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Métaphore de la base 7

10250258_10156427349910232_3876265476979868326_nUNE BOUGIE

par Perrine
de base 7

Y siège une flamme, légère, vibrante et éphémère, la flamme réchauffe et dissipe les ténèbres.

Un léger souffle peut m’éteindre, je me garde donc bien de me trouver en milieu hostile.

Ma soif de vivre me consume petit à petit et si je n’accepte parfois de vivre dans l’obscurité, je me consume rapidement tout entière.

Quand ma flamme est éteinte, je suis plongée dans un désarroi profond et douloureux. Alors pour pallier cette peine, je décide de me placer en un lieu sûr et de me nourrir suffisamment pour que ma flamme grandisse et rayonne toujours plus.

Puis soudain, me voir fondre si vite me confronte à mon destin.

bougie_1Ainsi donc je me questionne: à quelle fin suis-je destinée? Etre une éphémère bougie de dîner qui crépite vivement, se consume entièrement en quelques instants de plaisirs, illuminant les visages rieurs et les yeux gourmands? 

Prenant conscience de ma légèreté, le désespoir m’envahit; j’aimerais durer plus longtemps

Cette prise de conscience me peine, mon rythme ralentit, ma flamme devient petite. Balayant lentement l’horizon, j’aperçois au loin un cierge d’autel qui se consume doucement, éclairant un mystère infini et des visages sereins et rayonnants.

Ce cierge-là, n’est-il pas soumis  régulièrement aux ténèbres? Mais comme sa fonction est noble! Il est vivant! Et sa flamme tempérée lui allonge les années!

Je m’apaise enfin, les ténèbres ont un sens.

Je m’approche de l’autel et m’éteins sereinement dans la confiance totale de rayonner bientôt d’un feu nouveau.

Brian Wilson et la base 7

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BRIAN WILSON
Un archétype* de base 7
par François

Je sors du visionnage du très beau film de Bill Pohlad Love & Mercy, consacré à la vie de Brian Wilson, leader des Beach-Boys.

C’est un film sur la création musicale, le mythe californien, la maladie psychique, la figure du père, la perversion d’un gourou, l’enfance perdue, et aussi une très belle histoire d’amour. Pour ceux qui aiment cette musique, c’est l’occasion de voir un film abouti et sensible, avec deux très bons acteurs jouant Brian Wilson. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette musique, c’est l’occasion de rencontrer le plus grand génie Pop. Mais en ce qui nous intéresse ici, c’est la confirmation pour moi ce que la musique et la vie de Brian Wilson disent de la probabilité d’une base 7.

Les Beach-Boys, c’est une histoire de famille: les trois frères Wilson, Brian, Carl et Denis, leur cousin Mike Love et Al Jardine. Leur musique est cette Surf Pop qui épouse parfaitement la joie et l’ivresse de vivre dans une Californie qui peut prétendre au titre de nouveau paradis terrestre: une sorte de terre de 7 où tout est possible, facile, jouissif, où les espaces sont immenses, où l’on se sent libre, où les notions de souffrance et de contraintes sont repoussées, y compris par l’usage de subterfuges addictifs comme l’alcool et la drogue. Cette Californie est la terre des tubes qui firent la notoriété des Beach-Boys, et dont Brian fut le maître d’oeuvre, comme I Get Around. Chanson euphorique de désir inassouvi, elle est comme un étourdissement recouvrant la part d’ombre par une tension et une excitation à fleur de peau:

Cette part, Brian ose la dévoiler dans la mélancolie de Surfer Girl qu’une bonne partie du public ne reçoit que comme un slow, alors qu’il s’agit pour moi d’une ballade presque enfantine qui révèle une fêlure… Les 7 sont de grands enfants, souvent facétieux, qui ont du mal à accepter l’engagement et les responsabilités, et jouent de leur charme innocent pour recouvrir leurs blessures enfouies.  Ainsi ils n’ont pas à les affronter et peuvent rejouer sans cesse le mythe du paradis perdu.

En 1965, les Beatles sortent Rubber Soul, album magistral d’unité. Brian Wilson est attiré par cette possibilité nouvelle de faire autre chose que des chansons à succès. Il laisse partir ses frères, cousins et ami en tournée au Japon, pour travailler à la musique qu’il porte en lui. Le résultat est un album qui dépasse tout ce que la Pop Music avait pu inventer. Brian crée du nouveau, utilise une multitude d’instruments classiques auxquels il adjoint le son d’un klaxon burlesque, des aboiements de chien, le bruit d’un train qui passe. Tout est occasion de musique, même sa voix qui parle en studio… Ecoutez le poignant Caroline no :

Le résultat est à la hauteur de cette phrase que l’on entend dans la film: « Il faut que ça ressemble à un cri, mais que ce soit positif! » Nous sommes ici au cœur caché de la base 7: ce qu’il vous livrera ne sera jamais profondément triste, ou tout au moins cela ne sera jamais dit ainsi, car entrer en contact avec ses émotions négatives est extrêmement difficile pour lui. S’il approfondit son monde intérieur, il y aura toujours quelque chose qui sonne positivement, même euphoriquement, recouvrant les aspérités du violoncelle et les gouffres de l’orgue, un son magnifié luxuriant, un choix radical de la joie comme rempart contre la tristesse, à l’ennui qui terrasse, à la solitude qui tue. C’est ce que rend palpable le chef d’oeuvre Good vibrations: 

Mais le destin de Brian Wilson est atypique: c’est celui d’un homme qui souffre d’une maladie mentale, jusqu’à l’incapacité. Il ne peut finir le chef d’oeuvre auquel il aspirait, l’album Smile, sombre dans une maladie psychique grave et se retrouve livré aux mains d’un psychiatre gourou qui prend possession de lui. Le film Love & Merci raconte cette histoire et comment Brian s’en est sorti par l’amour et la compassion. Mais en deçà de cette maladie, on peut observer que Brian a voulu explorer ce que sa base 7, dans sa recherche gloutonne de tous les plaisirs, de tous les possibles, ne lui autorisait pas: une quête de profondeur et de sens. Il est marquant de voir Brian Wilson activer si souvent les deux flèches de la base 7, ces deux ressources additionnelles qui permettent de sortir du carcan du type. En l’occurrence, la flèche 1 perfectionniste lui permet de travailler à une réalisation toujours plus exigeante et rigoureuse et la flèche 5 lui fournit la capacité de s’isoler pour mieux assimiler ses émotions pour mieux les retranscrire. Mais pour autant, Brian reste 7: il y a dans sa musique une légèreté aérienne, une joie de vivre foisonnante, ouverte jusqu’à la dispersion, malgré ce que la musique livre d’une part de fêlures, de peurs, d’angoisses de séparation. Le fameux Heroes & Villains de Smile, dans la version reconstituée autour de Brian Wilson en 2004, en est l’illustration:

Tour à tour tendre et burlesque, je la vois comme la musique d’une personne de centre mental comme le laisse apercevoir le film, avec un Brian se tenant la tête entre les mains. Tout se passe dans la tête en 7, le mental crée en permanence un monde de plaisirs ou de sensations fortes qui lui permettent d’échapper à l’ennui du quotidien, à une détresse enfouie et qu’il lui faut parfois des années pour contacter, ce qui est douloureux, mais salvateur.

Brian Wilson a composé ce qui est pour certains la plus belle chanson du monde, Surf’s Up. Mystérieusement, on sent ici le lien qui unit les trois types idéalistes, 1, 4 et 7. Les trois attendent du monde ce qu’il ne peut donner car il n’est pas assez parfait, absolu, heureux. Ma lecture du destin de Brian Wilson est que sa souffrance psychique fut pour lui un moyen inconscient d’échapper au réel et de tenter de garder ce sens de l’enfance et du jeu qui sont la marque de la base 7 et qu’un monde adulte ne permet pas. Ce n’était qu’un leurre, mais qui a fini par lui permettre, par la traversée de ses propres souffrances, à faire de son existence une vie vécue et non survolée, à ne pas rester en surface mais à avancer en eau profonde, à vivre une pâque qui conduit à la résurrection.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

 

 

 

 

L’écureuil : métaphore de la base 7

10171841_10205458306765385_5792206469532640303_nL’ÉCUREUIL
par Marie, de base 7

C’est le printemps et il est tôt, je m’éveille doucement; c’est moi l’écureuil, vous me connaissez…

Toujours en quête de nouveauté, je saute de branche en branche à la recherche de toutes sortes de plaisirs. Je ne pense qu’à m’amuser. Je suis gourmand d’aventures et de projets. Je me maintiens dans cet état pour échapper à la souffrance. Ma curiosité me pousse toujours vers l’inconnu bien plus attrayant que mon quotidien. Pourquoi focaliser sur le présent quand l’avenir nous offre tant de merveilles ?

UNNAMED_cropJe n’aime pas repenser au passé, il est synonyme parfois de souffrance et je me garde bien de faire resurgir en moi ce que j’ai détesté. Je m’échappe donc en quête de réjouissances qui me feront tellement bien oublier le passé que j’aurai du mal à me rappeler des éléments douloureux.

Et le présent ? Je le fuis avec beaucoup d’ardeur, dans le rêve de nouvelles aventures. Même si je m’y sens bien quelquefois, mon cerveau fonctionne tellement vite que je ne peux m’empêcher d’être encore une fois absent de ce présent dans lequel je pourrais pourtant me sentir si bien…

Finalement je ne me sens pas bien ; ni au présent, ni au passé ; et le futur dans lequel je me crois tellement bien, lorsqu’il devient présent ne m’attire plus… Je rejette joyeusement ce que j’ai souhaité !

Et vous me voyez, là, dans les branches, sautant joyeusement ? La nature ne me met aucune limite… si vous saviez comme j’aime cette liberté. Mais finalement cette gaieté n’est que façade, je cherche juste à échapper aux contraintes et à ce présent trop pesant… Et si j’amuse la galerie, c’est mon petit côté gonflé d’orgueil car j’aime que l’on m’admire.

Alors que fait ce petit écureuil pour corriger ses défauts ? Je me mets au travail sérieusement, je récolte précieusement ma nourriture pour l’hiver et la cache à un seul endroit que je n’oublierai pas, au lieu de m’éparpiller en tous lieux. Je n’en suis capable qu’en prenant exemple sur mes deux amis : la fourmi perfectionniste dont je voudrais bien avoir la ténacité et le hibou observateur qui se pose pour analyser les choses et profiter de la vie telle qu’elle est !

La base 7 en chanson

imgresFRIDAY ON MY MIND by The Easybeats : une chanson archétypale de la base 7

par François

« Je me sens mal lundi, mais je le chante avec le sourire. Viendra le mardi, je vais mieux… C’est sûr que le reste de la semaine va trop lentement, mais je n’ai que vendredi en tête! Et là, ce sera fun, j’irai en ville avec ma copine qui est vraiment jolie. Et cette nuit, j’en perdrai la tête! »

Telles sont à peu près les paroles un peu faciles et électriques mais si sympathiques de ce tube de 1966, Friday on my mind, commis par le groupe australien The Easybeats. Tout cela est écrit au présent, mais un présent absolument habité par l’anticipation du futur. Un futur qui ne peut être que meilleur que le présent! Telle est l’obsession de la base 7 : se garantir un futur aimable, amusant, surprenant, afin de s’évader d’un présent dont il craint qu’il ne soit trop morne, ennuyeux, pénible, voire (mais c’est déjà le début de la conscience) douloureux…

Ce morceau est devenu un classique du rock, du fait notamment de son magnifique riff de guitare, tendu et explosif! Avec sa mélodie énergique et joyeuse, ses harmonies simples et insouciantes. Un morceau qui évoque le paradis des côtes australiennes, l’innocence des amours de jeunesse, mais qui porte en lui une tension qui fait toute la sauvagerie voire la violence du morceau : tension qui renvoie à un malaise, celui du refus de ce lundi détesté, ce quotidien triste et fade qu’il veut à toute force oublier. Telle est la problématique de la base 7: se projeter dans un futur rayonnant, pour s’évader d’un aujourd’hui qui a ses faces d’ombre.

Mais à force de jouer cette partition, le 7 risque de n’être jamais présent, même aux bons moments. Le sourire permanent aux lèvres de Stevie Right, le chanteur, même lorsqu’il évoque des choses pénibles, est archétypal. L’excitation du groupe également: « Tonight I loose my head ». En tant que mental, le 7 a un cerveau qui fonctionne en permanence, sans lui laisser de répit. Sa stratégie pour le lâcher est de s’engouffrer dans le plaisir, la fête, l’euphorie, et tâcher de s’en libérer pour vivre une sorte d’ivresse dont il sort épuisé et vide.

Un challenge en base 7? Mettre ce talent de la joie et de la légèreté au service du monde en vivant l’instant présent tel qu’il est, heureux ou douloureux : le chemin de toute une vie… En attendant, goûtez la part de 7 qui est en vous et profitez de ce chef d’œuvre pop pour monter le son de vos enceintes!

 

Une Palme d’or au cœur du sujet

imgresWINTER SLEEP
un film de Nuri Bilge Ceylan
Palme d’or 2014

Cette année la palme d’or de Cannes a été décernée à un chef d’œuvre du septième art, Winter Sleep du cinéaste turc Nuri Bilge Ceylan, dont certains ont déjà vu et aimé Uzak ou Les Climats. On ne dissertera pas ici des qualités esthétiques de ce film – photo, direction d’acteurs, science du champ/contrechamp – mais on s’attachera à l’analyse ennéagrammique des trois personnages principaux dont la subtilité est remarquable.

1Inspirée de nouvelles de Tchekov, Winter Sleep met en scène dans une intrigue aussi mince que tendue, un personnage principal, Aydin. Acteur de théâtre en retraite, il gère un petit hôtel troglodyte en Cappadoce, écrit quelques papiers pour le journal local et repousse au lendemain l’écriture d’une histoire du théâtre turc… A ses côtés sa jeune épouse Nihal, avec laquelle il ne partage plus grand-chose et qui se dépense sans compter dans les actions caritatives ; et sa sœur Necla, récemment divorcée, qui vit avec eux. Un jet de pierre sur une vitre de voiture, une lettre reçue par Aydin vont déclencher un séisme qui va faire tomber les masques.

2Aydin nous apparaît comme un prototype du type 7 avec ses côtés attachants et détestables. Charmeur, débonnaire, sympathique, Aydin se révèle aussi d’un égoïsme forcené, d’une lâcheté pitoyable, et s’avère être un parfait velléitaire, incapable de mener à bien ses projets, tout en étant très arrogant et sûr de son intelligence. On voit bien ici que le 7 appartient à la triade mentale, même si son incapacité à persévérer dans l’effort l’empêche de produire ce qu’il pourrait. On voit aussi combien le 7 est marqué par la peur comme tous les mentaux, et en particulier la peur de souffrir qui est la marque du 7, et dont une des premières scènes est la parfaite illustration : au moment d’un conflit entre son homme à tout faire et un de ses locataires avec lequel il est en procès, Aydin reste à distance, ne s’implique pas, laisse faire, littéralement pétrifié par la scène. Ce 7-là aurait une forte aile 6 qui fait de lui un 7 moins en prise sur le réel que le 7 à aile 8, et plus en proie en doute, mais aussi à la nuance. Une flèche 5 semble également manifeste chez Aydin qui lui fait trouver du plaisir à se réfugier dans son bureau devant son ordinateur, mais sans arriver à aboutir. Sa flèche 5 viendrait ainsi au service de son 7 soucieux de son plaisir. Là où le personnage est magistral c’est qu’il montre dans ce 7 un mélange inouï d’égoïsme individualiste et de dépendance des autres dans la recherche de son plaisir qui peut paradoxalement susciter en lui des attitudes que l’on pourrait prendre pour de l’abnégation.

imagesNihal, interprétée par la belle Melisa Sözen, pourrait bien être le prototype d’une 4 introvertie, avec une belle aile 5. Toujours en avance sur son mari et sa belle-sœur dans la compréhension des émotions (il suffit de voir la scène terrible dans laquelle le petit garçon qui a brisé la vitre de la voiture présente ses excuses), elle est capable, acculée par l’arrogance d’Aydin, de l’exécuter en quelques mots, avec une profondeur de jugement magistrale. Mais son aile 5 tempère son 4 qui, on le comprend au fur et à mesure du film, bouillonne à l’intérieur et s’extériorise de manière déroutée grâce à une forte flèche 2 qui la pousse à vouloir sauver la planète, en tous cas la Cappadoce. On voit clairement combien son engagement humanitaire est avant tout une manière pour elle d’exister à travers les émotions fortes que son mariage ne lui donne plus. Mais cet altruisme est un leurre. Nihal est centrée sur elle-même et Aydin n’a pas tout à fait tort de lui reprocher une forme d’ingratitude. Nous entrons ici au cœur des difficultés et de la souffrance d’un couple 4/7 qui peut parfois tourner à la lutte de deux narcissismes.

UNNAMED_crop_cropQuant à Necla, elle nous apparaît comme un archétype de base 6. Prise entre sa loyauté vis-à-vis de sa famille et la suspicion envers elle, Necla joue une partition bien connue des 6, passant d’une sorte de soumission (elle n’est ici que la pièce rapportée) à une agressivité sans pareille. La manière dont elle crache son venin à sa belle-sœur et à son frère, avec un art de la parole stupéfiant, illustre cette capacité du 6 à exceller dans une forme de violence verbale dont il est maître. Elle flaire l’imposture chez Aydin comme personne : un vrai chien de chasse qui va faire sortir du bois celui qui veut faire illusion ! Elle attaque sa belle-sœur aux endroits qui font mal, avec un grand sourire. Et en même temps, elle est prête à se soumettre à son ex-mari qui l’a bafouée et à s’humilier pour le retrouver. Ce mélange de soumission et de violence est typique de la base 6. Le personnage de Necla en traduit bien toute l’ambivalence.

La richesse des caractères de Winter Sleep, sa plongée dans les eaux profondes de l’homme intérieur, une fin qui ouvre à tous les possibles sont des signes de la qualité de ce film surprenant vers lequel il faut courir tant qu’il demeure sur les écrans. Ce qu’il dit de l’humanité souffrante l’est avec un génie qui évoque irrésistiblement le grand Bergman, qui sait si bien souligner les ombres. La justesse des personnages, leur traitement sans concession peut dérouter, gêner, questionner; il est en tous cas, par quelque bout qu’on le prenne, une occasion de remise en question de soi, qui engage à chercher la lumière.

Le film : métaphore de la base 7

handsome man

 

 

LE FILM

par Philippe, base 7

Je suis comme un film…

Devant un scénario extrêmement riche, je veux tout, ne choisis pas. Je vois en chaque idée toutes les possibilités : un plan fixe large, un gros plan, un panoramique, un travelling. Entre ces possibilités je ne choisis pas. Je passe de l’une à l’autre avec des transitions habiles. Je rebondis, vais de l’avant, imprime au film un rythme éblouissant.

FilmEt si une scène me résiste, me met mal à l’aise, je la bâcle, ou même la supprime. Au montage, je sacrifie peu, joue de la redondance et imprime un rythme saccadé pour mettre dans le temps imparti tout ce que je peux y loger.

Il en advient un objet assez brillant, mais un peu vain. Où l’on peut prendre conscience, passé le choc de l’esbroufe, d’une tristesse mal assumée remplacée par une violence virtuose mais creuse et repoussante, d’une sensibilité atrophiée, d’un discours narcissique et somme toute contestable car peu audible.

Un 7 qui évolue est un film qui prend son temps. Un film qui regarde. Un film qui s’ouvre à ce qui est là, sans poursuivre une idée de scénario planifiée. Un film où un plan fixe peut durer, afin que, sur la pellicule, au-delà des corps agités, à travers les corps tranquilles, l’âme apparaisse.

Un film qui sacrifie au tournage mille idées brillantes pour ne garder que celles qui, ici et maintenant, s’imposent par leur incarnation dans un acteur ou une actrice. Qui accepte de suivre ce que tel ou tel acteur montrera, et qui n’était pas prévu. Qui se satisfaira de la pluie ce jour où le soleil semblait nécessaire à la prise, car cette goutte de pluie sur la joue de cette femme introduit une fêlure, un soupçon de tristesse qui donne au film sa vie, cette vie là, réelle, inattendue, non désirée mais présente.

Un film qui, au montage, élague, abandonne, coupe dans le vif. Un film qui a accepté de souffrir, ou plus exactement de vivre les difficultés du tournage et du montage sans les nier, ce qui occasionne une souffrance certes réelle, mais tellement moins effrayante que celle qui était fantasmée.

Un film qui respire, qui chante, qui donne à voir. Un film qui vit. Enfin !

Downton Abbey à la lumière de l’ennéagramme

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Il y aurait bien à dire sur cette série déjà culte, et notamment sur la finesse de sa qualité de reconstruction historique et sociale, sa réussite esthétique : décors, costumes, scénario, dialogues, réalisation, mais surtout photo et qualité du jeu des acteurs. Nous choisissons ici d’aborder Downton Abbey par le versant de l’ennéagramme. Une telle palette de caractères suivis dans la durée et au gré de circonstances diverses est pain béni pour qui s’intéresse aux ressorts de la personne, sans interprétation ni jugement

Pain béni parce que la délicatesse de l’ennéagramme vient du fait que, selon la déontologie de la tradition orale, seule la personne peut attester de sa base car elle seule connait ses motivations propres. Prétendre les connaitre mieux qu’elle-même peut être non seulement blessant mais surtout servir de prétexte de toute puissance à notre ego. Or, aucun risque de ce genre n’est pris avec un personnage de fiction : toute liberté nous est donnée de le prendre comme objet d’étude afin d’affiner notre connaissance des caractères humains. Bien plus, il peut nous permettre de nous remettre nous-mêmes en question en nous interrogeant sur la raison qui nous fait réagir à tel ou tel personnage : si Lady Mary ou Isobel me sont tellement antipathiques, que cela veut-il dire de moi ? Qu’est-ce qui fait que je comprends si bien Lord Grantham ou Branson ? Pourquoi suis-je tellement touché(e) par Lady Sybil ou Lady Violet ?

En guise de préambule, nous voudrions prendre quelques précautions :
Toutes nos hypothèses sont… des hypothèses : elles sont le fruit de notre expérience mais aussi de ce que nous sommes. Personne n’est à l’abri d’un prisme trop étroit ! Et nous évoquerons seulement les types des personnages qui nous seront apparus avec une relative clarté.
– Nous tacherons de nous appuyer principalement sur les deux premières saisons afin d’éviter de révéler à ceux qui n’ont pas encore vu les saisons 3 et 4 la mauvaise expérience des spoilers.
– Toute la série est colorée de l’esprit de la société anglaise des années 1910-1920. On y retrouve le côté distant, réprimant ses émotions de la culture anglaise qui a souvent fait typer l’Angleterre comme une société de base 5. C’est donc une sorte de sur-couche 5 qui vient colorer chaque caractère et sans doute tempérer les plus extravertis. Par ailleurs, l’enjeu de la série étant la pérennité du titre et du domaine de Dowton, cette responsabilité rejaillit avec une teinte de base 6 sur les personnages principaux, que ce soit au sein de la famille Crawley ou même chez les domestiques.

19Lord Grantham, Robert Crawley, semble un assez bel exemple de type 9. Il n’aime pas être bousculé, apprécie plus que tout son confort et l’atmosphère – normalement – paisible du château. Sa présence à elle seule apaise et rassure. Plus que tout, il recherche l’harmonie et la paix. Il déteste les conflits et a du mal à s’opposer. Alors que la solution du mariage de Lady Mary avec Matthew apparaît comme la plus évidente, il ne fera rien pour influencer le choix de sa fille. C’est un rassembleur, un homme de consensus comme le montre son accueil paisible du nouvel héritier du nom. Mais l’on pointe en même temps le défaut du 9, dans une tendance à procrastiner au lieu d’agir : alors que son entourage le pousse à étudier une possibilité légale pour contester l’héritage de Matthew, il ne bouge pas. Sa force d’inertie est patente, mais s’il est bousculé (par exemple par l’attitude de sa benjamine Lady Sybil), ses colères peuvent être redoutables, quoique légèrement décalées. Une aile 8 et un sous-type en survie ne seraient pas impossibles.

8Son épouse Lady Cora pourrait être un bel exemple de type 4, dans un monde où l’expression de l’émotionnel est bridé. Bien que jouant admirablement son rôle de comtesse (en activant une flèche 1 tellement utile aux 4 en responsabilité), elle garde sa spécificité et son indépendance d’esprit. Elle n’oublie pas qu’elle est américaine et cultive cette différence avec tact. Même si elle joue le jeu de la haute société et de ses traditions corsetées, si elle met tout en place pour ne pas laisser paraître ses up and down (notamment au moment de la perte de son bébé), son regard ne trompe pas : tour à tour ému, tendre, bienveillant, il peut se faire cinglant et indigné. Beaucoup de choses passent chez elle par le non verbal car il ne s’agit pas ici de mentaliser comme en 5/6/7, la communication se fait par le cœur.

3Autre planète, celle des personnes de base 6, avec un personnage légendaire, la comtesse douairière, Violet Grantham, magistralement interprétée par Maggie Smith. Humour à couper au couteau, réparties assassines, elle défend le clan Crawley avec une fidélité sans faille et un sens du devoir inoxydable. Les rapports de Lady Violet et Lady Cora pourraient bien être emblématiques des relations 4-6 : là où l’une parle d’amitié et dialogue du regard, l’autre répond stratégie et envoie des piques en guise de manifestation d’affection.

16Dans les filles Crawley, laquelle préférez-vous ? Lady Mary est un des personnages les plus complexes de la série. Du feu sous la glace. Il se pourrait bien qu’elle constitue un bel archétype de base 3. Elle se dit « sans cœur », elle agit en pragmatique, mais on la sent à plusieurs reprises touchée au cœur. Ses aventures tournent autour de la problématique du mensonge et de la vérité, et d’abord vis-à-vis d’elle-même. On est en plein dans la tension intérieure de la base 3 qui, au cœur de la triade émotionnelle, évite ses émotions pour ne pas nuire à ses objectifs. Le mot challenge allume des étincelles dans ses yeux et son apparence est importante, plus précisément l’image que l’on peut avoir d’elle. Elle s’adapte à ce qu’elle croit que l’on attend d’elle avec parfois une innocence déconcertante. D’où le séisme que constitue son aventure avec M. Pamuk. Elle pourrait avoir une forte flèche 6 qui peut la conduire, pour le meilleur à refuser un certain conformisme 3, ou pour le moins bon à être bien indécise dans ses affaires de cœur.

6Lady Sybil, la benjamine, pourrait être une belle représentante de la base 7. Elle étouffe dans le cadre contraignant de Downton et elle a besoin de s’en évader. Tout est bon pour cela : apprendre à cuisiner, chercher du nouveau dans l’excitation des mouvements politiques, devenir infirmière pendant la guerre, faire sauter les cadres avec Branson… Elle met ainsi en lueur cette curieuse mais récurrente confusion possible entre les personnes de base 7 et 2 : même dynamisme, même souci de faire plaisir, même goût de l’occupation (pour ne pas s’ennuyer en 7, pour aider en 2) ; avec cette spécificité en 7  de vaquer dans le monde de la souffrance des hôpitaux sans en paraître affecté. Un besoin de liberté conjugué à une légèreté qui pourrait parfois être superficielle. Sa fugue avec Branson est emblématique : elle accepte de revenir pour quelques jours chez elle afin de ne pas trop peiner ses parents et par conséquent de ne pas trop souffrir… tout en garantissant sa porte de sortie !

29 (2)Branson… idéaliste, homme du tout ou rien, il ne vit que par sa passion pour ses idées puis par sa passion pour Sybil : leurs points communs ? La fuite de la routine et du figé, la recherche du nouveau, le combat pour des causes belles mais un peu utopistes. La suite de la série ouvrira sur la possibilité d’un sous-type social du type 4 : tiraillé entre son désir de singularité et son aspiration à être reconnu à Dowton, il est en permanence habité par la honte de n’être pas de ce monde-là tout en désirant en être et en travaillant à sa pérennité.

5Venons-en à notre héros, Matthew, vraisemblablement de type 5 – comme le pays à l’origine de la série, tiens, tiens… Son arrivée à Downton est assez symptomatique. Il manifeste son souci d’indépendance de manière nette : besoins matériels minimalistes, jalousie de son intimité, il a du mal à dépendre des soins d’un valet et n’y consentira que par délicatesse pour Lord Grantham. Sa visite de l’église avec Lady Edith est délicieuse : alors que la jeune fille cherche à établir du lien, Matthew est là pour échanger informations et connaissances culturelles… Discret et sensible, un sous-type en tête-à-tête pourrait expliquer son cœur passionné mais ne va pas jusqu’à lui permettre de déclarer sa flamme. Pas étonnant que les relations amoureuses entre Lady Mary et lui mettent du temps à se mettre en place avec deux bases, 3 et 5, qui ont pour souci premier de se protéger des manifestations émotionnelles…

20Le monde des domestiques est dirigé par deux magnifiques personnes de type 1 : Carson et Madame Hughes ! Rien n’est laissé au hasard par l’un ni par l’autre : véritables chefs d’orchestre d’un monde qu’ils voudraient toujours plus parfait, ils assurent le bien être et la bonne place de chacun jusque dans les moindres détails. Le travail est la valeur suprême et la colère intérieure est là, dans le regard ou dans l’expression quand les personnes ou les choses ne sont pas à leur place, mais elle ne sort que de manière maîtrisée. Le sens du devoir les pousse à sans cesse se sacrifier, jusqu’à pour Madame Hughes renoncer au mariage et pour Carson jusqu’à s’éreinter à la tache et n’écouter la fatigue de son corps que quand celui-ci le lâche. Au fur et à mesure des saisons, nous les voyons évoluer grâce aux ressources additionnelles de leurs flèches 4 et 7, vers moins de rigidité et plus de légèreté. On se prend à espérer que lors des saisons suivantes, ils puissent faire preuve de la même tendresse vis-à-vis d’eux-mêmes que celle qu’ils manifestent l’une à Ethel, l’autre à Lady Mary…

7Bates est un personnage énigmatique. D’une loyauté infaillible (jusqu’à laisser croire au comte qu’il le trahit pour ne pas le mettre en difficulté), son regard est d’une grande douceur et il ne tarde pas à attirer la compassion et l’amitié de – presque -tous. Pourtant, tout un pan de sa vie échappe et le peu qui affleure laisse envisager une violence latente. C’est comme s’il gardait jalousement un jardin secret, comme s’il craignait une lumière dont il ne pourrait pas maîtriser les effets. « Je suis un inquiet et les inquiets s’inquiètent » laisse-t-il échapper. Nous pourrions être face à l’ambivalence bien caractéristique de la base 6. La suite nous en dira sans doute davantage…

30Anna sa bien-aimée, attentionnée et compréhensive, pourrait être de type 2. Mais c’est Isobel, la mère de Matthew, qui remporte la palme dans ce domaine, avec vraisemblablement une aile 3. Incapable de retenir sa pulsion d’aider les autres jusqu’à prévenir leurs besoins avant qu’ils n’en aient eux-mêmes conscience, son incroyable énergie fait sa force et sa faiblesse. Sa force, car elle sait d’instinct ce qui peut sauver tel malade, transforme Dowton en hôpital de campagne pendant la guerre, sait repérer les talents et les mettre en valeur. Sa faiblesse, car elle a du mal à se donner des limites, finit par étouffer son entourage et succombe à la tentation de se vouloir indispensable. « Vous comprendrez que j’ai besoin d’un minimum de reconnaissance pour rester », dit-elle à Lady Cora. Il ne sera pas difficile à cette dernière de trouver le moyen de lui faire développer ses talents loin de Dowton Abbey…

4Thomas et O’Brien sont les âmes damnées de Downton. Thomas semble illustrer un type 3 sans scrupule : manipulateur et fourbe, il met tout en oeuvre pour la réussite de sa promotion. O’Brien, beaucoup plus mentale, pourrait être de type 6, à aile 5. Calculatrice froide, elle anticipe avec virtuosité, mais elle est parfois victime de ses projections abusives. Le scénario catastrophe qu’elle construit à l’encontre de Lady Cora et qui lui fait croire que celle-ci veut se débarrasser d’elle, est typique.  A la différence de Thomas, le remord a de la prise sur elle et elle mettra d’autant plus d’énergie à être loyale à Lady Cora qu’elle aura été coupable du pire vis-à-vis d’elle.

imagesEt pour finir, comment ne pas voir en base 8 l’inénarrable cuisinière Mrs Patmore ? Colérique, d’une énergie incroyable, elle œuvre à masquer ses faiblesses et protège, à sa manière, sa petite équipe. Dans un autre univers, sir Richard, puissant patron de presse et fiancé de Lady Mary, serait un 8 dominant, ne respectant aucune règle, à la finesse discutable et qui envisage toutes les relations à l’aune des rapports de force.

6Que nous dit aujourd’hui cette grande fresque des personnalités en matière de connaissance de soi et de compréhension des autres ? La première évidence, c’est que toutes les bases sont belles : il n’y en a pas de bonne ou de mauvaise. Chacune a sa part d’ombre et de lumière, contribue à la beauté du monde et lui apporte sa vision et ses compétences. Quelle qu’elle soit, nous restons libres d’en user pour le meilleur ou pour le pire.

9De la même manière, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise alliance des bases : le secret d’une alliance réussie passe par la reconnaissance de ses propres talents et failles et l’accueil de l’autre tel qu’il est. Comment ne pas penser que plusieurs des situations de blocage de la série auraient pu être évitées si les protagonistes avaient eu conscience de ce qui les animait l’un l’autre ? C’eut peut-être été dommage en l’occurrence : on ne fait pas de bonnes séries sans bons imbroglios !

Mais dans la vraie vie, mieux se connaître soi-même permet de développer ses talents propres en se gardant des dommages afférents et mieux comprendre l’autre aide à la miséricorde et pourquoi pas, à la compassion. On aime encore mieux les personnages sympathiques quand on connait leurs ressorts. Et même les plus antipathiques, lorsque leur lutte intérieure est entraperçue, n’ont plus le même visage à nos yeux.