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Penser juste

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LA METHODE VITTOZ EXPLIQUEE PAR UN MEDECIN PSYCHIATRE
Interview du Docteur Annick Leca
Alternative Santé
Mars 2015

« Le Docteur Annick Leca, médecin et psychiatre, a progressivement intégré dans sa pratique professionnelle, les principes de la méthode Vittoz, créée par un contemporain de Freud, le Docteur Vittoz.

La méthode Vittoz est une approche psychosensorielle basée sur la redécouverte de nos cinq sens, l’accueil de nos sensations, la conscience de nos actes.

Elle utilise des exercices très simples qui s’intègrent dans la vie quotidienne, contribuent à lui donner sens et génèrent un plaisir de vivre.

D’une approche essentiellement pragmatique, cette méthode est constituée d’un ensemble d’exercices élaborés de façon intuitive par le Docteur Vittoz, et validés, dans le cadre de sa pratique, sur lui-même et sur ses patients. Ses intuitions et le bon sens de ses observations voient leur pertinence confirmée par la neurophysiologie actuelle.

Annick Leca nous explique ici ce que cette technique a apporté à sa pratique et le bénéfice qu’en tirent patients et praticiens.

Entretien :

Vous avez exercé votre métier de médecin psychiatre pendant 33 ans en clientèle privée à Marseille

Effectivement, je me suis installée en cabinet libéral en 1980 et en même temps j’exerçais comme médecin attaché dans un Centre médico-psychologique dépendant du C.H.S. Valvert de Marseille.

Quel a été votre cursus universitaire ?

En cinquième année de médecine, je me suis spécialisée en psychiatrie. J’ai passé le concours d’interne des hôpitaux psychiatriques en 1976. Pendant mon internat la référence à la psychanalyse et aux concepts psychanalytiques était permanente. La pratique se référait à différentes tentatives d’application de concepts sans nuance, avec un reste de méthodes actives auxquelles on ne savait pas encore appliquer les concepts psychanalytiques. On disait que toute activité devait être une activité de soin mais on n’avait pas le vocabulaire de la médiation, de la théorie des groupes, etc.

Pour compléter ma formation, pendant mes études, j’ai entrepris une formation à la méthode Schultz, méthode de relaxation, et plus tard une cure Vittoz suivie d’une psychanalyse.

Qu’est-ce qui vous a amené à vous intéresser à cette méthode psychothérapeutique proposée par le Docteur Vittoz il y a plus de 150 ans ?

J’ai rencontré la méthode Vittoz un peu par hasard en 1987. J’ai acheté un des livres du Docteur Rosie Bruston qui parlait de cette méthode et la chance a voulu qu’elle vienne s’installer à Aix-en-Provence tout proche de Marseille. J’ai donc pu faire une cure Vittoz avec elle et ensuite j’ai suivi la formation. C’est elle qui a fondé les trois écoles Vittoz-IRDC en France. (Il existe plusieurs autres Associations.) Cette méthode répondait à des questions que je m’étais posées pendant mes études. Quand je parlais d’aider les patients à se ré-entraîner à l’effort intellectuel, on ne parlait pas encore de thérapie cognitive et très peu des thérapies comportementales, on me disait que je faisais de la résistance au sens psychanalytique du terme. Je résistais « névrotiquement » à la théorie psychanalytique. Il ne pouvait y avoir d’autre explication à mes propos incongrus. Je n’admettais pas que les soins aux malades puissent se résumer à l’écoute en entretien individuel. Le Vittoz m’a apporté un abord des patients qui peut se pratiquer en individuel et en groupe et qui allie pédagogie et psychothérapie.

Quels sont les principes de cette méthode ?

Le Docteur Vittoz a fondé sa théorie sur une conception du fonctionnement cérébral et non du fonctionnement de la psyché. La méthode est basée sur une conception du dysfonctionnement du cerveau organe, c’est-à-dire sur sa conception de ce qu’il a appelé le contrôle cérébral. En effet il considère que le cerveau a deux fonctions principales, la réceptivité et l’émissivité. Par réceptivité Vittoz entend la capacité à recevoir les sensations, à y être présent ; par émissivité il entend la production de pensées et les mouvements. Le contrôle cérébral terme forgé par Vittoz est la capacité que nous avons de passer d’une fonction à l’autre quand nous le décidons. Pour Vittoz on ne peut pas penser juste si l’on ne sent pas juste. Il faut donc rétablir un juste vécu de la réalité par le travail sur la réceptivité avant de pouvoir penser de façon constructive de telle sorte que les prises de conscience aient des effets durables. Il a observé que la majorité de ses patients « nerveux » présentant ce qu’on appelait à son époque une psychasthénie étaient épuisés par une pensée en effervescence continue, une pensée incontrôlée, ne leur laissant aucun répit et amenant progressivement fatigue, puis angoisse, phobies, obsessions, dépression pouvant aller jusqu’à la confusion.

Comment cette conception se réalise-t-elle en pratique ?

Elle se transmet par l’enseignement d’exercices sensoriels, puis d’exercices de concentration et de volonté. Pour le Docteur Vittoz, les symptômes peuvent s’améliorer et même s’amender par la pratique régulière des exercices de réceptivité et d’émissivité qu’il nous a transmis dans son unique ouvrage : Le Traitement des psychonévroses par le contrôle cérébral. Au départ la cure est fonctionnelle ensuite tous les exercices seront repris dans leur dimension symbolique. C’est la cure psychique. Chaque exercice est suivi d’un dialogue donnant le temps nécessaire pour nommer les sensations puis les émotions puis les sentiments. La parole alors énoncée sera au plus proche du vécu du patient, nous livrant la réalité de son monde.

Qu’est ce qui fait l’originalité de cette méthode ?

La méthode est à la fois pédagogique et psychothérapique. Pédagogique car nous transmettons les exercices que le patient va pouvoir intégrer dans sa vie quotidienne et qui vont le mener vers plus d’autonomie ; psychothérapique car le rétablissement fonctionnel du contrôle rétablit l’équilibre psychique par la mise en mots justes sur l’histoire et le vécu du patient. L’accès au corps va se faire par des mises en situation au travers d’exercices corporels et mentaux. Cette médiation va être tout à fait particulière. Elle propose au patient des exercices, au départ de façon très directive. Ensuite les propositions du thérapeute tiendront de plus en plus compte de la parole du patient. L’exercice, utilisé dans sa dimension symbolique, sera alors proposé comme une reformulation/interprétation permettant un remaniement des émotions liées aux souvenirs.

Et en quoi a-t-elle changé votre pratique ?

L’état de réceptivité, développé par la cure permet un accueil de l’autre d’une qualité particulière. Le patient se sent reconnu et accueilli dans toutes ses dimensions tant psychiques que physiques ou spirituelles au sens large du terme. Les propositions d’exercices qui lui sont faites le plus souvent dès la première séance lui donnent des outils pratiques pour gérer son angoisse et faire face à ses difficultés.

Cette méthode semble peu connue aujourd’hui, comment l’expliquez-vous ?

Elle est peu connue car sa transmission a été très discrète et occultée par la psychanalyse, puis par les TCC. La méthode est simple, mais comme tout ce qui est simple elle est difficile d’accès et de transmission. Il faut au moins deux années pour acquérir la connaissance pour soi des exercices et deux années supplémentaires pour approfondir la relation thérapeutique. D’autre part elle mobilise du temps (6 week-end par an plus un séminaire de trois jours, plus les séances de formation individuelle 40 par an).

Des protocoles de formation courte sont en cours d’élaboration pour la transmission des protocoles en groupe : gestion du stress, améliorer sa concentration et sa mémoire. Ces protocoles ont été validés scientifiquement par le Professeur Rebecca Shankland de l’Université de Grenoble en collaboration avec des praticiens diplômés de l’IRDC dans le cadre du programme Vittoz-Fovéa.

A qui s’adresse-t-elle ?

A tous ceux qui sont prêts à entrer dans cette démarche qui est exigeante en investissement personnel. La cure Vittoz est un lieu de parole, à partir des exercices dont le vécu sera longuement écouté. Le dialogue est très constructif car il part d’un vécu corporel. Les personnes en recherche de mieux être autant que les patients en plus ou moins grande souffrance peuvent bénéficier de cet accompagnement, le thérapeute adaptant la cure et les exercices à chaque patient. »

Renoncer à soi-même ?

arton220-00b85EGO, PAIS ET UIOS
ou les trois dimensions de la personne

Dans un article de la  Vie consacrée paru chez Desclée de Brouwer en juillet-août 1972 (p. 236-249) et consacré à la vitalité spirituelle personnelle, le père Albert-Marie Besnard, op, auteur des très beaux Propos intempestifs sur la prière, pose la question de l’ambivalence entre le précepte évangélique de cultiver ses talents et celui de renoncer à soi-même. 

Étonnants sont les échos avec la démarche de connaissance de soi qu’offre l’ennéagramme et les moyens concrets que propose la méthode Vittoz pour éduquer la volonté et choisir librement ce que l’on veut faire des talents reçus.  

Extraits.

« Aucun renouveau de la vie religieuse n’est possible si l’on ne l’assure pas par les deux bouts à la fois : par la rénovation institutionnelle et par la transformation personnelle. […] Chacun est sollicité de développer ses dons personnels sous la mouvance de l’Esprit au service de tous. […] Qu’advient-il en tout cela du si rigoureux renoncement à soi-même exigé par le Christ? 

Notre langage spirituel (y compris celui de nos constitutions) est farci de déclarations magnifiques, mais la tradition concrète qui nous tient ce langage est incapable de nous fournir les moyens adéquats de pratiquer ces choses. A force de dire et de ne pas faire, non par hypocrisie mais parce qu’on ne sait pas comment s’y prendre, on décourage les meilleures volontés.

Il ne s’agit de rien de moins que d’une transformation radicale de cette conscience de soi. […] [Celle-ci] tend à se réduire au « mental », […] dans ce champ rétréci, la Parole de Dieu, les symboles sacramentels, les convictions spirituelles se réduisent à leurs ombres chinoises. […] Ce mental agité est perpétuellement traversé par des décharges affectives incohérentes. C’est que, obligés à faire bonne figure dans un champ social ou professionnel où règne un consensus d’objectivité rationnelle, nous demeurons pourtant en proie à tous nos démons familiers (la peur, le besoin de sécurité, l’envie d’être applaudi, etc.), qui trahissent et cachent les configurations tourmentées de notre inconscient. Ils nous dénoncent comment centrés sur nous-mêmes. Nous n’en convenons pas volontiers, et cela rajoute à ce premier mal celui de demeurer en état de mensonge. »

[Les] sciences [psychologiques] ont infiniment à nous apprendre, mais […] rares sont ceux qui sont qualifiés pour les mettre en œuvre. Par contre tous, tant que nous sommes, avons dès cet instant même à avancer sur le chemin de la transformation personnelle et avons besoin pour cela de repères empiriques.

Qui suis-je ?

[…] EGO, c’est celui qui est devenu, au fil des circonstances […] le pauvre diable que je suis et que j’aurais tort de vilipender. EGO, c’est le petit enfant que j’ai été, marqué par les peurs du dedans et les interdits du dehors ; c’est la somme des conflits ensevelis dans l’inconscient, et c’est donc l’individu stigmatisé par les diverses contractures névrotiques qui ont résulté de ces conflits et qui en sont la solution de fortune. […] C’est celui qui doit faire « bonne figure » en toutes sortes de situations à la hauteur desquelles il n’est jamais tout à fait, […] et qui investit une énergie psychique considérable en compromis, en défenses, en précautions, en agressivités. […] Il traîne une anxiété, un malaise permanent, qu’il lui faut compenser ou faire oublier.

[…] PAIS, c’est mon être authentique, […] d’un mot grec qui signifie serviteur, […] toujours au service de quelque chose qui le dépasse et l’accomplit […], tel qu’il a été créé par Dieu à son image et ressemblance. […]

Il est appelé à devenir UIOS, fils dans l’Unique Fils de Dieu.

[…] Ce qui m’apparaît pouvoir être une véritable révolution dans nos vies, c’est de décider que ces choses que l’on sait, il s’agit de les vivre. […] [C’]est une responsabilité grave pour quiconque l’entrevoit. […] Elle est, en tout cas, l’une des conditions essentielles pour que toutes les autres transformations, évolutions ou révolutions, que notre raison historique nous fait estimer nécessaires, ne deviennent des impasses où des masses entières se trouveraient prises au piège.

[…] Quelle instance efficiente va mettre en œuvre la libération de PAIS de l’EGO qui le parasite, et ainsi préparer l’avènement d’UIOS ? Cette instance, […] appelons-le BOULÈ, de l’un des mots grecs qui signifient la volonté […]. Par les impasses de plus en plus douloureuses où se débat EGO, […] par l’aspiration de PAIS […] qui a quelque chose d’irrésistible parce que notre vitalité naturelle profonde va tout entière dans ce sens ; […] par l’espérance théologale de devenir UIOS, […] voici donc ma BOULÈ acquise à la cause de la transformation personnelle, ma volonté devenue « bonne volonté » pour faire quelque chose dans cette direction. J’insiste sur le faire : il s’agit d'[…] une praxis quotidienne.

[…] Laisser tomber EGO : […] ce que le christianisme appelle conversion (metanoia), […] « dépouiller » ou « déposer » le vieil homme (cfr Ep 4, 22). […] Grâce à ses complicités avec notre inconscient, il est tout à fait capable de se renforcer de ce par quoi nous voulons l’humilier et de s’engraisser de ce par quoi nous croyons l’affamer ! […] Mais en réalité, il y a dans EGO une faiblesse radicale : il ne survit qu’à coup de défenses. Dès que BOULÈ réussit à « laisser tomber » telle ou telle défense, EGO perd la face et je peux commencer déjà à m’identifier à PAIS.

[…] Je suis persuadé de l’unité psychosomatique de notre être (et même pneumo-pscyho-somatique !). Impossible donc de pratiquer sur le spirituel sans pratiquer sur le psychique et sans pratiquer sur le corps.

« Laissez tomber » les muscles du visage, ce que justement, on appelle le masque. […] « Laisser tomber » le poids du corps dans ce que les japonais appellent le hara (le lieu du ventre), afin d’asseoir notre être dans un véritable centre de gravité : notre être physique et, par entrainement, notre être psychique, […] c’est une mise en place de soi-même en position de force.

[…] De tels chemins impliquent une initiation qualifiée, mais enfin il est important de dire que certains exercices de silence, convenablement poursuivis, sont une manière efficace de laisser tomber EGO. Dans la ligne des pratiques plus traditionnelles et à la portée de tous, cet exercice peut se concevoir sous la forme de la recherche de la pureté d’intention. Pour qui n’a aucun connaissance de sa propre complexité intérieure, une telle recherche est illusoire et apparaît alambiquée, elle serait d’ailleurs vite retournée par EGO et à son profit. Mais pour celui qui a le discernement de son propre esprit, elle a un sens et est fort ardue à suivre.

[…] En tout cela, il s’agit de s’exercer. Exercice, le mot fait sourire et la chose répugne. […] Nos contemporains sont vite culpabilisés s’ils ont l’air de distraire, pour des pratiques apparemment sans utilité immédiate, des moments qu’ils disent devoir au service d’autrui, à leurs tâches, à leurs relations. […] Un type d’exercices qui, pour austères qu’ils paraissent, contribuent à long terme à nous équilibrer […] n’a de sens que s’il permet peu à peu d’étendre l’attitude correcte qu’il instaure jusqu’à tous les instants de la journée. […] Mais il ne s’agit pas pour autant de chemins contraignants et raboteux : l’ascèse authentique et utile est expérience d’élargissement, de plénitude, de joie réelle.

[…] Ce sont les mêmes exercices qui permettent de laisser tomber EGO et d’apprendre à se tenir de manière juste dans l’existence. Cette manière juste est avant tout une attitude de tout l’être (y compris du corps) qui consiste, appuyés sur une force intérieure qui nous est toujours donnée, à accueillir toute la réalité du moment et de la circonstance présente. Alors nous pouvons répondre à la situation par une action pertinente. Relisez l’Évangile et vous verrez qu’en effet Jésus a vécu ainsi.

Je parle d’une force intérieure qui nous est toujours donnée, je veux dire qui est toujours donnée à PAIS, pas à EGO. Car elle n’est donnée qu’à celui qui a dépassé les peurs, y compris celle de la mort ; à celui qui ne se recherche plus lui-même mais ne veut qu’être le parfait serviteur de la vocation qu’il a reçue. […] Son chemin devra passer par la souffrance, la défaite ou la mort, il franchira le passage en homme noble, de la manière juste, celle par laquelle encore il glorifiera Dieu.

[…] Notre ambition est à la fois plus haute et plus humble : restaurer en nous notre humanité simple et forte, à l’image de celle de Jésus de Nazareth. La force qu’expérimente PAIS n’est donc pas un pouvoir pour dominer ou triompher, mais une capacité d’accepter et de se situer correctement dans la conjoncture. Elle fait vivre dans le présent.

[…] Le temps me manque pour parler de la respiration comme lieu d’exercice possible (au sens défini plus haut) pour cette étape, et comme indice de la justesse de notre attitude. […] S’ouvrir à l’Esprit n’est pas, comme nous le croyons, une belle formule sans contenu possible, c’est un acte précis et qui s’exerce, notamment dans l’oraison.

[…] L’absence de Dieu pour notre EGO peut, si elle est ressentie avec souffrance et étonnement, conduire à la découverte qu’il s’agit peut-être de devenir un autre pour percevoir le Dieu toujours présent, toujours là quand on l’invoque, […] un Dieu à la fois moins immédiat […] et plus indéniablement proche.

[…] Cette transformation est l’œuvre de la grâce. Mais nous y coopérons par un oui des profondeurs. Ce oui, il faut le tenir (comme on parle en musique d’une note tenue par l’archet). Il se tient dans la fermeté d’un silence [qui] est comme une assise sur laquelle notre vie active peut s’édifier avec plus d’assurance et de sérénité.

[…] Comme nous avons besoin qu’on nous enseigne autre chose que des méditations paresseuses où l’on enfile simplement des « idées » comme les perles d’un collier, mais le chemin de l’esprit qui se distend au maximum pour appréhender ce qui lui est destiné et qui lui échappe, et qu’il ne percevra qu’après avoir trouvé la fissure qui conduit à la vérité par-delà le sens. Et qui donne un contenu expérimental au mot : adoration.

[…] Nous voyons bien quel moi doit mourir : l’EGO. Non pas que l’abnégation évangélique ne demande aussi à PAIS, un jour ou l’autre de sacrifier sa vie, mais PAIS est prêt en profondeur à cette éventualité-là  ; il peut vivre à fond et sans inquiétude ni culpabilité car il sait mourir, et il sait qu’il ressuscitera en UIOS. »

 

 

Des ronds dans l’eau

« Que nous le voulions ou non, nous avons dans le monde une influence bonne ou mauvaise, du seul fait de notre état rayonnant autour de nous la paix, l’énergie, la joie, la bonté si nous les possédons; ou inversement, le trouble, le découragement, la tristesse, la malveillance.

De là pour nous une nécessité de conscience de nous mettre et de nous maintenir dans ces états d’âme bienfaisants pour les autres comme pour nous. Nous le devons au prochain parce que nous sommes des êtres sociaux et que nous avons, qui que nous soyons, une tâche à remplir en ce monde et une part de responsabilité dans le bien qui se fait ou ne se fait pas et dans le mal qui se commet.

Qui connaîtra jamais exactement les conséquences nuisibles ou bienfaisantes d’un acte, d’une parole, et ses répercussions lointaines dans le monde ? »

Roger Vittoz, Notes et pensées, Angoisse ou contrôle

Des vertus de l’attention

imgresDans un chapitre de « Réflexions sur le bon usage des études scolaires en vue de l’amour de Dieu » (Attente de Dieu, Paris, 1950, Éditions du Vieux Colombier, p. 113-123), Simone Weil développe les vertus de l’attention, rejoignant ainsi le cœur des travaux du docteur Vittoz. Elle montre comment, après s’être entraîné sur de petites choses, l’exercice de l’attention peut mener, via l’étude et la charité, jusqu’à la contemplation.

« La prière est faite d’attention. C’est l’orientation vers Dieu de toute l’attention dont l’âme est capable. La qualité de l’attention est pour beaucoup dans la qualité de la prière. La chaleur du cœur ne peut pas y suppléer.

[…] Bien qu’aujourd’hui on semble l’ignorer, la formation de la faculté d’attention est le but véritable et presque l’unique intérêt des études.

[…] Jamais, en aucun cas, aucun effort d’attention véritable n’est perdu. Toujours il est pleinement efficace spirituellement. […] Sans qu’on le sente, sans qu’on le sache, cet effort en apparence stérile et sans fruit a mis plus de lumière dans l’âme. […] Les certitudes de cette espèce sont expérimentales. Mais si l’on n’y croit pas avant de les avoir éprouvées, si du moins on ne se conduit pas comme si l’on y croyait, on ne fera jamais l’expérience qui donne accès à de telles certitudes. […] La foi est la condition indispensable.

[…] S’il y a vraiment désir, si l’objet du désir est vraiment la lumière, le désir de lumière produit la lumière. […] Quand même les efforts d’attention resteraient en apparence stériles pendant des années, un jour une lumière exactement proportionnelle à ces efforts inondera l’âme. […] il suffit de le vouloir.

[…] On dépense souvent ce genre d’effort musculaire dans les études. Comme il finit par fatiguer, on a l’impression qu’on a travaillé. C’est une illusion. La fatigue n’a aucun rapport avec le travail. […] Cette espèce d’effort musculaire dans l’étude est tout à fait stérile, même accompli avec bonne intention. Cette bonne intention est alors de celles qui pavent l’enfer.

[…] L’intelligence ne peut être menée que par le désir. Pour qu’il y ait désir, il faut qu’il y ait plaisir et joie. […] Car le désir, orienté vers Dieu, est la seule force capable de faire monter l’âme. Ou plutôt c’est Dieu seul qui vient saisir l’âme et la lève, mais le désir seul oblige Dieu à descendre. Il ne vient qu’à ceux qui lui demandent de venir ; et ceux qui demandent souvent, longtemps, ardemment, il ne peut pas s’empêcher de descendre vers eux.

[…] Il y a quelque chose dans notre âme qui répugne à la véritable attention beaucoup plus violemment que la chair ne répugne à la fatigue. Ce quelque chose est beaucoup plus proche du mal que la chair. C’est pourquoi, toutes les fois qu’on fait vraiment attention, on détruit du mal en soi.

[…] L’attention consiste à suspendre sa pensée, à la laisser disponible, vide et pénétrable à l’objet. […] ne rien chercher, mais être prête à recevoir dans sa vérité nue l’objet qui va y pénétrer. Tous les contresens dans les versions, toutes les absurdités dans la solution des problèmes de géométrie, toutes les gaucheries de style et toutes les défectuosités de l’enchaînement des idées dans les devoirs de français, tout cela vient de ce que la pensée s’est précipitée hâtivement sur quelque chose et étant ainsi prématurément remplie, n’a plus été disponible pour la vérité. La cause est toujours qu’on a voulu être actif.

[…] Les biens les plus précieux ne doivent pas être cherchés, mais attendus. Car l’homme ne peut pas les trouver par ses propres forces, et s’il se met à leur recherche, il trouvera à la place des faux biens dont il ne saura pas discerner la fausseté.

[…] Les malheureux n’ont pas besoin d’autre chose en ce monde que d’hommes capables de faire attention à eux. […] Ce regard est d’abord un regard attentif, où l’âme se vide de tout contenu propre pour recevoir en elle-même l’être qu’elle regarde tel qu’il est, dans toute sa vérité. Seul en est capable celui qui est capable d’attention. Ainsi il est vrai, quoique paradoxal, qu’une version latine, un problème de géométrie, même si on les a manqués, pourvu seulement qu’on leur ait accordé l’espèce d’effort qui convient, peuvent rendre mieux capable un jour, plus tard, si l’occasion s’en présente, de porter à un malheureux, à l’instant de sa suprême détresse, exactement le secours susceptible de le sauver.

[…] Les études scolaires sont un de ces champs qui enferme une perle pour laquelle cela vaut la peine de vendre tous ses biens, sans rien garder à soi, afin de pouvoir l’acheter. »

 

Vittoz validé scientifiquement

imgresFOVEA, un programme de l’Institut Vittoz-IRDC conçu pour évaluer et valider scientifiquement les effets de la méthode Vittoz

Partout en France se multiplient de petits groupes FOVEA, où en 8 semaines, des stagiaires peuvent être initiés à la méthode Vittoz dans le cadre d’une étude scientifique. Ce programme est constitué de 8 séances de 2 heures et suit un protocole précis et national. Les sessions sont animées par des praticiens Vittoz certifiés par l’IRDC. Un livret est fourni aux participants en début de session pour les aider à pratiquer au cours de la semaine, en dehors des séances de groupe.

Ce programme FOVEA est ensuite évalué (concernant son efficacité sur le bien-être), dans le cadre d’une étude scientifique dirigée par Rébecca Shankland, maître de conférence de psychologie à l’Université Pierre Mendès-France (Grenoble) et validé par un comité scientifique composé de : Christophe André (Praticien hospitalier, Service Hospitalo-Universitaire, Centre Hospitalier Sainte-Anne, Paris), Michel Dufossé (Chercheur CNRS en Neuroscience), Pascale Haag (Maître de conférences à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (Paris) et membre de l’Institut de recherches interdisciplinaires sur les enjeux sociaux – Sciences sociales, politique, santé (UMR 8156), Jean-Philippe Lachaux (Directeur de Recherches à l’INSERM, Unité U1028, Centre de Recherches en Neurosciences de Lyon) et René Sirven (Maître de conférences (Montpellier I, Médecine), vice-président de l’Institut de Psychosomatique de Montpellier et de la Société Française d’Odontologie Psychosomatique et Sciences Humaines).

J’anime un groupe FOVEA à Fontainebleau :
– 8 séances hebdomadaires, de 20h à 22h
– septembre/octobre 2015
– janvier/février 2016
Pour tout renseignement: contact@valeriemaillot.com

ARTICLE d’Etienne Séguier du 15 janvier 2015 dans La Vie
Entretien avec Rébecca Shakland

« Et si une plus grande attention au moment présent aidait à lutter contre le stress ? Cette conviction se trouve au cœur de la méthode inventée il y a un siècle par le médecin suisse Roger Vittoz (1863- 1925), fondée sur la redécouverte de nos cinq sens, l’accueil de nos sensations, la conscience de nos actes. Mais elle n’avait encore jamais été validée scientifiquement jusqu’à l’étude effectuée en 2014 par Rébecca Shankland, chercheuse au Laboratoire interuniversitaire de psychologie de Grenoble. Psychologue clinicienne, spécialisée dans le domaine des addictions et de l’éducation pour la santé, elle démontre à ce titre les bienfaits de cette approche : augmenter son attention au présent et accomplir les gestes du quotidien en accueillant ses sensations. Entretien.

Pourquoi avez-vous choisi d’évaluer la méthode Vittoz ?
Je cherche comment promouvoir des pratiques de santé qui soient facilement utilisables par le grand public. Je voulais tester les effets de la méditation de pleine conscience pour lutter contre le stress chez les étudiants et les salariés. L’efficacité du protocole a déjà été démontrée par des nombreuses études, mais implique une pratique formelle de méditation (assis, immobile, en silence, ndlr) chaque jour. Or il apparaît qu’un certain nombre de participants ne souhaitent pas ou ne parviennent pas à s’impliquer dans ces pratiques formelles. Je souhaitais donc évaluer l’efficacité d’un protocole qui serait uniquement fondé sur une pratique intégrée dans le quotidien tel qu’être attentif à ses propres mouvements lorsqu’on marche ou à ses émotions lorsqu’elles surviennent. Je me suis alors tournée vers la méthode Vittoz.

Qu’est-ce qui vous intéresse dans cette approche ?
Elle propose des exercices qui favorisent aussi la seule attention au présent. Par exemple, le fait de marcher et manger en conscience de nos actes a pour objectif de focaliser son attention sur l’expérience qui se déroule et d’en accueillir les sensations sans jugement. Ce type de pratique peut s’effectuer au bureau, dans les transports.

Sur quoi a porté votre étude ?
Elle a été menée sur près de 100 personnes dont une partie avait connu dans le passé des troubles anxieux ou dépressifs. Avec l’Institut Vittoz-IRDC, nous avons conçu un programme de huit semaines, à raison d’une réunion hebdomadaire en groupe de 2 heures. Durant ces rencontres les participants découvraient des exercices, qui avaient pour but d’augmenter leur attention au moment présent et le non-jugement, libre à eux ensuite de les reprendre.

Pourriez-vous nous décrire un exercice ?
Par exemple ce qu’on appelle « l’installation ». Les personnes sont assises et on leur demande de sentir leurs points d’appui, les tensions corporelles, puis de nommer les émotions présentes en essayant simplement de les accueillir.

Quels sont les résultats ?
Ils montrent une diminution forte des niveaux de stress perçu comparativement à un groupe contrôle qui n’a pas participé à ce programme. Nous observons aussi une plus grande capacité à percevoir nos émotions et les signaux que nous envoient les autres. Nous constatons en ce sens un effet similaire à ceux que l’on obtient avec les pratiques intégrant des temps de méditation formelle. On remarque que ces résultats sont maintenus au même niveau trois mois après la fin des séances.

Comment expliquez-vous cet effet persistant ?
La majorité des personnes a continué à pratiquer. Si vous prenez l’habitude de mieux utiliser vos cinq sens et de porter une plus grande attention à vos actes au cours de la vie quotidienne, il est difficile ensuite de revenir en arrière, d’autant que cette nouvelle forme de conscience permet d’apprécier davantage ce que l’on est en train de vivre. »

Une marche particulière

DSC04912Le Père Jean-Luc Souveton, prêtre du diocèse de Saint-Etienne, anime depuis dix ans des sessions de jeûne et des marches spirituelles en Terre Sainte. Il nous ouvre à un exercice typique de la méthode Vittoz : la marche consciente, pour rompre avec nos pensées et émotions envahissantes et vivre pleinement l’instant présent.

th« Le temps des vacances est pour moi l’occasion de marcher. Plus exactement de marcher autrement. Sans courir. Sans avoir les yeux rivés sur ma montre pour arriver à l’heure à la gare, en réunion ou à mes rendez-vous. Sans avoir l’esprit encore encombré de ce que je viens de vivre ou déjà préoccupé de ce qui va suivre. Sans avoir à imposer à mon corps un rythme commandé par les impératifs à tenir. Sans remplir ces temps par la consultation de mon répondeur. Revenir plus consciemment, plus longuement et plus régulièrement dans mes pieds pour être là et m’ouvrir à tout ce qui m’entoure.

Mon attention se porte d’abord sur ma respiration. Je me rends attentif au nombre de pas effectués sur l’expir et sur l’inspir, en adaptant leur nombre en fonction du dénivelé du terrain. J’inspire sur deux, trois ou quatre foulées. J’expire sur un nombre légèrement supérieur à celui de l’inspir. Tout en étant présent au rythme de la respiration et au compte de mes pas, je suis présent au contact de mes pieds avec le sol. Je le sens à travers la semelle de mes chaussures. J’accueille les différentes sensations selon que je marche sur l’herbe, sur des cailloux, sur de la terre, du rocher, des gravillons… Je me rends attentif au mouvement de mes pieds, de mes jambes, de mon corps tout entier, au contact de l’air et à celui des rayons de soleil avec ma peau.. Je reçois les formes, les couleurs, les contrastes… J’écoute les sons qui viennent à mes oreilles…

« Tout instant nous donne Dieu ». Pour cela, il nous faut quitter une vision purement utilitaire de la marche ; marcher non plus pour aller quelque part, faire quelque chose, mais pour habiter le présent et accueillir la vie qui nous est donnée dans l’instant.

« Que chacun examine ses pensées, conseille Blaise Pascal, il les trouveras toutes occupées au passé ou à l’avenir […]. Le présent n’est jamais notre fin. Ainsi, nous ne vivons jamais, mais nous espérons vivre. » La marche est un bon exercice pour nous faire entrer dans la présence, nous ramener à l’accueil de ce qui est là, de ce qui nous est donné et que souvent je ne perçois même plus : la vie.

La Vie, 3 juillet 2014

Contempler la nature

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Christophe André est médecin psychiatre à l’hôpital Sainte-Anne et précurseur de l’introduction des méthodes de pleine conscience en médecine comme dans la vie de tous les jours. A l’instar de la méthode Vittoz, il propose de voir, entendre, toucher, sentir, goûter la nature pour développer notre capacité de présence, de contemplation et de gratitude.

imgres« En été, des occasions illimitées nous sont offertes de méditer sur et dans cet univers foisonnant qui est le nôtre. Une manière de laisser la Création nous apparaître dans toute sa beauté. 

On peut simplement s’allonger et contempler la variété de ce qu’on nomme, par de pauvres termes génériques herbes ou insectes, et découvrir la merveilleuse richesse de ce petit monde. Ne rien penser : juste s’allonger, observer, s’immerger dans cet univers discret, foisonnant d’activité…

On peut aussi prendre le temps d’écouter longuement les bruits des soirs d’été : cris d’oiseaux et d’enfants, bavardages joyeux dans le lointain, moments de paix et de silence…

On peut contempler la nuit et les étoiles, évidemment. Prendre conscience que cette beauté du ciel nocturne ne nous est apparue que parce que la lumière du soleil a disparu. Beau message à méditer pour tout le reste de notre existence, bien au-delà de l’été : parfois, ce qui ressemble à un retrait peut n’être qu’un prélude au dévoilement de merveilles plus grandes encore que celles que nous avons perdues.

On peut enfin, et c’est mon exercice préféré, méditer face au soleil levant, face à qu’Homère appelait « l’aurore aux doigts de rose ». La vie moderne nous éloigne souvent de l’aube : soit nous nous levons trop tard, et il ne nous reste que les crépuscules ; soit nous le faisons, mais pour partir travailler, et nous n’avons alors pas le temps de la contemplation. Mais l’été et les vacances sont une occasion unique de redécouvrir la merveille du lever de soleil. Nous pouvons bien nous lever tôt : il nous restera toujours la sieste, autre plaisir de l’été. Alors, dans le calme de la nuit finissante, nous pourrons contempler l’illumination progressive du ciel : lueurs pâles au levant, arrivée de la lumière, percée des premiers rayons, réchauffement progressif du monde. Un petit remake de la Genèse, où Dieu dissipe les ténèbres. Que nous pouvons savourer en pleine conscience, en nous reliant tranquillement à notre souffle (autre remake, car tout commença quand Dieu souffla en nous « une haleine de vie ».

En prenant conscience de tout notre corps qui respire dans le soleil levant, en nous sentant simplement vivants. Et en réalisant, quoi qu’il nous soit arrivé auparavant, quoi qu’il nous arrive désormais, que c’est une grâce et une merveille d’être là, à cet instant. Gratitude et bonheur infinis… »

Christophe André, La Vie, 3 juillet 2014