Archives de catégorie : Base 1

Puissance et douceur

PUISSANCE ET DOUCEUR
par Albane
de base 1

Merci Valérie ces deux jours d’ennéagramme réjouissants ! 

Une expérience unique, un va-et-vient continu d’émotions et réflexions, en soi, entre les uns et les autres, que vous avez su François et toi, orchestrer avec enthousiasme et délicatesse. Tout était parfait (foi d’une base 1;))

De retour chez moi, ce stage résonne encore! Quelle puissance tout en douceur… 

Si j’avais compris que l’objet du stage était d’approfondir les connaissances de sa propre base, je n’en avais pas saisi la méthode ni l’intensité, de cet apprentissage se faisant au contact des autres. Autant de rencontres qu’il y a de participants, nous permettant, à chacun, à travers l’autre, de se révéler à soi-même

Les enseignements sont là, clairs et précis, ouvrant le champ des possibles. Il ne me reste plus qu’à les digérer pour être maître de soi en pleine conscience. Le temps fait progressivement son travail.  

Encore 1000 merci à toi et François d’avoir orchestré ces deux jours avec autant de sérieux que de bienveillance. 

Prière de la base 1

PRIERE DE LA BASE 1*
Par Bénédicte
de base 1

De retour du module 6 sur les talents où il était demandé à chaque base une représentation de ce qui l’anime, Bénédicte, violoncelliste, nous fait part de ses impressions:

« C’est moi qui te remercie profondément pour ce que tu nous proposes de vivre à chaque module! Tu es vraiment formidable! C’était très beau de voir les bases exprimer leur talent. Ce petit moment d’expression m’a fait l’effet d’un résumé de l’essentiel qui m’anime aujourd’hui. Je crois que j’avais tout: la prière, les icônes et la musique; les deux derniers n’étant qu’une variation de la première, la flamme les réunissant tous.  Il y avait même tes fleurs (Dieu sait si je les aime!). Bref, j’ai été surprise que cela se soit fait ainsi, et c’est après coup, que j’ai réalisé tout ça.

Il m’avait semblé que cette prière des enlumineurs du Moyen-âge que l’on prie avant de faire des icônes, était un assez bon résumé pour la base 1! Je suis sûre que c’est quelqu’un de base 1 qui l’a écrite! »

Prière de l’artisan

Apprends-moi, Seigneur, à bien user du temps que tu me donnes pour travailler, à bien l’employer sans rien en perdre.

Apprends-moi à tirer profit des erreurs passées sans tomber dans le scrupule qui ronge.

Apprends-moi à prévoir le plan sans me tourmenter, à imaginer l’œuvre sans me désoler si elle jaillit autrement.

Apprends-moi à unir la hâte et la lenteur, la sérénité et la ferveur, le zèle et la paix.

Aide-moi au départ de l’ouvrage, là où je suis le plus faible.
Aide-moi au cœur du labeur à tenir serré le fil de l’attention.
Et surtout comble Toi-même les vides de mon œuvre.

Seigneur, dans tout le labeur de mes mains laisse une grâce de Toi pour parler aux autres et un défaut de moi pour me parler à moi-même.

Garde en moi l’espérance de la perfection, sans quoi je perdrais cœur.
Garde-moi dans l’impuissance de la perfection, sans quoi je me perdrais d’orgueil.

Purifie mon regard: quand je fais mal, il n’est pas sûr que ce soit mal, et quand je fais bien, il n’est pas sûr que ce soit bien.

Seigneur, ne me laisse jamais oublier que tout savoir est vain sauf là où il y a travail, et que tout travail est vide sauf là où il y a amour, et que tout amour est creux qui ne me lie à moi-même et aux autres et à Toi.

Seigneur, enseigne-moi à prier avec mes mains, mes bras et toutes mes forces.

Rappelle-moi que l’ouvrage de mes mains t’appartient et qu’il m’appartient de te le rendre en le donnant; que si je le fais par goût du profit, comme un fruit oublié je pourrirai l’automne; que si je le fais pour plaire aux autres comme la fleur de l’herbe je fanerai au soir; mais si je le fais pour l’amour du bien, je demeurerai dans le bien; et le temps de faire bien et à ta gloire, c’est tout de suite. Amen !

Prière des copistes et enlumineurs du haut moyen âge, sans doute d’origine anglaise.
in Naissance et splendeurs du manuscrit monastique du VII’ au XII’ siècle de Gilberte Garrigou

* La prière a quelque chose à dire du don reçu ou de ce vers quoi la personne tend.
En ce sens, elle parle de la qualité essentielle et/ou de la vertu de chaque base.
Comme les versants de la montagne convergent au sommet, elle a quelque chose d’universel, même si c’est par une voie spécifique.

Casse pas la tête !

CASSE PAS LA TETE !
par Luc
de base 1

C’est juste avant mon déplacement en Nouvelle Calédonie que j’ai souhaité écrire ce petit témoignage personnel, certainement face à une situation de départ vers l’inconnu qui bouleverse un peu les équilibres…

Avant toute chose je souhaite remercier ma femme qui a pu m’orienter sur l’ennéagramme car sans son aide, ses conseils et cet outil fantastique je n’aurais jamais aussi bien cerné et compris mes réactions. Celles-ci m’auraient sans doute entraîné dans un puits sans fond, pensant que c’était comme çà et qu’on ne pouvait pas changer… mais si on est conscient des problèmes on peut toujours s’améliorer et l’ennéagramme en a été en grande partie la clé .

Marié depuis seize ans et père de six enfants, militaire , 43 ans. J’ai pensé pendant longtemps que tout était très binaire, bien/mal, fainéantise/travail… que le mot repos n’existait pas vraiment, qu’il fallait tout faire à fond. Dans toute situation j’ai l’impression qu’il y a toujours une remarque, réflexion ou critique à faire non pas pour faire de la peine, vexer ou sortir sa science mais plutôt parce qu’il y a toujours mieux à faire, une façon de tendre vers un certain perfectionnisme. C’est d abord à moi-même que je me fais des réflexions et avec moi que je suis le plus dur finalement.

Le réflexe de scanner dans une pièce ce qui ne va pas, sur la tenue d’un enfant, sur la recette d’un plat, les travaux que l’on fait dans la maison, le travail des autres… Je me sens comme obligé de corriger la moindre erreur et tout cela crée de la tension en moi mais aussi pour les autres.  Au point de dire par exemple à mes enfants: puisque tu fais mal je préfère le faire, mais du coup on doit être partout à s’en épuiser et finalement l’enfant n’a pas vraiment appris en essayant et il n’aura pas assez confiance en lui. J’ai entendu souvent de moi que je suis tendu, que lorsque je rentre dans une pièce cette tension se ressent, que je suis plutôt raide, et ne sais pas me détendre (et même que j’ai la ride du lion…). C’est vrai et tout cela conduit finalement à focaliser sur le négatif au lieu du positif et crée une forte souffrance et tension intérieure.

J’aime l’histoire et j’ai tendance à me reconnaître dans le personnage qui sera le plus proche de mes réactions, Louis IX, saint Louis, est de fait un modèle: comme lui, je n’arrive pas à supporter l’injustice, tout ce qui n’est pas ordonné sur le temporel comme le spirituel. Lorsque j’entreprends un travail il faut le faire et bien le faire parfois au risque d’aller dans trop de détails et j’ai une grande difficulté à déléguer: forcément ça ne sera pas fait correctement.

Tendance à beaucoup donner, s’investir, mais du coup c’est oublier de prendre soin de soi, ne pas savoir dire non, se détendre tout simplement. Etre dans l’action et le contrôle permanent devient épuisant pour soi et les autres. On se reposera au ciel, disais-je si souvent… Ce qui finalement consistait à ne jamais prendre le temps de se reposer, comme si c’était une honte ou humiliant de devoir s’arrêter ou se détendre comme si on serait jugé d’avoir fait une petite sieste ou juste rien fait d’actif dans la journée… S’interdire de souffler et apprécier le moment présent, écouter de la musique ou se poser avec un livre par exemple m’était vu comme improductif, comme si tout mérite ou réussite était possible que dans l’action ou dans un résultat concret et visible, dans le jour d’après, dans l’anticipation .

« La question n’est pas de savoir si il y a une vie après la mort, écrit Moussa Nabati, mais s’il y a une vie avant la mort.«  Ce qui me fait rebondir sur un extrait de la liberté intérieure de Jacques Philippe: « On ne peut pas véritablement programmer sa vie, on ne peut que l’accueillir instant après instant. La seule chose qui nous appartienne , en fin de compte, c’est le moment présent. Il est le seul lieu où nous puissions vraiment poser des actes libres; il n’y a que dans l‘instant présent que nous sommes vraiment en contact avec le réel. »

Si j’ai souvent entendu le mieux est l’ennemi du bien, j’avais du mal à l’appliquer dans mon logiciel. J’essaye aujourd’hui de me l’appliquer, car finalement rien de ce monde n’est parfait et je pense que je me suis épuisé à rechercher une forme de perfection/contrôle dans ce que j’entreprenais, au risque de gâcher l’essentiel car cette perfection est inatteignable. A tout vouloir défendre, on ne défend rien disait un général en Normandie en 1944, alors à tout vouloir contrôler on risque de ne plus rien contrôler du tout… Chers amis de base 1, lâchez-prise, soufflez, respirez, détendez-vous et surtout souriez! Casse pas la tête, comme ils disent en Nouvelle-Calédonie, c’est-à-dire: prends ton temps, détends-toi, pas de stress, tranquille…

 

 

 

L’incroyable Hulk

Avec à gauche Greg Pak, un des auteurs du comik-book « Incrédible Hulk »

L’INCROYABLE HULK
par Damien
de base 1

Le Docteur Robert Bruce Banner, grand physicien nucléaire, a été bombardé de rayons gamma pendant l’essai militaire d’une nouvelle arme, alors qu’il essayait de protéger un jeune homme égaré. Tout le monde connaît la suite de cette histoire, parue en mai 1962, sous le nom de L’Incroyable Hulk, où le Docteur Banner devient ce colosse vert lorsqu’il est soumis à une forte charge émotionnelle.

Quand j’ai rencontré Hulk pour la première fois, je devais avoir environ 8 ans. C’était en regardant la série TV de 1977, interprétée par Bill Bixby et Lou Ferrigno, sur M6, au début des années 90. J’étais à la fois fasciné et sidéré par sa force titanesque, fruit d’une colère volcanique. Tout le contraire du bon Docteur Banner, qui lui, était d’un calme infini et d’une douceur bienveillante. Ce personnage, devenu mon ami, ne me quittera dès lors plus jamais. Et c’est bien plus tard, en partie à la lumière de l’ennéagramme que je compris pourquoi il résonnait si fort en moi.

Comment peut-on emmagasiner autant de colère et de tension sans se transformer en Hulk ?

On ne peut tout simplement pas. Du moins, pas sans conséquence psychique ou physique. C’est la leçon que m’a donnée cet anti-héros après avoir affronté l’épreuve du burn-out. La tension permanente, qui habite la personne de base 1, issue de la recherche viscérale du parfait, correct, bon et juste, n’est pas supportable. Elle doit s’exprimer par le corps, et ce à n’importe quel prix. Le sport, la méditation et autres pratiques liées au bien-être sont de bons moyens de la calmer. Dans la série TV, Bruce Banner passe sa vie à chercher une solution pour faire taire la bête qui est en lui, et ce, par tous les moyens scientifiques conventionnels ou non connus. Il néglige cependant une piste fondamentale, qui l’aide bien souvent à redevenir lui-même: la tendresse. Ce sentiment naturel que nous connaissons tous, peut être un antidote puissant, qu’il soit prodigué par nous-même, les personnes qui nous entourent, ou notre environnement de manière générale. Mais encore faut-il arriver à la reconnaître et se laisser toucher par elle pour la chérir aussi longtemps que possible. Cependant, la colère, comme toutes les autres émotions, doit s’exprimer et personne ne peut calmer durablement Hulk. Le Docteur Banner ne se rend pas compte que son combat est vain. Qu’il ne pourra plus jamais totalement contenir sa rage, sa colère, et que d’une certaine manière, c’est un cadeau du ciel. C’est ce que j’essaye d’appliquer dans mon quotidien. Ne plus chercher le contrôle permanent par peur de laisser s’exprimer la colère car cela ne se fait pas et pourrait blesser l’autre. De quoi ai-je peur au final? Qu’elle soit disproportionnée? mal comprise? injuste? Certainement… Le ressentiment gouverné par mon juge intérieur risquerait de me le faire payer très cher.

Comment peut-on exprimer autant de colère que Hulk tout en faisant le bien autour de soi ?

La colère a mauvaise presse, elle prend toute la place, fait du bruit, saccage tout sur son passage. Ne se soucie pas des détails, de la nuance, c’est un bulldozer qui ne s’arrêterait uniquement que si il tombait en panne d’essence. 

Une personne que j’apprécie beaucoup m’a dit un jour : “La colère n’est ni bonne, ni mauvaise. C’est ce qu’on en fait qui est important.”

Alors comment Hulk arrive à faire le bien? Car même s’il fait peur à presque tous ceux qu’il rencontre, il agit toujours pour le bien d’autrui. Est-ce que l’expression de cette émotion primaire serait bienveillante par nature? Sommes-nous libres de nos actions quand nous sommes en colère? Suis-je plus libre si je n’exprime pas cette colère? Beaucoup trop de questions pour une personne de centre-corps comme celle de la base 1. Tiens, le corps. N’y aurait-il pas là un enseignement à tirer? L’émotion s’exprime toujours à travers le corps et comme le disait le Dr Roger Vittoz : “C’est dans la justesse de la sensation que se trouve la sincérité de l’action.” Repasser par le corps pour écouter la sensation. Écouter ce qu’elle a à nous dire, puis trouver l’espace de liberté situé entre le stimulus et l’action qui permet le choix juste. Une ascèse. Le travail d’une vie.

Qui a le contrôle de l’autre? Hulk ou Banner?

Le contrôle est prédominant dans l’histoire de Hulk. Banner souhaite garder son contrôle pour empêcher Hulk de s’exprimer. Et le colosse vert, lui, souhaite éliminer Banner en qui il voit un faible incapable de régler les problèmes auxquels il fait face. Dans le comic-book, il existe différentes versions de Hulk. Il y en a une, toute particulière, qui a attiré mon attention. Elle se nomme Professeur Hulk. Il s’agit de la version unifié du personnage qui mêle la puissance de Hulk à l’intelligence du Docteur Banner. Plus de conflits intérieurs, de recherche du contrôle de l’un sur l’autre. Il semble enfin avoir trouvé la place qui est la sienne en acceptant cette partie de lui qu’il ignorait depuis ses origines. La paix, le bonheur et la sérénité semblent habiter le personnage qui a su regarder au delà de ses propres imperfections pour ne faire qu’un. Est-ce là l’objectif à atteindre? Toute une histoire, qui semble valoir le coup d’être tentée…

Jean Calvin et la base 1

Jean Calvin par Holbein

JEAN CALVIN 
Un archétype de base 1 en social*
par Pascal

Jean Calvin (de son vrai nom Jean Cauvin), né à Noyon en Picardie le 10 juillet 1509, évoque le type même du réformateur intègre, droit et rigoureux, autrement dit la base 1. Il est avec Martin Luther (vraisemblablement de base 1 aussi), un des pères de la Réforme en Europe. Destiné à la prêtrise, il sera juriste (comme Tertullien, père de l’Eglise), humaniste très doué (il a appris le latin, le grec auprès d’André Alciat et l’hébreu). Il fut un temps condisciple d’Ignace de Loyola (archétype de base 3 du catholicisme et fondateur de la Compagnie de Jésus) au Lycée Montaigu à Paris. Après donc avoir étudié le droit à Orléans et à Bourges, il revient à Paris, fréquente les milieux humanistes (Marguerite de Navarre), lit intensément la Bible dans de nouvelles éditions (Saint Augustin, Erasme et Lefebvre d’Etaples). A Paris, il éprouva une conversion subite : « Dieu dompta mon cœur à docilité qu’en l’égard à l’âge était trop endurci en de telles choses ».

Rappelons que la personne de base 1 éprouve la peur d’être mauvais, corrompu et imparfait. La colère est sous-jacente, toujours là mais jamais exprimée (cela ne se fait pas). C’est un discipliné, un amoureux de l’ordre, de l’obéissance à la loi. Pour Calvin comme pour Luther, le monde est imparfait, il faut donc l’améliorer, le réformer, le changer. Le père de l’Institution Chrétienne, son œuvre majeure, est celle d’un idéaliste recherchant la perfection, le meilleur en tout, le plus juste et le plus vertueux.

Son image est celle d’un homme sévère jusqu’à l’austérité (flèche 7 peu actionnée), froid jusqu’à la rudesse, sec jusqu’à la tristesse (flèche en 4). S’il est vrai qu’il n’a pas le profil ni la silhouette d’un Martin Luther, presque Rabelaisien (sans doute un type 1 de sous-type tête-à-tête, vu ses propos sur le mariage et la sexualité; ses Propos de table, écrits à la fin de sa vie, où il confine parfois à l’outrance contre les juifs ou les paysans révoltés), Jean Calvin est pourtant un homme qui a suscité de nombreuses amitiés fidèles, galvanisé des foules et séduit nombre d’intellectuels de son siècle: c’était un passionné, un passionné à sang froid mais un passionné tout de même.

Les personnes de base 1 et de sous-type social sont épris de justice, de moralité et de vérité. Ce sont souvent des animateurs et des enseignants talentueux qui ont à cœur de donner l’exemple et qui acceptent difficilement les imperfections chez eux comme chez les autres (on ne plaisante pas). Poursuivi en France parce que favorable aux thèses luthériennes et suite à l’Affaire des Placards, Calvin se réfugie en Suisse puis à Strasbourg avant de revenir à Genève en 1541. Il entreprend alors d’en faire une ville exemplaire (la Rome protestante), un modèle de la nouvelle manière de croire et de vivre. Il impose une sévère discipline morale aux habitants et rend obligatoire la fréquentation du culte. Lui, le théologien laïc, détermine jusque dans les moindres détails la vie religieuse, civile et morale de la cité. Les citoyens sont surveillés dans leur vie publique comme dans leur vie privée. Cela n’est pas sans faire penser aux travers de la base 1: rigidité, manque parfois de tolérance: pourquoi tolérerais-je un tel comportement alors que moi-même je fais tout pour l’éviter (son code de valeur et de morale sont inflexibles).

Deux exemples illustrent cela : l’affaire Michel Servet, du nom d’un médecin espagnol qui avait échappé à un procès d’inquisition à Vienne qui fût arrêté à Genève et accusé par Calvin d’hérésie (il niait la Trinité de Dieu) et fût brûlé vif. Par ailleurs, Calvin s’opposa farouchement à l’attitude de Sébastien Castellion qui plaidait pour la tolérance envers les hérétiques et pour les libertins prônant en cela une vie libre (concubinage). Toute sa vie, Jean Calvin a beaucoup travaillé, étudié, a brûlé sa vie non dans le plaisir (comme pourrait le faire une personne de base 7) mais dans le travail acharné les nuits passées en labeur. A Genève, de 1541 à 1564, il fut un véritable réformateur: il réalisa plus de 2000 sermons, prêchant deux fois le dimanche et trois fois durant la semaine, sermons qui duraient plus d’une heure et donnés sans notes. La personne de base 1 en mode social est un discipliné, non seulement il adhère aux règles et aux coutumes sociales, mais il les épouse et les respecte avec vigueur, les imposant aussi aux autres: c’est l’image du croisé (Calvin a d’ailleurs beaucoup de points communs avec Saint Louis).

Calvin était favorable au mariage: en 1540 ses amis lui présentèrent Idelette de Bure, veuve d’un anabaptiste converti. En 1542 elle donna naissance à un garçon Jacques, qui mourut rapidement. En 1549 ce fut à son tour de mourir: Calvin fut effondré.  Il écrira à son ami Pierre Viret : « J’ai été privé de la meilleure amie de ma vie et de mon ministère » (flèche 4 activée qui explique aussi son amour pour la musique).

Calvin le puritain a su s’entourer de part son sous-type social. Au début de sa carrière: Marguerite de Navarre, puis à Bâle et à Genève de Guillaume Farel, de Martin Bucer à Strasbourg et enfin Théodore de Bèze à la fin de sa vie. Il fut un propagateur actif, un logicien, un systématicien absolu en même temps qu’un organisateur né. Dans son œuvre principale L’Institution Chrétienne, il cherche à faire un résumé de ses vues sur la théologie chrétienne en parallèle à ses commentaires. En 1536, la première édition comportait 6 chapitres, la dernière en 1559, 80. Il rédigea par ailleurs des commentaires de tous les livres de la Bible, une nouvelle liturgie, un catéchisme pour les enfants et des ordonnances ecclésiastiques, favorisa la création d’un consistoire et d’un tribunal ecclésiastique. Il accueillit les protestants anglais et écossais comme John Knox. Calvin est sincèrement soucieux d’améliorer le sort de l’humanité, prêt à aller dans les tranchées pour obtenir le changement qu’il demande. Il est persuasif et prêt à se mettre en quatre pour que les autres rejoignent les causes et les croyances qu’il défend (aile 2).

En 1555, il fonda l’Académie (établissement supérieur qui devint l’université de Genève avec Théodore de Bèze qui en fut le recteur): on y forma des ministres du culte, notamment ceux qui furent envoyés en France au risque de leur vie suite à l’Edit d’Henri II. Il insiste comme Luther sur la Bible, la parole de Dieu: pour parvenir à Dieu le créateur, il faut que les écritures saintes soient guides et maîtresses. Il se distingue de Luther, qu’il ne rencontra d’ailleurs jamais, en insistant sur la corruption absolue de l’homme et sa prédestination. Il supprime par ailleurs les autels, les anges et les bougies dans l’église. A l’automne 1558, Calvin est atteint de fièvre, il a gravement souffert de l’estomac et des intestins plus des migraines: ce n’était pas un sous-type survie, sa santé et son confort matériel passaient après sa mission, son ministère. Son dernier sermon a lieu à la cathédrale Saint-Pierre le 6 février 1564. Il mourut le 27 mai de la même année à 54 ans. Il s’est infligé beaucoup de privations (sommeil, nourriture), a énormément travaillé, étudié pendant de longues heures le jour et la nuit. Il voulut que sa tombe soit anonyme pour que personne ne vienne s’y recueillir.

Farel fut son héritier. Le calvinisme se développa en Allemagne, aux Pays-Bas, en Ecosse, en Angleterre et en France. Lors de la Révolution Anglaise, les puritains rédigèrent la confession de foi de Westminster. Le mouvement s’étendit en Amérique du Nord, en Afrique du Sud et en Corée. Max Weber, en 1904-1905, le sociologue a montré par ailleurs le rôle du calvinisme dans la formation et l’esprit capitaliste moderne (renoncement au monde, sens de l’effort, frugalité, sobriété et esprit d’économie). S’il ne fut pas une personne facile, Jean Calvin a été un grand systématicien, un excellent organisateur et un grand propagateur de la foi. Il est l’un des réformateurs majeur du XVIè siècle avec l’allemand Martin Luther et le suisse Ulrich Zwingli. Goethe, autre archétype de base 1 célèbre, n’a-t-il pas dit : « à celui qui s’efforce sans relâche, on peut accorder le salut ».

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

Travailler ou danser ?

TRAVAILLER OU DANSER ? 
par Sophie
de base 1

Toute perfectionniste que je suis, j’avais écrit, immédiatement après le stage, un texte métaphorique: je suis un brouillon. Trois mois plus tard… il n’est toujours pas envoyé évidemment. Parce que je considère tout ce que je fais comme un brouillon, j’ai souvent renoncé à finir mes projets, ne voulant jamais qu’ils soient figés dans une forme imparfaite. Et bien sûr… acte manqué… aujourd’hui, je ne retrouve plus mon texte!

Quand je préparais mon mémoire de recherche, un jour, j’avais plusieurs semaines de retard pour rendre une fiche de lecture analytique. À tel point que la directrice de mémoire se demandait si je savais bien lire et écrire! Ma fiche s’allongeait et se réorganisait sans cesse, je n’y voyais que brouillon à reprendre. L’outil numérique aidant à effacer, couper, coller à l’envi, je ne voyais plus la trace des heures de travail passées à faire et défaire. Je n’aimais pas relire mes brouillons alors souvent je recommençais, repartais d’une nouvelle feuille blanche.

Si bien qu’au bout du compte, je m’enlisais, estimant que le résultat n’était pas à la hauteur d’autant de travail. Et de fait, j’étais tombée dans une spirale vicieuse: je n’y voyais plus clair et mon travail était arrivé à un point de qualité au-delà duquel mes prétendues améliorations n’apportaient aucun nouvel élément substantiel. Il fallait que j’arrête, ne me sentais pourtant toujours pas prête à l’envoi. Je stagnais, découragée, incapable d’y mettre un point final. Jusqu’au jour où une amie chercheuse universitaire m’a dit: « ce que tu appelles brouillon, c’est sans doute ce que l’on attend de toi ». Déclic. Pour l’anecdote, deux ans plus tard, quand j’ai rendu mon mémoire en entier, j’ai choisi une mise en page sobre et sans illustration, même en première page, signifiant ainsi que le travail n’était pas achevé… Je me suis même aperçu après coup qu’il y restait plusieurs coquilles. Paradoxe du perfectionniste qui rend un travail qui pourrait à certains égards sembler bâclé.

Le remède pour soigner mon perfectionnisme aigu? Me forcer à finir tout projet entrepris, quitte à me frustrer en ne commençant pas un projet tant que le désir et la volonté de le finir ne sont pas au rendez-vous. Je sais alors que je dois aussi veiller à ne pas tomber dans la facilité de la procrastination: tout est pensé cent fois, rien n’est commencé concrètement, rien n’est réalisé. Et l’antidote aux maintes idées de dernière minute? M’engager à respecter une échéance pour terminer un projet, dans un temps imparti, et y être fidèle.

Mais encore faut-il aller jusqu’au bout du geste. Reste ensuite à se détacher de l’artefact et à l’offrir au monde pour qu’il fasse sa vie. Ne pas succomber à l’ultime tentation: garder pour soi. J’aime travailler, seuls les moments présents comptent, dès lors, quand un projet fini, je m’en désintéresse. Quelle joie à se détacher d’un projet que l’on n’aura plus l’occasion de retravailler? Il ne me restera plus qu’à le relire, plus rien à faire. Or, j’ai besoin d’agir sur la matière, pas seulement de la contempler.

Par conséquent, lorsque j’envoie un travail fini, ce n’est pas parce que je l’estime terminé puisque j’y vois toujours des modifications possibles à essayer… mais bien parce que le temps fixé est révolu et que j’ai fait preuve d’un courage héroïque (oui :-)) en osant prendre le risque de livrer une part de moi-même si imparfaite soit elle. Si vous lisez ce texte, je m’en félicite, en même temps que je transforme progressivement la douleur de la séparation qui me ronge en soulagement, libérée de mes propres habitudes stériles et répétitives. Oui, entreprendre et mener à bien est une véritable ascèse au quotidien pour moi, tâcher de ne pas dévier: ne pas procrastiner et ne pas non plus produire des quantités astronomiques de brouillons pour assouvir mon besoin vital de créer. Mieux vaut pour un perfectionniste vivre dans une culture de tradition orale! Ou danser?

Est-ce la raison pour laquelle la danse est venue me chercher? Comme tout art vivant, elle contraint le danseur à mobiliser toutes ses ressources au moment de la représentation, pas de brouillon possible, pas de reprise… L’autre avantage de la danse est qu’elle n’est jamais figée, aussitôt un geste terminé, transition et l’on passe au suivant. À la fin de la danse, il ne reste une trace que dans la mémoire des corps, de ceux qui l’ont vécue, de ceux qui l’ont regardée. Il faut danser à nouveau pour que la danse existe, éternellement… Parfois dispose-t-on d’une photo mais il n’y a aucune ambiguïté sur le fait qu’elle n’est qu’un aperçu imparfait de la réalité vivante. Une vidéo? Idem. Donc la perfectionniste que je suis est en paix quand elle danse, car son travail n’est jamais fini.

Comme Ariane tisse inlassablement le même ouvrage, la danseuse aime à reprendre l’ouvrage de son corps qu’elle arrache à sa finitude par l’énergie vitale du travail, devenant lui-même prière, une expérience spirituelle et mystique de l’instant présent. Une éternité. Une grâce extatique.

 

Vers le pardon

VERS LE PARDON
Par Pierrick
de base 1

Perfectionniste ? Je me reconnais en effet assez bien dans ce terme, même si bien sûr, comme pour chacune des bases de l’énneagramme, un mot seul est forcément très insuffisant pour bien définir telle ou telle base.

Oui, j’ai l’amour du travail bien fait… voire très bien fait ! C’est le cas au travail bien sûr, mais aussi à la maison ou en famille pour des choses plus futiles. Un discours de mariage par exemple? Pourquoi se contenter d’un bon discours… alors qu’en travaillant bien et en soignant les détails, notre discours pourrait devenir excellent ?

La conséquence ? Une très forte exigence, pour moi d’abord, pour les autres ensuite… Je supporte difficilement que les choses soient faites de manière moyenne, alors que nous pouvons (ou que nous devons, tout dépend du contexte) très bien les faire.

Cet amour du travail bien fait s’accompagne d’une attention très forte à l’éthique et à la vérité: bien faire les choses, ce n’est pas seulement être efficace, c’est aussi les faire dans les règles. Malheureusement, les choses ne se passent pas toujours comme on le souhaiterait…

C’est là que la connaissance de sa base se révèle utile : lorsqu’un perfectionniste est
confronté à des choses mal faites, la colère monte… C’est déjà, me semble-t-il, le premier intérêt de la connaissance de sa base : mettre des mots sur ce que l’on vit. Comprendre d’où vient cette colère… Comprendre que la colère est liée à son mode de fonctionnement. Comprendre que c’est normal de réagir comme cela quand on est de base 1… C’est très éclairant !

Il faut alors apprendre à accueillir cette colère… Pour les personnes de base 1, c’est un véritable défi: soit on contient cette colère… mais c’est difficile à vivre (surtout pour soi-même). Pour moi, le risque, c’est la tentation de passer mon temps et mon énergie à médire… Soit on fait sortir cette colère qui explose… mais souvent de manière forte et maladroite.

Les pistes? En ce qui me concerne, la première fut avant tout d’apprendre à dire les choses! C’est ce que j’ai appris à faire. Quelle libération lorsque j’ai découvert cela! Les choses ne sont pas faites comme elles le devraient? J’ai appris à le dire, et non pas à le garder pour moi, tout en essayant de faire paraître le moins possible la colère qui m’habite. Maintenant, je dis les choses : quelle libération quand les choses sont dites!

Seconde piste: apprendre à repérer les feux verts et les feux rouges. A quoi cela sert-il en effet de s’évertuer à vouloir absolument changer et améliorer les choses, si ce n’est pas possible? Tout ne dépend pas de nous, tout ne peut pas être amélioré… Apprendre à discerner les feux rouges, cela permet d’éviter de perdre son temps et son énergie sur ce qui n’en vaut pas le coup, pour se concentrer au contraire sur ce qui peut être changé et amélioré.

La troisième piste est commune à toutes les bases me semble-t-il: celle du pardon. Pardon à soi-même d’abord, par l’accueil de notre nature telle qu’elle est, avec ses imperfections. Pardon à ceux qui nous blessent ou nous ont blessé, considérant ce qu’ils sont et leur manière de vivre les choses différemment de nous. Même si avec le pardon nous entrons dans une autre dimension, celle de la vie de foi, l’ennéagramme y conduit comme naturellement. J’ai personnellement la conviction que ce pardon n’est possible qu’avec l’aide de Dieu, pour un chemin de lumière, de paix et de joie !

En avant la vie !

DSC05876EN AVANT LA VIE !
Par Anne
de base 1

Ce furent deux jours qui passèrent à une vitesse incroyable et avec une prise de conscience formidable.

Cette découverte de ma base, je l’ai reçue comme un cadeau que j’apprécie d’heure en heure.

Et cette découverte m’a donné des ailes. Je savais que j’avais beaucoup de force en moi, mais souvent contenue. Et alors là quelle libération, je vais oser changer et montrer ma colère, mon agacement par des mots car je sais que j’en ai la force.

Une délivrance ! En avant la vie !

Saint Louis et la base 1

saint-louisSAINT LOUIS
Un archétype* de base 1

Il est le modèle du monarque saint et droit et l’image d’Epinal nous le montre rendant la justice sous un chêne à Vincennes. Saint Louis, roi à la morale rigoureuse, sobre jusqu’à l’austérité, appelle assez naturellement l’hypothèse de cette base 1 de l’ennéagramme qui, ne l’oublions pas, forme avec la base 4 et la base 7 la triade des idéalistes.

Rien n’est jamais trop bien fait ni trop élevé pour une personne de base 1 qui poursuit un idéal de perfection, comme celles de bases 4 recherchent l’absolu et celles de base 7 le plaisir: de manière insatiable et, du coup, toujours insatisfaite. Un exemple: sa volonté de rendre à l’Angleterre certaines terres qu’il aurait pu garder suite à ses victoires guerrières. Par son attitude, saint Louis se veut toujours exemplaire.

Il dérange dans l’univers de la cour. Il mange sobrement, ne boit presque pas, s’habille de manière simple et s’il n’y avait un rang royal à tenir pour l’honneur de la couronne, il vivrait pauvrement à la manière franciscaine. Il y a là une ascèse familière à la base 1, un respect aussi des règles de l’Eglise : il jeûne, peut assister à trois messes par jour, récite la liturgie des heures avec les moines. Parfois, cela peut l’amener jusqu’au scrupule: quand il visite un monastère, il demande à genoux aux moines de prier pour le salut de son âme. Comme s’il n’en faisait jamais assez.

Et pourtant, il ne se contente pas d’être un parfait chrétien: il gouverne et il réforme. Notamment les mœurs de son temps. Il interdit que ses représentants s’enrichissent dans l’exercice de leur mission. Il y a chez lui une intransigeance qui va jusqu’à l’excès. Il est terrible avec les blasphémateurs qu’il punit avec une sévérité extrême. On lui doit aussi le tristement célèbre port de la rouelle par les Juifs: d’ailleurs, en cela il n’innove pas mais il suit les consignes du concile de Latran. En base 1, on applique les règles à la lettre, et souvent de manière maximaliste.

Cette hypothèse de la base 1 ferait de saint Louis un représentant de la triade instinctive, avec la base 8 et la base 9: le corps est premier. Ce qui ne signifie pas qu’il fût dépourvu de cœur et de raison, loin s’en faut, mais c’est par le corps d’abord et à travers des gestes concrets qu’il entend agir sur le monde. Il lave les pieds des pauvres à genoux, à l’exemple du Christ. Il aime s’asseoir à même le sol pour écouter une méditation et vénère les reliques. Il porte un morceau de silice en carême, bien que, sur ordre de son confesseur auquel il obéit, il se limite car ce n’est pas l’usage pour un roi. L’action est première chez lui. Pour preuve les Croisades: il y passe la moitié de son règne, ce qui pour un roi est peu sensé (il est vrai cependant qu’il trouve en sa mère Blanche de Castille une régente parfaitement fiable). Saint Louis agit et il agit de la manière la plus parfaite qui soit.

C’est de cette intelligence corporelle que pourraient venir son apparence souvent paisible et cette puissance tranquille. Pourtant, tapie au cœur de la base 1, le secret de l’énergie est bien la même colère qu’en base 8. Regardons comme il sait s’opposer aux tentatives d’ingérence de la papauté dans ses affaires temporelles: il s’y oppose avec force. La grande différence avec la base 8, c’est que chez saint Louis cette colère est rentrée, elle ne s’exprime que très rarement car se mettre en colère ne se fait pas… d’où une indignation permanente qui lui fait vomir blasphémateurs, voleurs et surtout ceux qui oppriment les faibles. La plupart du temps, rien n’apparaît et il pourrait manquer de spontanéité car il a une totale maîtrise de lui, qui fera d’ailleurs dire à son compagnon Joinville qu’il ne sait pas témoigner assez d’affection à sa femme.

Homme de devoir, amoureux de la simplicité et de la tâche quotidienne, sobre et humble, le cœur de la quête de Saint Louis est de participer – à sa mesure – à l’amélioration du monde, au risque de l’intransigeance et jusqu’à y laisser sa vie. Chaque personne de base 1 peut trouver en lui un modèle et un frère, avec les mêmes combats et les mêmes talents, dans leur ordre: c’est en cela que les archétypes peuvent être une lumière et un soutien. L’Eglise demande à tendre à toutes les vertus mais à ne pas imiter les saints. Serait-ce aussi qu’à prendre pour modèle un saint ou une sainte qui n’aurait pas les mêmes ressorts que nous, nous prendrions le risque du découragement?

Vous pouvez retrouver le portrait développé de Saint Louis et d’autres figures archétypales dans Les grandes figures catholiques de la France de François Huguenin, chez Perrin, 2016.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

Métaphore de la base 1

Paris - mai 2014

LA NEIGE

par Géraud, de base 1

C’est l’hiver. Le ciel et la terre sont sales. Tout m’apparaît en désordre : ces feuilles éparses, ces branches nues et tordues, ce vent qui siffle, ces fumées de cheminée qui s’agitent comme des folles… Moi, la neige, je dois corriger ces teintes tristes, répandre le silence, geler les mouvements : je serai intraitable, je tomberai dru jusqu’à ce que tout soit recouvert de mon épais manteau blanc !

Je lâche donc avec une régularité de métronome mes flocons silencieux en bataillons disciplinés, toujours plus nombreux et lourds, afin de tout remettre en ordre, atténuer les caprices des courbes du terrain et ensevelir toute saillie un peu trop orgueilleuse. Je veux que tout soit parfait : toute trace sur l’immaculée surface est rapidement recouverte, avec une sorte de mépris têtu qui exaspère. Je suis si tenace que bientôt, plus rien ne bouge, c’est le grand silence blanc de la neige. Gare à celui qui viendrait troubler l’ordre ainsi établi : il m’irrite tant que je suis capable de le recouvrir d’une avalanche furieuse !house-covered-with-snow-in-the-mountains-in-the-forest_1600x900

Lorsque je laisse éclater ma colère trop longtemps maîtrisée dans une tempête cinglante et inattendue, le vent me saisit et m’emmène là où je ne veux pas aller : alors, quand tout retombe, c’est le chaos, tout est à recommencer. Au contraire, lorsque je me laisse conduire par le vent serein, quelle élégance dans les courbes et les ondes blanches que je dépose ! Mais cette tension de toutes mes ressources pour maintenir cette virginité recréée m’a épuisée. Et je ne suis pas satisfaite : cette perfection manque de vie…

Alors, je frappe doucement au carreau des chaumières, d’où émane la chaleur du foyer : là, je suscite le plaisir d’être ensemble, autour de l’âtre rougeoyant et d’un bon repas. On se rencontre, on se confie et on s’entraide. Il faut dire qu’ils ont le temps : sous la neige toute vie est ralentie. J’invite à la contemplation, à l’harmonie et aux discussions feutrées et douces.

Généralement, j’ai plutôt peur du soleil : il détruit mon travail et surtout, il met la pleine lumière sur les imperfections qui subsistent. Mais je vois aussi que lorsqu’il paraît, je suis toute étincelante et pare les collines d’une belle robe d’argent. Les joues sont roses, on a envie de courir les sommets, d’emplir ses poumons d’air frais et de se rouler sur mon matelas moelleux ! Je fonds d’émotion… Et si je me laisse surprendre par la légère chaleur du printemps, je m’étourdis à force d’humer les effluves de la terre, d’admirer les couleurs de la vie et d’écouter le bourdonnement des abeilles…

Au fait, l’abeille ferait aussi une belle métaphore de la base 1, non ?