Kibboutz

KIBBOUTZ
Témoignage de confinement /29
par Mireille, de base 9 en tête-à-tête

Le démarrage du confinement m’a vue, je crois, dans l’action juste, comme si les états d’urgence me permettaient de rassembler toutes les informations et de me positionner facilement et rapidement. Ma flèche 6 a anticipé le pire: la possibilité que ma fille seule soit malade dans ses 14 m² parisiens, nos jeunes mariés ne se supportant plus après plusieurs semaines d’isolement, la mort de l’un d’entre eux pourquoi pas. Tout cela sans peur, sans réflexion, c’était une évidence: il fallait que nous nous réunissions tous, afin de nous porter assistance mutuellement en cas de bug. Et tranquillement, ils sont tous rentrés at home.

Si l’on ajoute qu’un ami prêtre était déjà chez nous depuis un mois, pour cause de travaux chez lui, vous comprendrez qu’un petit monde idéal venait de naître: notre maison permet à chacun d’y avoir sa place, de pouvoir y être seul, travailler, étudier; les petits mariés refont leur nid à eux, et tous se retrouvent pour des moments de joyeuse convivialité, à son rythme: repas à thèmes, film choisi par l’un pour tous alternativement, parties de ping-pong et jeux de société; le tout sous un soleil radieux et au cœur d’un grand jardin qui s’éveille et s’épanouit jour après jour. Avec en point d’orgue, le chant du dimanche Regarde l’étoile, où nos neuf voix se mêlent: la grave et la fluette, l’aiguë et la profonde, la pure et l’éraillée: moment d’unité par les voix et par les présences, où personne ne se cache, où l’âme affleure en une communion qui fait céder les digues de mes larmes.  Chacun donne le meilleur de lui-même, une place pour chacun et chacun à sa place.

J’essaie d’élargir mon regard à plus grand que notre petite troupe, avec cette folle espérance que le monde va enfin pouvoir changer, gagner en intériorité, bon sens et souci du bien commun, car tout est lié. Je lis, j’écoute, j’observe, guettant les signes d’un renouveau par-delà les réactivités, les peurs et les colères. Avec cette secrète inquiétude que cela ne dure pas assez longtemps pour que ce soit le cas.

Tout était bien à sa place, sauf que… les jours ont passé, le temps s’est épaissi. J’avais oublié un détail dans ma prévision: l’intendance pour neuf adultes, conjuguée au télétravail… Mon corps me donne des alertes que je reçois plus ou moins, et que je ne sais pas trop dire. Jour après jour, l’un après l’autre a ses hauts et ses bas, baisse la garde, retrouve ses petits travers (moi la première). J’essaie de lâcher l’aile 1 , d’accepter les imperfections et les rêves d’un monde parfaitement harmonieux. Je me débats comme je peux avec les incidences intérieures que quelques petites tensions induisent en moi, l’envahissement de la baisse de forme de l’un ou de l’autre, la lassitude de l’organisation de la maisonnée, un certain engourdissement pour mieux ne pas voir. Et puis, je manque de challenges, de nouveau, de leviers pour me mettre en mouvement; bref, ma flèche 3 est en berne…

Je sens bien que ce temps creuse, qu’il nous révèle à nous-mêmes, qu’il émonde et qu’il sera fécond. Éternelle confiance en la vie, amour inconditionnel, capacité à voir le beau en tout et en tous, volonté de concilier et d’harmoniser les différences: je suis reconnaissante de cette nature reçue mais… quelque chose manque, quelque chose gratte… Jusqu’à ce que je prenne conscience il y a quelques jours que cet abandon qui m’est si facile peut aussi se révéler un piège. A me dire que Dieu fait tout, je pourrais ne rien faire et attendre que ça passe, m’endormir. Et cela dans bien des domaines… Je crois qu’il est temps pour moi de développer ma pauvre aile 8 délaissée… Dieu sait pourtant que la négliger m’a souvent joué des tours, par peur de trancher ou de dire non. Du travail en perspective pour le déconfinement…

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