Article mis en avant

de l’eutrapélie

DE L’EUTRAPELIE

La notion d’eutrapélie prend sa source chez Aristote pour définir les conditions de la bonne plaisanterie. En grec, ce terme signifie littéralement la bonne tournure, c’est-à-dire la capacité de tourner de façon heureuse des paroles ou des actes pour le bien de l’esprit, ou encore l’enjouement.

Pour saint Thomas d’Aquin, l’eutrapélie désigne la vertu qui consiste à savoir s’accorder une légitime détente.

L’eutrapélie est une vertu, c’est-à-dire une capacité à bien agir qui demande de s’y exercer pour devenir une habitude, une seconde nature.

Comme toute vertu, elle est un juste milieu, ici entre la paresse et l’hyper-activité ou l’agitation permanentes, et consiste donc à savoir accorder à l’esprit la légitime détente qui lui permet de ne pas se briser sous la tension accumulée*.

Comme la corde de l’arc risquerait de casser ou de ne plus être assez tendue pour atteindre sa cible si elle l’est de façon continue, il est nécessaire de détendre l’esprit, pour les mêmes raisons.

Le but du docteur Vittoz est le contrôle cérébral, c’est-à-dire la capacité de passer librement de l’emissivité à la réceptivité et inversement.

Pour cela, nous connaissons déjà la nécessité de:

  • Prendre des vacances au moins une fois par an,
  • Organiser des sorties au moins une fois par mois,
  • Prendre un jour de repos au moins une fois par semaine,
  • Trouver un temps de détente une fois par jour.

Le docteur Vittoz y ajoute un acte conscient (c’est-à-dire senti) une fois toutes les heures.

 Le cerveau ne pouvant en même temps être réceptif et emissif: quand je sens, je ne pense pas et mon cerveau se repose. Il peut donc atteindre plus sûrement sa cible.

« C’est à la justesse de la sensation que l’on reconnaît que l’idée est juste. » écrit-il

*d’Après Denis Moreau, Comment peut-on être catholique? Seuil

Réponse à Anne Lécu

REPONSE A ANNE LECU
par Pascal Ide
18 avril 2023

L’ennéagramme: ni catholique, ni diabolique. Simplement, un bon outil de connaissance et de transformation de soi

Jeudi dernier est sorti un ouvrage d’Anne Lécu sur l’ennéagramme qui ne se contente pas de critiquer
les emplois abusifs de cet outil de connaissance et de transformation de soi, mais l’outil lui-même
, ultimement considéré comme totalitaire, manipulateur et pervers1. Je souhaiterais brièvement revenir sur ces objections.

1) Des critères de discernement

Tout d’abord, le livre – et c’est là son intérêt – permet de rappeler qu’il y a des abus, des mésusages de l’instrument psychologique qu’est l’ennéagramme. Comme d’ailleurs, pour toute démarche psychologique et spirituelle. C’est ainsi l’occasion de rappeler les règles déontologiques que tout praticien devrait suivre et que tous ceux que je connais, chrétiens ou non, appliquent.

a) Ne jamais typer l’autre. D’abord, parce que l’autre est infiniment plus grand que toute typologie, caractérologie, etc. Ensuite, parce que nous n’avons pas accès à l’intériorité, l’intention de l’autre.

b) Découpler la méthode et son usage. Que plus de 3 000 personnes aient perdu la vie sur les routes de France métropolitaine en 2022 ne signifie pas que la voiture soit mauvaise. Que certains utilisent l’ennéagramme (comme d’ailleurs d’autres typologies) pour manipuler l’autre parle non pas de l’outil, mais de son utilisateur.

c) Découpler la méthode et son interprétation. Par exemple ésotérique. Il en est de même pour l’hypnose ou pour la méditation pleine conscience. C’est un de mes soucis que de laïciser ou séculariser certains outils. C’est ce qu’ont fait les Pères de l’Église ou les docteurs médiévaux par exemple avec les vertus ou les concepts métaphysiques: étant neutres, ils ont pu les intégrer à leur construction théologique.

d) Enrichir l’ennéagramme, comme n’importe quelle méthode. En la complétant avec d’autres approches: d’ordre psychologique (des typologies comme la caractérologie de Le Senne, etc.); une anthropologie humaine (qui rappelle l’importance de la liberté, de l’intelligence, etc.); une anthropologie chrétienne (fondée sur l’image de Dieu).

2) D’anciennes critiques et leurs réponses

Mais, nous l’avons dit, pour la dominicaine, il n’y va pas que d’abus, mais de l’outil qui, pour elle, est intrinsèquement mauvais. Beaucoup d’objections sont déjà bien connues et certains y ont déjà répondu en détail2. Je rappelle pour mémoire ces critiques et résume quelques éléments de réponse:

a) L’ennéagramme confondrait-il le psychologique et le spirituel ?
Bien sûr, certains confondent les deux plans. C’est ainsi que la première page du livre que frère Éphraïm consacre à l’ennéagramme, on lit : « Là où est ta blessure, là est ta rédemption ». Mais j’ai toujours défendu la distinction des plans. Par exemple, la psychothérapie vise la guérison et la Révélation la conversion (le salut). En revanche, ce qui est distinct par nature (le plan psychologique et le plan spirituel) peut être uni dans la vie. Par exemple, si une psychothérapie me montre que j’ai une tendance victimaire à me lamenter, je vais le reprendre dans ma vie spirituelle pour me convertir et rentrer dans la bénédiction.

b) L’ennéagramme serait-il condamné par le Magistère de l’Église?
Vivant encore à Rome en 2003, j’ai demandé au secrétaire du Conseil pontifical pour la culture si l’intention du document sur le New Age, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, était de condamner l’ennéagramme. Il m’a répondu que celui-ci n’est nullement condamné comme méthode, il ne l’est que s’il est présenté comme un moyen de salut. Mais reprenons le texte, car c’est une question d’exégèse. Il affirme que l’ennéagramme peut être utilisé soit comme « instrument pour l’analyse du caractère« , soit comme « instrument de croissance spirituelle« . Or, seul le second usage est condamné, car il « introduit une ambiguïté dans la doctrine et la pratique de la foi chrétienne« . Je signe à deux mains! Si j’utilise cet instrument en me disant qu’il me parle de ma vie chrétienne, cela ne va pas. En revanche, il n’est en rien illégitime de l’employer comme outil de connaissance de soi et de développement personnel, ainsi que l’a dit le point précédent.

c) L’ennéagramme serait-il intrinsèquement ésotérique?
Tout d’abord, il est loin d’être montré que l’ennéagramme remonte à Gurdjieff et à l’ésotérisme. On ne trouve pas dans ses écrits un intérêt pour la dimension psychologique de l’ennéagramme, mais bien davantage une vision totale et plutôt gnostique. Par ailleurs, ce serait contradictoire. Une pensée de type ésotérique s’inscrit, par définition, dans une tradition. Gurdjieff aurait donc reçu cette classification d’avant. De plus, tout montre que l’ennéagramme vient de l’observation de la réalité humaine. Ainsi, Helen Palmer avait constaté via des études empiriques sur 45 000 cas qu’il y avait neuf manières d’être attentifs au réel, avant de découvrir l’ennéagramme. Enfin, il faut bien distinguer l’outil et son milieu de naissance. Le livre d’Anne Lécu reproduit, sur un autre sujet, un débat qui a eu lieu il y a un siècle lorsque l’on se demandait si la psychanalyse était catho-compatible, Freud étant matérialiste, scientiste, athée. Dans ce domaine, Roland Dalbiez, professeur de philosophie et maître de Ricœur, écrit en 1936 La méthode psychanalytique et la doctrine freudienne, appelant à distinguer l’outil (« la méthode psychanalytique« ) et la philosophie (« la doctrine freudienne« ). L’outil est passionnant. Quant à l’interprétation, elle n’est pas recevable. Un siècle plus tard, l’enjeu n’est plus l’athéisme, mais le panthéisme et la gnose: la tentation actuelle est d’imaginer que Dieu est partout présent, voire que je suis Dieu. Effectivement, certains interprètent l’ennéagramme de façon ésotérique, mais, répétons-le, il est possible de découpler l’outil et son interprétation, comme, par exemple, Christophe André l’a fait pour la méditation pleine conscience.

3) De nouvelles critiques et leurs réponses

D’autres objections, en revanche, sont nouvelles et méritent aussi que l’on s’y arrête.

a) L’ennéagramme serait-il un outil non scientifique?
Sœur Anne Lécu affirme que la méthode n’est pas validée scientifiquement. Il est vrai que nombre de formateurs qui utilisent des questionnaires sur le marché du développement personnel, ne s’encombrent pas de scientificité. Pourtant, deux psychologues cliniciens ont mis au point un questionnaire ennéagramme qui a été validé selon les normes psychométriques internationales: le HPEI (Halin Prémont Enneagram Indicator). Il a fait l’objet d’une publication qui engage la responsabilité académique de l’université de Louvain3 . Le but de la validation est d’établir qu’un questionnaire mesure bien ce qu’il prétend mesurer. Or, dans le cas du HPEI, les analyses statistiques démontrent qu’il existe bien neuf facteurs indépendants qui correspondent aux 9 types décrits par le modèle de l’ennéagramme et cela dans 15 langues différentes4 .  Les méthodes statistiques ayant évolué depuis 2012, un nouveau questionnaire5  a été élaboré. Il a été validé en 2022 via des analyses, dites exploratoires et confirmatoires, qui sont les plus pointues actuellement dans le domaine de la psychométrie. J’ajoute que, pour nombre de typologies ou d’outils psychologiques comme la psychanalyse – tel le transfert qu’Anne Lécu mobilise –, nous n’avons aucune étude scientifique, et pourtant, nous les utilisons sans crainte.

b) L’ennéagramme serait-il un outil totalitaire?

Une vision totalisante exclut les autres. Or, je l’ai rappelé ci-dessus: il est périlleux d’être mono-outil. De plus, c’est oublier que, depuis longtemps, les chrétiens qui pratiquent l’ennéagramme pratiquent aussi le dialogue. Ainsi, aux Rencontres Chrétiennes de l’Ennéagramme qui rassemblèrent plus de 1 000 personnes en 2013, et que ne mentionne même pas le livre d’Anne Lécu, des détracteurs de l’outil comme Bertran Chaudet furent invités, et pourtant ne sont pas venus. Une vision totalisante mesure les autres à la sienne. Le livre prétend que, parce que je compare l’ennéagramme avec les péchés capitaux ou les transcendantaux, je construis un système totalisant mesurant tout à l’ennéagramme. En réalité, sœur Anne Lécu confond expliquer et réduire. Je ne cherche pas à appliquer, mais à expliquer. Je pars d’une donnée de fait et je cherche à rendre compte de sa cohérence. Par exemple, saint Thomas part du fait traditionnel que sont les sept sacrements. Pour éclairer ce fait, il part des sept grands actes vitaux, comme les trois opérations physiologiques distinguées par Aristote. Et il montre ainsi que les sept sacrements correspondent à ces actes vitaux. Est-ce à dire qu’il mesure la Révélation chrétienne à Aristote? Bien sûr que non! De même, je ne réduis pas les péchés capitaux à l’ennéagramme! Une vision totalisante fait de sa vision une clé universelle. Or, tel n’est pas le cas de l’ennéagramme. Il arrive que, en faisant un stage ou en lisant un livre, une personne n’adhère pas à l’outil, qu’il ne lui parle pas. Peu importe! Une autre typologie pourra lui parler. Ou non!

c) L’ennéagramme serait-il un outil manipulateur ?
Ici, l’argument principal avancé par sœur Anne Lécu réside dans le rapprochement entre les abus aujourd’hui dans l’Église, certains fondateurs de communautés nouvelles comme Éphraïm et Jean Vanier et l’ennéagramme. Ce rapprochement est une invention. D’abord, il est très significatif que, suite au rapport de la Ciase, il n’y a pas eu de dépôts de plaintes de la part de particuliers ou de collectifs abusés par un praticien de l’ennéagramme. D’ailleurs, le livre, qui est très théorique, ne rapporte aucun témoignage de personnes maltraitées par cet outil. Ensuite, imaginons que – et je répète que ce n’est pas le cas – l’ennéagramme ait été mis en cause. Il conviendrait alors de rappeler la distinction entre un outil et son abus. Allons au plus scandaleux: les trois grands abus, sexuels, de pouvoir et spirituels (de l’accompagnement spirituel ou des sacrements, en particulier la confession). Or, qui ira dire que ces abus disqualifient la sexualité, l’autorité, et, dans l’Église, l’accompagnement spirituel ou la confession? Par ailleurs, il y va d’un amalgame redoutable qui ressemble fort à une reductio ad Hitlerum: Vous
aimez les chiens; Hitler aimait les chiens ; comme c’est bizarre! 
Ici, on procède au même rapprochement: Éphraïm et Jean Vanier utilisaient l’ennéagramme; or, Éphraïm et Jean Vanier sont des abuseurs et des manipulateurs; donc…  Enfin, je ne peux pas m’empêcher de penser que, derrière la légitime recherche des responsabilités ayant conduit aux abus, l’on est en train de chercher des bouc-émissaires et que l’ennéagramme et ses utilisateurs servent de tête de turc.

d) L’ennéagramme serait-il un outil narcissique ?
Pour Anne Lécu, l’ennéagramme, à l’instar des outils de développement personnel, centrerait sur soi alors que le Christ invite à nous décentrer de nous. Là encore, la bonne attitude est un juste milieu. Si notre époque est très tentée par l’égocentrisme
(tous les paramètres du narcissisme sont en hausse depuis trois quart de siècles, montre Christopher Lasch), ne nous cachons pas que de nombreuses personnes, notamment dans le monde catholique, sont aussi tentées par l’inverse: l’ignorance de soi, voire le mépris de soi. Jusqu’à s’épuiser et faire un burn-out. Comment tenir le juste équilibre? En rappelant que la connaissance de soi et l’estime de soi sont un moyen dont le but est de se donner à l’autre et à Dieu. Citant l’Ancien Testament, le Christ ne dit-il pas : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même« ?

4) Conclusion
Il reste à expliquer ce fait massif que l’immense majorité des chrétiens qui ont découvert cet outil – un outil parmi d’autres – ont progressé sur le plan humain et spirituel. Dire qu’ils sont soit manipulateurs soit manipulés, comme induit à le penser le livre d’Anne Lécu, n’est-ce pas adopter la posture surplombante et méprisante qu’elle reproche à ceux qui pratiquent l’ennéagramme? Pour l’ennéagramme, comme pour d’autres approches humaines que j’ai étudiées – par exemple, la méditation pleine conscience, l’hypnose, l’EMDR, un certain nombre de médecines parallèles et alternatives –, il y a trois attitudes possibles:

a) L’absolutisation
On ne peut nier que certains absolutisent l’outil: ils voient tout à travers les lunettes des neuf types; ils jugent l’autre à partir de cette seule grille; ils vont jusqu’à dire que certains types sont incompatibles, ce qui expliquerait les conflits et même autoriserait les séparations au sein des couples; etc. Telle est la posture que, avec Anne Lécu, je condamne fermement.

b) La diabolisation
Face à ces dérives, certains affirment que c’est l’outil qui est en lui-même pervers et donc le diabolisent. Telle est la position d’Anne Lécu que je refuse tout aussi fermement.

c) Le discernement
Ainsi qu’on le sait, discerner est le mot clé du pontificat du pape François. Et c’est lui que j’applique à l’ennéagramme, comme à bien d’autres approches. Afin de dialoguer « aux périphéries ». Discerner: entre le bon usage et le mésusage; entre l’outil et son interprétation ésotérique; etc. Faire appel non point à la passion (absolutisation) ou à la peur (diabolisation), mais à la raison éclairée par la foi.

Je finirai par une double recommandation. La première est de Saint Thomas d’Aquin: « Ne regarde pas à qui tu parles, mais tout ce qui se dit de bon, confie-le à ta mémoire6« . La seconde, de saint Ignace de Loyola, est si importante qu’elle est citée par le Catéchisme de l’Église catholique: « Tout bon chrétien doit être plus prompt à sauver la proposition du prochain qu’à la condamner7« . Ni catholique (puisqu’il est simplement humain), ni diabolique (puisque seul l’abus peut l’être), l’ennéagramme est seulement un bon outil, parmi d’autres, de connaissance et de transformation de soi.

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1 Anne LÉCU, L’ennéagramme n’est ni catho ni casher, Paris, Le Cerf, 2023. Sur le côté totalitaire, cf. p. 37, 67, 86, 155, 183 ; sur la manipulation, cf. p. 36, 78, 84, 132, 151, 152, 156, 161, 174, 186, 180, 182 ; sur la perversion, cf. p. 6, 76, 184 (la coda du livre).

2 Par exemple, l’IEDH (Institut Européen de Développement Humain), fondé par Jean-Paul Mordefroid, membre de la communauté de l’Emmanuel, consultant et formateur, employant l’ennéagramme avec d’autre outils, propose une grille de dix critères que l’on trouve sur leur site : http://www.iedh.fr/enn-artjpm/ Je me permets aussi de renvoyer à Pascal IDE, Les neuf portes de l’âme. Ennéagramme et péchés capitaux: un chemin psychospirituel, Paris, Fayard, 1999, Annexes 3 et 4, p. 411-430 ; Ennéagramme. Notes pour une évaluation, Journée d’étude du bureau national « Pastorale, nouvelles croyances et dérives sectaires » avec les délégués relais pour les provinces ecclésiastiques, 1er février 2010, Conférence des Evêques de France. Le texte se trouve sur le site pascalide.fr ; le débat Anne LÉCU-Pascal IDE, La Vie, avril 2023, p.6 16 conseils pour acquérir le trésor de la Science.

3 Cf. Nathalie DELOBBE, Philippe HALIN et Jacques PRÉMONT, HPEI Ennéagramme évolutif. Manuel du Halin Prémont Enneagram Indicator pour le psychologue et le praticien certifié, Louvain, Presses Universitaires de Louvain, 2012. Je remercie Jacques Prémont des précisions contenues dans ce paragraphe.

4 D’autres indicateurs très techniques doivent être pris en compte pour qu’un questionnaire soit considéré comme valide: validité de construction, consistance interne, validité convergente/discriminante, fidélité, validité prédictive. Or, l’ennéagramme répond à ces divers critères.

5 Il s’agit de la version iota du HPEI.

6 16 conseils pour acquérir le trésor de la Science.

7 S. Ignace de LOYOLA, Exercices spirituels, n° 22. Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n° 2478.

Prendre ma place

PRENDRE MA PLACE
Par Christelle
de base 9 en survie

Merci pour ce stage! C’est très beau de voir les regards évoluer, d’apprendre à se connaître et reconnaître les autres profils, et les personnes! Merci pour votre bienveillance et de l’amener dans le groupe. 

Je vois des fruits dès le retour hier… prendre sa place, toute sa place, rien que sa place

Engagée, avec mon mari, dans Foi et lumière, communauté de rencontres pour personnes avec un handicap mental, famille et amis, nous devions préparer une animation sur le texte de Jérémie,  9,10-14, sur l’espérance. L’aspect biblique est plus mon domaine que celui d’Antoine;  nous nous complétons mais là nous avions échangé et difficile de mettre en scène sachant qu’on ne se voyait pas juste avant. J’ai bossé et j’ai raconté avec théâtralisation l’histoire du peuple hébreu pour en arriver à Jéremie, puis en actualisant avec nos amis avec un handicap. Ce fut un moment très fort d’échanges qui a suivi avec des paroles en profondeur. 

Antoine fut bluffé et admiratif de ma prestance, ainsi que d’autres… Je me suis sentie à l’aise, même si cela m’a demandé des efforts, et une joie.

Toutefois, le soir,  le petit vélo de la  pensée revient en disant: tu t’es mise en avant.

Stop. Au service de.  

Quel travail !!! et quelle joie de voir que c’est possible ! 

Benoît XVI

BENOIT XVI
Un archétype de base 5 en social
*

Les familiers du Vatican aiment à le raconter: avant qu’il n’accédât à la fonction suprême dans l’Eglise, le cardinal Joseph Ratzinger traversait la place Saint-Pierre, le nez dans ses chaussures, pour éviter de croiser le regard de quelqu’un qui aurait pu le distraire de son monde intérieur. En retrait, porté sur l’étude, Benoît XVI pourrait avoir été un pape de base 5.

Pourtant, déminons les assimilations hâtives. Ce n’est pas parce que Joseph Ratzinger a été un des plus grands théologiens de son époque qu’il serait de base 5. Il y a des intellectuels dans tous les types, même si les 5/6/7 sont naturellement portés à cela par leur préférence pour le centre mental. A rebours, les mentaux ne sont pas forcément des intellectuels: chaque base, par le biais de sa motivation profonde (souci de rigueur en 1, soif de sens en 4, adaptation à l’environnement en 3, participation à une œuvre commune en 9 etc) peut l’être. En base 5, la motivation essentielle est la connaissance, la clarification, la transmission…

Le retrait: ce mouvement de mise à distance a un sens, une raison d’être. Il permet d’observer et de comprendre le plus largement, le plus clairement et le plus objectivement possible. Et cela semble avoir été la marque de fabrique de Benoît XVI. Combien, à rebours, les bains de foule, les manifestations tactiles semblaient lui être pénibles… Son sourire délicat cachait parfois difficilement l’effort face aux démonstrations d’affectivité.

Car le retrait, c’est aussi la mise à distance des émotions qui pourraient brouiller le raisonnement. Non pas qu’il n’y ait pas d’émotion. Beaucoup de témoignages de personnes de base 5 expriment une très grande sensibilité, souvent vécue a posteriori, en solitude, et peu démonstrative. Car le risque de l’émotion est de perturber l’analyse ou le sang-froid. Même dans l’écriture, Joseph Ratzinger est logique, analytique et synthétique. Dans son Jésus de Nazareth, il convoque les tenants de la méthode historico-critique, les théologiens protestants, avec calme et sérénité. Tout est bon pour une réflexion approfondie. D’où le sentiment que peuvent avoir certains d’une forme de froideur ou de sécheresse. Mais c’est la condition d’une réflexion qui ne fasse pas l’impasse sur des points importants, qui sache aller en profondeur sans être déroutée par la colère, la peur ou la tristesse. Outre une quête d’objectivité, cette mise à distance lui permet de discuter avec n’importe qui, sans interférence émotionnelle, d’où la relation toujours maintenue avec le théologien controversé Hans Küng.

De fait, Benoît XVI entrait en contact et parlait facilement lorsqu’il s’agissait de la chose intellectuelle, ce qui pourraient laisser perplexe face à la vision château-fort que l’on peut en avoir de la personne de base 5, économe de ses paroles comme de sa présence. L’explication se trouve peut-être dans un sous-type en social. Herr Professor Ratzinger n’était pas indifférent aux places occupées dans l’Université. Non par recherche vaniteuse des honneurs, mais par ce goût de la discussion entre pairs sur des sujets intellectuels essentiels. Tous les témoignages concordent: Joseph Ratzinger était très à l’aise dans les colloques, séminaires et dans les différents cours qu’il donnait avec grand plaisir. La personne de base 5 en social peut aimer le groupe, dans la mesure où l’on y partage des connaissances et où l’on évite les discussions superficielles. Cette capacité le fit nommer au poste d’archevêque de Munich, ce qu’il n’aima pas, parce qu’il n’était pas un homme d’action. A Rome, il fut un remarquable préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi, dont la mission est essentiellement théologique. Mais en tant que pape, cette sociabilité avec les théologiens et les intellectuels semble lui avoir manqué. Elle a été remplacée par des mondanités épuisantes et vaines, avec des combats pour lesquels il ne se sentait pas de taille.

La charge pontificale aurait demandé, dans le terrible contexte de l’Eglise (qu’il avait perçu avant tout le monde et explicité dans son homélie du chemin de Croix de 2005 au Colisée, quelques jours avant son élection), une activation d’une flèche 8 dont il n’avait peut-être ni la force ni le goût. Ce qui a conduit, huit ans plus tard, à sa renonciation, au choix définitif d’une posture de retrait, dans l’humble reconnaissance de ses limites.

Réfléchir d’abord. L’émotion est pour après, mais elle est bien présente: c’est Joseph Ratzinger, fin mélomane, à son piano. C’est l’homme qui aimait les chats, peut-être en raison de leur autonomie. C’est la personne délicate, attentionnée, douce par le regard et par le geste. C’est aussi l’homme de prière, dont nous ne pouvons rien dire, mais dont nous pouvons penser que par elle, le cœur avait pris le pas sur le raisonnement. Benoît XVI a toujours défendu, contre bien des théologiens de son époque, que la Révélation n’est pas d’abord son contenu, mais la rencontre avec Celui qui se révèle. Pape, il ne dira rien de plus important. « À l’origine du fait d’être chrétien, il n’y a pas une décision éthique ou une grande idée, mais la rencontre avec un événement, avec une Personne, qui donne à la vie un nouvel horizon et par là son orientation décisive » (Benoît XVI, Lettre encyclique Dieu est amour, § 1).

Pour ceux qui l’ont lu, les textes de Ratzinger procurent bien sûr une intense jubilation intellectuelle, mais, souvent, et c’est le cœur de l’œuvre, touchent au cœur et tirent les larmes, d’autant que ce qui est écrit l’est sans aucun effet de plume. Parce qu’au-delà de sa nature, qui le poussait à développer ses talents rationnels à la place qui était la sienne, la vraie vie de Benoît XVI fut sans doute dans l’intimité du cœur à cœur avec son Dieu.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son œuvre. 

Un toast à la vie !

UN TOAST A LA VIE !
Par Antoine

Merci pour ce très bon moment, extrêmement enrichissant, qui n’a pas encore fini de décanter tant cela touche d’aspects intimes et profonds de notre vie, et sur un spectre temporel aussi complet!


Initialement pris pour un jeu social, un cours de comportement humain, nous avons eu pleine conscience de la capacité de cet outil à nous aider à faire le point sur nous-même, et nous expliquer les mécanismes qui nous ont continuellement poussé à vivre et faire les choses de la même manière, prisonniers du manque de recul et d’éléments pour pouvoir avancer en liberté.


Une véritable clef pour l’acceptation et l’estime de soi, et je l’espère, un pont vers la sérénité. Un toast à la vie !

Prière de la base 8

PRIERE DE LA BASE 8*

O mon Dieu, Trinité que j’adore,
aidez-moi à m’oublier entièrement
pour m’établir en vous, immobile et paisible
comme si déjà mon âme était dans l’éternité!
Que rien ne puisse troubler ma paix ni me faire sortir de Vous,
ô mon Immuable, mais que chaque minute m’emporte
plus loin dans la profondeur de votre Mystère.
Pacifiez mon âme, faites-en votre ciel,
votre demeure aimée et le lieu de votre repos;
que je ne vous y laisse jamais seul,
mais que je sois là tout entière,
tout éveillée en ma foi, tout adorante,
toute livrée à votre action créatrice.

O mon Christ aimé crucifié par amour,
je voudrais être une épouse pour votre cœur;
je voudrais vous couvrir de gloire,
je voudrais vous aimer… jusqu’à en mourir!
Mais je sens mon impuissance et
je Vous demande de me revêtir de Vous-même,
d’identifier mon âme à tous les mouvements de votre Âme;
de me submerger, de m’envahir, de Vous substituer à moi,
afin que ma vie ne soit qu’un rayonnement de votre Vie.
Venez en moi comme Adorateur,
comme Réparateur et comme Sauveur.

O Verbe éternel, parole de mon Dieu,
je veux passer ma vie à Vous écouter,
je veux me faire tout enseignable afin d’apprendre tout de Vous;
puis, à travers toutes les nuits, tous les vides,
toutes les impuissances, je veux vous fixer toujours et
demeurer sous votre grande lumière.
O mon Astre aimé, fascinez-moi pour que je ne puisse
plus sortir de votre rayonnement
.

O Feu consumant, Esprit d’amour,
survenez en moi afin qu’il se fasse en mon âme
comme une incarnation du Verbe;
que je Lui sois une humanité de surcroît,
en laquelle il renouvelle tout son mystère.

Et vous, ô Père, penchez-Vous vers votre pauvre petite créature,
ne voyez en elle que le Bien-aimé en lequel
Vous avez mis toutes vos complaisances.

O mes Trois, mon Tout, ma Béatitude,
Solitude infinie, Immensité où je me perds,
je me livre à Vous comme une proie;
ensevelissez-vous en moi,
pour que je m’ensevelisse en Vous
, en attendant
d’aller contempler en votre lumière l’abîme de vos grandeurs.

Sainte Elisabeth de la Trinité

*La prière a quelque chose à dire du don reçu ou de ce vers quoi la personne tend.
En ce sens, elle parle de la qualité essentielle et/ou de la vertu de chaque base.
Comme les versants de la montagne convergent au sommet, elle a quelque chose d’universel, même si c’est par une voie spécifique.

Prière de la base 5

PRIERE DE LA BASE 5*

« Créateur ineffable, vous êtes la vraie source de la lumière et de la sagesse. Daignez répandre votre clarté sur l’obscurité de mon intelligence; chassez de moi les ténèbres du péché et de l’ignorance.

Donnez-moi: La pénétration pour comprendre, la mémoire pour retenir, la méthode et la facilité pour apprendre, la lucidité pour interpréter, une grâce abondante pour m’exprimer, aidez le commencement de mon travail, dirigez en le progrès, couronnez en la fin, par Jésus Christ notre Seigneur, amen. »

Saint Thomas d’Aquin

Addendum: « On raconte que Thomas d’Aquin, sentant venir sa mort, réclama à manger, et pas n’importe quoi, des harengs comme on en faisait à Paris en ce temps là. On dit aussi que sa dernière lecture fut celle du Cantique des cantiques. En voilà un qui ne fuyait pas sa carnation. C’est pourquoi il sut si bien mourir. »
Robert Scholtus, Une saison dans les limbes

*La prière a quelque chose à dire du don reçu ou de ce vers quoi la personne tend.
En ce sens, elle parle de la qualité essentielle et/ou de la vertu de chaque base.
Comme les versants de la montagne convergent au sommet, elle a quelque chose d’universel, même si c’est par une voie spécifique.

Une carafe

UNE CARAFE
par Isabelle
de base 4 en tête-à-tête

Je suis une carafe.

Ce texte est pour toutes mes sœurs les carafes 4 qui cherchent la lumière au milieu des émotions qui les emplissent, et aux carafes des autres bases qui m’ont si bien montré le chemin.

Je me remplis de boissons et j’espère qu’elles seront appréciées ou plus exactement que je serai appréciée car je suis ce qui me remplie… Je suis mon émotion.

Je me remplis de ce qui est chez mes consœurs les carafes. Je prends leurs boissons et je fais des assemblages. Je voudrais que chacun d’eux soit à l’origine de dégustations appréciées. Que je sois reconnue pour mon originalité et que je me sente unique et aimée plus que les autres.

Certains de ces breuvages sont des vrais élixirs et ils ne passent pas inaperçus. Mais je me lasse vite, je veux du plus intense encore, de l’exceptionnel, du Woua.

Vincent Van Gogh
Table de café avec absinthe

Dans mon histoire, ces assemblages n’étaient que des mélanges. C’était le mélange de ce que je pouvais capter de mes consœurs les carafes. Ces mélanges qui m’emplissaient devenaient de plus en plus forts et disharmonieux. Les dégustations s’espaçaient. Les buveurs s’éloignaient. Ce que je portais pouvait être ressenti comme excessif, désagréable et à la longue, éventuellement dangereux. Pendant ce temps les autres carafes étaient recherchées. Leurs mornes boissons attiraient et semblaient procurer de l’agréable chez les buveurs.

J’étais jalouse. Pour moi, la souffrance était intense. J’aimais l’intensité mais quand même. Là, c’était trop. Il fallait trouver une autre voie.

Alors j’ai imité mes consœurs. Je me suis remplie d’eau plate. j’ai fait l’expérience de l’eau…. plate et donc de la platitude et de la monotonie. J’avais l’impression de ne pas vivre, d’être dans le rien. Cela a généré une nouvelle souffrance. Elle était différente et les boissons que je portais se sont alourdies.

Petit à petit j’ai découvert que toutes les eaux étaient différentes. Chacune avait sa particularité, sa richesse et j’en découvrais les subtilités. Toutes m’intéressaient et ma vie perdait en intensité alors que d’une façon incroyable apparaissait la densité. Le banal devenait passionnant… On ne se change pas… Heureusement, il y avait toujours de la passion.

Et puis j’ai goûté à la Source vive. Sa beauté et sa transparence étaient d’une pureté absolue et elle l’est toujours. Elle est tellement belle qu’il peut m’arriver parfois de nettoyer mon cristal pour qu’on la voit et qu’on m’oublie.

L’expérience est lumineuse, encore fugitive, mais lumineuse.

Avec tout mon amour de carafe

Aimer sa différence

© AnnaClickPhotography

AIMER SA DIFFERENCE
par Solange

de base 5

Chacun est unique. Chacun peut se sentir différent des autres. En bonne personne de base 5, je me suis toujours sentie à côté. En recul. En observation. En analyse.

Souvent, j’ai perçu de manière négative mon côté intello, voire parfois jugeant. Je me trouvais trop froide, trop sérieuse, trop discrète, par rapport aux autres.

Et il y avait cette étrange impression de ne pas aimer être trop longtemps en compagnie d’autres personnes. Le week-end en famille, cela peut être long pour une personne de base 5. Les vacances aussi. Jusqu’à l’âge de 12 ans, je voulais devenir bergère dans la montagne. Pas par amour des brebis, mais par envie d’être seule, magnifiquement seule.

Avec l’ennéagramme, tout s’est illuminé. Intello oui, mais pour recueillir un grand nombre d’informations. Froide, en quelque sorte, mais pour garder un regard le plus objectif possible. Sérieuse, afin d’amener de la profondeur, et aller à l’essentiel. Calme, pour apaiser, amener un ancrage. Une personne est venue me voir à la fin du stage de formation à l’ennéagramme. Elle ne me connaissait que depuis la veille, et m’a confié qu’elle m’avait vue comme une force tranquille. Je perçois mieux le charme discret des introvertis, qui attirent peu le regard, mais vivent souvent un bouillonnement intérieur.

Car à l’intérieur, il y a des étoiles, des visages, des livres, des informations classées, qui soudain se relient entre elles, branches grimpantes qui s’enlacent.

L’ennéagramme amène de la clarté sur ce besoin de solitude qui me semblait exagéré. Si, dans l’adolescence, je regrettais de ne pas être seule pour profiter pleinement de visites enrichissantes que nous faisions, ce n’était pas égoïste. Car cet isolement temporaire et bienheureux permet de se reconnecter à qui l’on est vraiment, à ses émotions, à cet univers personnel. Au lieu d’absorber en partie les émotions des autres, sentir à nouveau ses contours, ses mouvements, sa liberté d’être pleinement soi, sans interférences.

A ces besoins viscéraux d’accumuler des connaissances et de refaire ses forces émotionnelles, l’ennéagramme offre un chemin: offrir aux autres ce savoir structuré et sa présence ancrée; enrichir sa perception de davantage d’émotions et de sensations; aller vers un savoir plus incarné et humanisé par l’expérience. Allier la vérité à l’amour. Aimer sa différence. Et celle des autres. Le temps d’une vie.