
APPRIVOISER SES OMBRES
Par Murielle
de base 8
C’est l’histoire d’une petite fille, puis une jeune femme, puis une femme, qui toutes avaient mis beaucoup de leur énergie à cacher leurs blessures. Et de l’énergie, elles en avaient, mais elles y ont beaucoup puisé. Sans toujours penser à reconstituer les réserves. Toutes les trois étaient certaines que, ainsi bien cachées sous une solide armure, personne ne s’apercevrait que, sous la cotte de maille, béaient des fêlures, fissures et crevasses gigantesques. Oh, ce n’était pas par volonté de dissimulation que le pont-levis était levé en permanence entre elles et les ennemis extérieurs. C’était simplement un rempart et une protection indispensables à leur homéostasie psychique. Du moins le croyaient-elles.
La vie allait leur apprendre, doucement, lentement, très lentement, à desserrer cet étau, à jeter l’armure -rouillée- à la rivière. Après de rudes chevauchées menées à se battre contre des moulins à vent, des expositions permanentes à se prendre pleine face les déferlantes de la vie sans même penser à se mettre de biais afin d’offrir ainsi moins de prise aux vagues, des révoltes conduites contre le monde entier, injuste avec les plus faibles, le bilan de toutes ces années de luttes était squelettique: la terre ne tournait pas plus rond, les pauvres étaient toujours pauvres, les guerres sans cesse rallumées, la paix intérieure et l’harmonie un horizon jamais atteint. La révolte, la rage et la colère allumées dans l’enfance étaient toujours prêtes à flamber à la moindre étincelle. C’est sûr, il fallait changer de méthode.
Chercher à se connaître, reconnaître en soi l’existence des traumatismes, remonter à l’origine, creuser, désinfecter, soigner, les panser. S’apprivoiser. Apprivoiser ses ombres comme ses fulgurances, apprivoiser des gros mots comme fragilités, vulnérabilités, hypersensibilité, confiance en l’autre. Recoudre, ravauder, réparer. Se réparer, s’adoucir, arrondir les angles, considérer l’existence de différences nuances, cesser de porter et de vouloir pour les autres, apprendre à consentir. Ralentir, lâcher prise, faire confiance. S’accepter, s’aimer. Laisser le temps faire son œuvre pour emprunter le chemin de la consolation, du pardon. Pardonner, et se pardonner.
Je suis comme un kintsugi, un bol japonais réparé à la feuille d’or. Réparée, couturée, balafrée, certes. Mes cicatrices sont apparentes, visibles à l’œil nu pour ceux qui savent les voir, les lire derrière les rebuffades, les tenues à distance, les emportements. Mais ces cicatrices font partie de moi, de celle que je suis aujourd’hui. Les Japonais disent même que, ainsi réparés, les objets révèlent une nouvelle beauté, et sont plus solides. Ne le répétez pas, c’est un secret.



UN OPINEL
Il n’a pas de valeur à proprement parler. Sa valeur réside dans son usage, dans ce que l’on en fait. On a pas peur de l’abîmer le cas échéant, pourvu qu’il vive. Si on le casse ou le perd, on lui gardera une certaine nostalgie (à la fois pour les moments partagés avec lui mais aussi pour l’affection que l’on a placé en lui), mais on le remplacera… par le même.
DANS LA GROTTE BLEUE

Là-haut sur la montagne
De la montagne j’observe la vallée et sa ville en contrebas. J’en perçois le brouhaha et une certaine agitation. Vu de haut des flux se dessinent. Certains ne me paraissent pas logiques, pas rationnels. J’interroge souvent les habitants d’un « Pourquoi est-ce ainsi? ». Certains me confessent ne pas connaître le sens de leur rythme. Comment peuvent-ils vivre ainsi? A quoi bon dépenser autant d’énergie sans savoir pourquoi? Sans comprendre ni connaître le sens à lui donner? J’aime bien réfléchir à ces questions de fond avec ceux que je vois en descendant à la ville.

Comment peut-on emmagasiner autant de colère et de tension sans se transformer en Hulk ?
TENDRE DOLOIRE
DE LA JOIE D’ÊTRE UN SEAU
Et plus il en donnait, plus les autres le remerciaient, plus il était heureux.
LE COQ
Le Coq: Du soir au matin, je change d’avis. Et parfois aussi, au cœur même de la nuit! Tantôt à l’ouest, tantôt à l’est. Une fois au sud, et l’autre au nord. Tout m’intéresse! Pourtant, on me dit que je suis fatiguant, et même exaspérant, que le monde a besoin de stabilité, et point de tourbillons. De régularité et pas de feu-follets!
UN VERRE DE VIN
L’esthétisme lui suggère ensuite de se comparer au verre de vin qui peut se boire seul comme le Bacchus du Caravage, ou se partage lors du déjeuner des canotiers de Renoir. Il n’a que l’embarras du choix dans la teinte. Brique, grenat, rubis, vermeil, écarlate, cerise, …