cette fois-ci pas de formation Vittoz, cela nous manque déjà…

Je voulais te dire que j’ai répondu aux questionnaires envoyés par l’étude FOVEA et que je suis toujours très motivée pour la suite.

J’ai pu remarquer qu’à chaque nouveau jour une pratique Vittoz arrive et m’accompagne dans les différentes situations de la vie. C’est vraiment génial.

J’ai commencé ce premier module par curiosité intellectuelle et j’ai vite accroché à la méthode qui, pour moi, est très parlante et vivante.

Elle a changé aussi mon regard vis à vis de moi-même, des autres, des situations à gérer. Merci…