Archives de catégorie : Archétypes

Simon Pierre et la base 6

SIMON PIERRE
Un archétype de la base 6 en social*
par Pascal

Les larmes de Saint Pierre, Le Greco

L’histoire de Simon Pierre pourrait être celle d’une personne de base 6 qui accepte de grandir au contact d’un plus grand que lui. Monseigneur Rémi de Roo dans son livre, Bible et Ennéagramme en dresse un portrait en ce sens. Pierre est lui-même une figure d’autorité: « Soyez soumis à cause du Seigneur, à toute institution humaine: soit au roi comme souverain, soit au gouverneur comme envoyés par lui pour punir ceux qui font le mal et féliciter ceux qui font le bien. » 1P 2,13. Le groupe est le lieu privilégié du sous-type social: Pierre deviendra chef de l’Eglise et se révèle au sein de l’assemblée des disciples. Les quatre évangiles témoignent de son statut d’autorité lorsqu’il déclare que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, le Messie annoncé par les prophètes (Mat 16,16; Mc 8, 29. Luc 9, 20. Jn 6, 69). Son importance est à nouveau mise en valeur lorsqu’il assure le rôle de guide des apôtres après la résurrection de Jésus: « Repentez-vous et que chacun se fasse baptiser pour la rémission de ses péchés et vous recevrez le don du Saint-Esprit. » Actes 2.38

Plusieurs textes ou situations permettent de découvrir la force intérieure, les motivations, les paroles encore plus que les actes révélant sa personnalité. Ainsi, lors de l’épisode de la pêche miraculeuse (Luc 5, 4 à 11) est l’occasion de mettre le couple doute/suspicion, peur/courage en exergue. Le dialogue entre Simon et Jésus est révélateur: dès le début de la péricope, nous voyons un Simon qui exprime une suspicion lorsqu’il entend l’ordre de Jésus: « Maître nous avons péché toute la nuit sans rien prendre »; comme une manière de dire: voudrais-tu m’apprendre mon métier? Pierre exprimera plus tard ce genre de suspicion quand il suspectera l’identité de celui qui marche sur les eaux du lac de Galilée: « Si c’est bien toi, ordonne-moi de venir sur les eaux. » (Mt 14, 28). Jésus sait à qui il avait affaire: il sait que la foi de Pierre a besoin d’être soutenue. Il répond à son besoin et lui ordonne: « Viens ». Jésus s’était pourtant identifié en s’approchant du bateau: « Confiance, c’est moi, n’ayez pas peur. » (Mt 14, 27). Mais cela n’a pas suffi: Simon Pierre doute, cette attitude ressemble à celle de Thomas (possiblement de base 6 également) qui cherche des garanties au soir de Pâques.

Mais Simon Pierre est aussi capable de confiance: il dit avant la pêche miraculeuse: « Sur ton ordre, je jetterai les filets. » (Luc 5, 5)… et un peu plus tard, il va dire: « A qui irions-nous, tu as les paroles de la vie éternelle. » (Jn 6, 68) Tout au long de sa formation de disciple, Simon va osciller entre le doute et la confiance: elle va lui permettre de passer de la peur au courage. C’est le courage de celui qui aime, qui accepte de faire face aux difficultés, aux risques, à cause de l’amour car en effet, « l’amour parfait bannit la crainte ».1 Jn 4, 18

Dans la découverte de sa nouvelle identité (l’évangile de Jean aime l’appeler Simon Pierre) et tout au long de son cheminement avec Jésus, Pierre exprimera beaucoup de questions. Ne s’agit-il pas ici de la manifestation d’une aile 5? En tous cas d’un centre mental privilégié: vouloir savoir, connaître, avoir des informations, être curieux: « Eh bien nous avons tout laissé et nous t’avons suivi: qu’en sera-t-il de nous? » (Mt 19, 27). Nous pouvons comprendre ces questions comme celles de quelqu’un qui veut récolter des informations pour diminuer ses peurs, son inquiétude face à un avenir qui lui semble imprévisible et périlleux. Par ces questions, finalement, Simon Pierre cherche à découvrir si celui qu’il suit est digne de confiance, si son projet tient la route, si cela c’est du solide.

Le récit de la didrachme, de l’impôt à payer au temple (Mt 17, 24 à 27) révèle deux aspects intéressants de la personnalité de Pierre: la projection et le respect de la loi. Au début du texte, Simon Pierre répond à une question qui ne le concerne pas, elle concerne son maître. En répondant à la place de Jésus, Simon Pierre est victime d’un automatisme typique de la base 6: la projection. Pour Pierre, Jésus doit payer l’impôt du temple, c’est quelque chose d’évident, c’est la meilleure façon d’éviter les problèmes, d’être un bon citoyen. Plus tard, à Gethsémané, au moment de l’arrestation de Jésus, Pierre est à nouveau confronté à ses vieux démons de la peur. Il réagit de deux façons: en quête d’approbation, il risque de faire et dire tout ce qui pourrait lui permettre de nouer une amitié ou de la sympathie: le meilleur moyen de déminer d’éventuelles hostilités. D’abord, il veut exorciser sa peur par la violence (Jn 18, 11). De fait, il la nie dans un premier temps en frappant l’agresseur de Jésus par l’épée (Malchus). Mais au moment où ce moyen lui est interdit par Jésus, la peur se révèle et Simon Pierre s’enfuit avec tous les disciples. Dès l’instant où le premier moyen pour dominer sa peur n’est plus possible, il ne lui reste plus que la seconde, la fuite. Ces deux attitudes sont connues en base 6 comme les versants contrephobique et phobique d’un même moteur intérieur: la peur.

Néanmoins, nous voyons Pierre suivre Jésus au prétoire: il est profondément humain, tiraillé entre sa loyauté envers Jésus et la peur d’être aussi arrêté. Pierre n’a-t-il pas fait preuve de fanfaronnade, de vantardise (flèche 3?) en affirmant qu’il ne trahirait jamais Jésus: pourtant il le renia trois fois avant que coq ne chanta deux fois. Pierre pleure amèrement et disparaît. On peut imaginer la douleur d’une personne de base 6 dont la loyauté est prise à défaut et qui aime profondément son Seigneur. D’ailleurs, après sa résurrection, Jésus va réhabiliter Pierre au bord du lac de Tibériade (Jn 21,15 à 19). Avant ce dialogue, nous savons que Pierre est parti pêcher avec d’autres disciples (flèche 9 ?): il est dans son élément, la mer, la pêche, la réunion entre amis: un environnement sécurisé. Quand le disciple que Jésus aimait a reconnu Jésus au bord de l’eau, Simon Pierre s’est jeté à l’eau depuis la barque: sa loyauté, radicale et entière, est retrouvée.

Jésus connaît la peur et l’anxiété de la personne de base 6, il retrouve Pierre dans ses angoisses et le tire doucement vers un affermissement de sa foi et de son courage. Ce dialogue inaugure un nouveau commencement dans la vie de Pierre, grâce aux trois questions que Jésus lui pose, le centre émotionnel, longtemps délaissé s’exprime enfin positivement, ses doutes, ses craintes, ses peurs sont vaincues. A la suite de l’exhortation du Maître de paître ses brebis, Pierre va grandir dans le rôle d’un guide fort et courageux; sa foi est renouvelée. C’est un vrai berger, probablement en social: un homme de devoir, qui devient avec Paul un des chefs de l’Eglise naissante. Pierre n’est plus un lâche: lorsque le Sanhédrin lui interdit de continuer à enseigner au nom de Jésus, il dit : « Jugez plutôt vous même s’il est juste de vous obéir plutôt qu’à Dieu. » (Actes 4, 12).

Lors de son martyre sous Néron en 64, Pierre fait preuve d’un grand courage en demandant, selon la tradition, à être crucifié la tête en bas. Pierre se souvient alors de la parole de Jésus: « J’ai prié pour toi pour que ta foi ne défaille pas. » (Luc 23, 32); celui qui veut me suivre, qu’il se renie lui-même, qu’il se charge de sa croix et qu’il me suive. » Selon le mot du père Fabre, Pierre, au soir de sa vie a fait l’expérience qu’être disciple de Jésus c’est avoir fait l’expérience irrévocable de son incapacité à l’être, en lâchant le contrôle: « Amen, amen, je te le dis: quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Jn, 21, 18

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

 

Jeanne d’Arc et la base 6

Joan of Arc, Albert Lynch, 1903

SAINTE JEANNE D’ARC
un archétype de base 6 en tête-à-tête*

S’il est un personnage historique sur lequel la documentation est fiable, c’est paradoxalement Jeanne d’Arc. Car si beaucoup ont glosé sur les voix qu’elle avait entendues ou même sur des troubles psychiques impossibles à documenter, nous possédons une source très fiable avec ses propres paroles, à savoir les minutes de son procès. Ses réparties, qui viennent éclairer toute son existence, sont précieuses pour dessiner l’hypothèse du profil de Jeanne.

Jeanne a une mission et elle ira jusqu’au bout. Sa mission est de faire couronner le gentil dauphin Charles VII à Reims afin qu’il retrouve son royaume confisqué par l’envahisseur. Et pour cela, il faut « bouter les Anglais hors de France ». Une mission donc qu’elle va poursuivre avec une loyauté absolue. Un premier indice de la base 6…

Et voilà donc cette jeune fille sans expérience qui s’habille en homme, prend la tête d’une armée de soldats, les précède étendard au vent, ne craint pas d’être blessée. Cette facette de la base 6 est bien connue sous le nom de contrephobique. Face à la peur la personne de base 6 a deux stratégies entre lesquelles elle oscille en fonction des circonstances. La fuite (réaction phobique) ou l’attaque (réaction contrephobique). Jeanne est très largement dans le second registre: à la guerre, mais aussi face à ses juges. Seule contre les clercs et docteurs de l’Université, elle fait face et ne se laisse pas démonter. C’est qu’elle a le sens du Verbe la Jeannette, qui fera l’admiration de Péguy, Bernanos ou aujourd’hui François Cheng, pour son sens de la répartie et la beauté de sa langue.

Le centre d’intelligence préféré des personnes de base 6 est le centre mental, il en est même virtuose. Dans le procès à charge, chaque question est un piège. « Savez-vous si vous êtes en la grâce de Dieu? » lui demande-t-on. Si Jeanne répond oui, elle est coupable de présomption, voire d’orgueil. Si elle dit non, elle avoue son crime. La réponse de Jeanne fuse, déjouant magistralement le piège, une réponse qui fait penser à celles de Jésus face aux pharisiens: « Si je n’y suis, Dieu m’y mette; et, si j’y suis, Dieu m’y garde! ».

Et pourtant, Jeanne a peur. Sous la pression de ses juges, elle doute et finit par abjurer. La peur a pris le dessus et l’excès de passion de lâcheté l’a saisie. Deux jours après, elle se ressaisit. Elle reprend ses vêtements d’homme, sans doute aussi pour se protéger, déclare que sa mission n’est pas terminée car Paris n’est pas délivré et revient sur son abjuration, la considérant comme une trahison de Dieu. La trahison, le cœur de l’évitement de la base 6, nous y sommes: au même endroit se trouve le talent (ici la loyauté) et la tentation. A vrai dire cette volte-face n’est pas raisonnable. Son centre mental préféré, sous le coup de la panique, est réprimé. Son attitude manque de logique, mais son âme demeure droite comme une épée.

Cette radicalité de Jeanne, ce côté flamboyant, pourrait émaner d’un sous-type tête-à-tête, conjonction appelée « force et beauté » dans le monde de l’ennéagramme. Qui d’autre qu’elle porte mieux ces mots associés à cet archétype de 6 en tête-à-tête? Jeanne entretient un dialogue privilégié avec ses voix. Devant le dauphin, alors qu’il a volontairement laissé les insignes royaux à un de ses compagnons, elle ne se trompe pas. Elle sait que c’est lui, et va le voir directement. L’intuition mentale fulgurante des personnes de base 6… Ce qu’elle lui dira demeure mystérieux, mais en quelques minutes elle l’a convaincu seule-à-seul de reconquérir son royaume. De même face à ses juges, elle est dans un combat en tête-à- tête avec le tribunal.

S’il est un mot qui caractérise Jeanne c’est le courage, qu’elle manifestera au terme de son procès, sur le bûcher. Le courage qui est la vertu de traverser la passion de la peur sans excès (lâcheté) ni défaut (témérité): la vertu de la base 6. Où l’on voit que la grâce passe par l’incarnation des saints.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

L’action juste de la base 9

UNE VIE CACHÉE
Un film de Terrence Malick, 2019

Franz Jägerstätter, un archétype* de base 9?

Les lecteurs de ce blog savent que nous aimons le cinéma de Terrence Malick. Dans un article précédent, nous l’avions vu en 4 survie.

Une Vie cachée, le dernier film de Malick est encore sur nos écrans. Il filme en trois heures qui
passent comme un souffle, la destinée tragique qui va mener Franz Jägerstätter, paysan autrichien, à refuser de prêter serment à Hitler comme tous les soldats enrôlés dans l’armée allemande.  Franz, jusqu’au bout, en dépit des voix unanimes lui conseillant d’abandonner, écoute sa conscience et accepte d’être guillotiné. Je vous renvoie à un autre article pour une lecture cinéphilique et théologique de l’œuvre: http://www.lavie.fr/debats/idees/une-vie-cachee-les-tactiques-du-diable-et-le-primat-de-la-
conscience-04-12-2019-102314_679.php Mais, plus modestement, c’est à la lumière de l’ennéagramme, que nous aimerions ici approcher le moteur psychologique de son action.

Franz vit avec Fanni sa femme et leurs trois petites filles une vie tranquille dans une vallée autrichienne que rien n’aurait perturbée si l’Anschluss, en 1938, n’avait placé l’Autriche sous le joug du régime nazi. Dans un village simple et harmonieux, chacun fait sa part et chacun reçoit la sienne dans une osmose paisible, au rythme de la nature. Calme et rudes travaux paysans laissent la part belle à la gratuité des moments d’intimité partagée: la vie rêvée d’une personne de base 9 pour qui la paix, la joie de chacun fait la sienne. Les scènes de la vie courante sont à elles seules de vrais moments de contemplation.

Et pourtant, c’est lui  va bientôt devenir celui qui crée la disharmonie. Face aux échos de la politique nazie de destruction et de ségrégation, les plus forts opprimant les plus faibles, on sent pour la seule fois du film, dans son entretien avec le prêtre du village, la colère puissante bien qu’intérieure, du paysans autrichien. Sans qu’aune réflexion rationnelle ni émotion manifestée ne rentre en ligne de compte, il décide de dire non. Seul à refuser de donner de l’argent à l’effort de guerre nazi ou faire le salut nazi, il va provoquer l’hostilité de tous les membres de son village, l’incompréhension de ses proches et la violence de l’armée.

Voilà qui est loin du stéréotype trop souvent émis pour les personnes de base 9 de mollesse, de paresse et d’incapacité de se positionner. Nombre de stagiaires nous ont confié ne rien lâcher quand il s’agit de leurs convictions profondes et se sentent bien incompris quand ils sont vu comme n’en ayant pas. En effet, si en temps ordinaire, la personne de base 9 est plus à l’écoute des besoins des autres que des siens, si à son pire elle peut faire preuve d’inertie, l’action juste est sa vertu propre et la spécificité de son tempérament, pourvu qu’elle en prenne les moyens. Franz, béatifié par l’Eglise catholique, pourrait bien en être un archétype exemplaire.

La manière dont le film donne à voir le développement de cette vertu de l’action juste semble significatif: Franz a peur, il doute, il écoute les objections des uns et des autres, ne provoque jamais la rupture mais, s’ajustant aux événements quand ils arrivent, il ne bouge pas. Deux fois nous le verrons résister face à l’attaque sans se laisser mettre à terre: face au maire histrionique et face au soldat qui le violente. Mais il ne rendra jamais le coup. Plus encore, au cœur des contradictions, il manifeste une véritable compréhension de ce qui lui est opposé: les raisons de l’évêque, la douleur de sa femme, la faim d’un compagnon de captivité, jusqu’au positionnement de son juge: « je ne te juge pas, je ne sais pas. »

Il reste seul face à sa conscience, son intime conviction, dont l’image filmée laisse à penser qu’elle pourrait venir de son corps. Un corps fort, puissant, dont émane quelque chose de la résistance passive caractéristique de la base 9. En se laissant guider par cette force intérieure qu’il ne peut expliquer, et sans se laisser submerger par des émotions qui auraient pu le faire flancher (peur de la discorde et de la mort, arrachement de la douleur de sa femme et de sa mère); il tient bon. Selon le principe tomasien de la connexion des vertus, en cultivant l’action juste, il devient plus courageux (vertu de la base 6), plus généreux (vertu de la base 5), plus vrai (vertu de la base 3). En réalisant le geste que personne ne comprend, quand bien même tout le monde lui dit qu’il est inutile, Franz se place à un niveau d’harmonie plus haut que ce qui apparaît et qui constitue sa mission dans le monde: résister en conscience à l’oppression la plus totalitaire. En osant la disharmonie apparente, il oeuvre pour la paix par son corps, au prix de sa vie.

 

 

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

Et si Nietzsche était de base 8 ?

 

FRIEDRICH NIETZSCHE, UN ARCHÉTYPE DE BASE 8 ?*

“Ce qui ne me détruit pas me rend plus fort.”

Cette phrase de Friedrich Nietzsche (1856-1929), est bien connue et n’est pas sans faire penser à la croyance d’une des bases de l’ennéagramme pour qui la force est la valeur suprême et la faiblesse, la peur fondamentale. Et si Nietzsche était de base 8 ?

PETIT FLORILÈGE

UN PETIT COTE « TOUT OU RIEN »

“La colère vide l’âme de toutes ses ressources, de sorte qu’au fond paraît la lumière.”
Par delà le bien et le mal

“Avec une voix forte dans la gorge, on est presque incapable de penser des choses subtiles.”
Par delà le bien et le mal

“Peu de gens sont faits pour l’indépendance, c’est le privilège des puissants.”
La Volonté de puissance

“Formule de mon bonheur : un « oui », un « non », une ligne droite, un but…”
Le Crépuscule des idoles

« Celui qui ne veut agir et parler qu’avec justesse finit par ne rien faire du tout. »
La volonté de puissance

“Le poison dont meurt une nature plus faible est un fortifiant pour le fort.”
Le Gai savoir

UN ART DE LA GUERRE

“Croyez-moi ! Le secret pour récolter la plus grande fécondité, la plus grande jouissance de l’existence, consiste à vivre dangereusement !”
Le Livre du philosophe

« Nul vainqueur ne croit au hasard. »
Ainsi parlait Zarathoustra

“Plaisir : sensation d’un accroissement de puissance.”
Ainsi parlait Zarathoustra

“On n’attaque pas seulement pour faire du mal à quelqu’un mais peut-être aussi pour le seul plaisir de prendre conscience de sa force.”
Humain, trop humain

“Et souvent il y a plus de bravoure à se retenir et à passer : pour se réserver pour un ennemi plus digne.”
Ainsi parlait Zarathoustra

“Qui vit de combattre un ennemi a tout intérêt de le laisser en vie.”
Humain, trop humain

“La croyance que rien ne change provient soit d’une mauvaise vue, soit d’une mauvaise foi. La première se corrige, la seconde se combat.”

“Celui qui sait commander trouve toujours ceux qui doivent obéir.”
La Volonté de puissance

“Si vous ne pouvez être des saints de la connaissance, soyez-en au moins les guerriers.”
La volonté de puissance

QUI VA AU BOUT DE SES LIMITES

“Vouloir libère.”
Ainsi parlait Zarathoustra

“Faites donc ce que vous voulez – mais soyez d’abord de ceux qui peuvent vouloir !”
Ainsi parlait Zarathoustra

“Qu’est-ce que le génie ? – Avoir un but élevé et vouloir les moyens d’y parvenir.”
Par delà le bien et le mal

“L’homme est quelque chose qui doit être dépassé.”

“L’homme est une corde tendue entre l’animal et le surhomme, une corde au-dessus d’un abîme. ”
Par delà le bien et le mal

“Ce sont les instincts les plus élevés qui poussent l’individu en dehors et bien au-dessus de la moyenne.”

“Qu’est-ce que le bonheur ? Le sentiment que la puissance croît, qu’une résistance est en voie d’être surmontée.”
L’Antéchrist

“Atteindre son idéal, c’est le dépasser du même coup. »
Ainsi parlait Zarathoustra

HOMME DE CONTRÔLE ET DE CLARTÉ

“Les gens qui nous donnent leur pleine confiance croient par là avoir un droit sur la nôtre. C’est une erreur de raisonnement ; des dons ne sauraient donner un droit.”
Humain, trop humain

“On ment bien de la bouche, mais avec la gueule qu’on fait en même temps, on dit la vérité quand même.”
La volonté de puissance

« Etre vrai, peu le peuvent ! »
La volonté de puissance

“Qui se sait profond tend vers la clarté, qui veut le paraître vers l’obscurité; car la foule tient pour profond tout ce dont elle ne peut voir le fond.”
La volonté de puissance

UNE CONSCIENCE DE SES CAPACITÉS

“Qui ne croit en lui-même, ment toujours.”
Ainsi parlait Zarathoustra

« Tu dois devenir l’homme que tu es. Fais ce que toi seul peux faire. Deviens sans cesse celui que tu es, sois le maître et le sculpteur de toi-même.”
Ainsi parlait Zarathoustra

UNE PEUR DE LA FAIBLESSE, celle des autres…

“Je déteste les âmes étroites: il n’y a là rien de bon et presque rien de mauvais.”
La volonté de puissance

« Là où la volonté de puissance fait défaut, il y a déclin.”
L’Antéchrist

“Qu’est-ce qui est mauvais ? Tout ce qui vient de la faiblesse.”
L’Antéchrist

“C’est perdre de sa force que compatir.”
Le Gai savoir

“Pour le fort rien n’est plus dangereux que la pitié. ”
La volonté de puissance

“Un animal grégaire, un être docile, maladif, médiocre, l’Européen d’aujourd’hui !”
Par delà le bien et le mal

“Veux-tu avoir la vie facile ? Reste toujours près du troupeau, et oublie-toi en lui.”

et la sienne, alors qu’il était de constitution faible

“Un peu de santé par-ci, par-là, c’est pour le malade le meilleur remède.”
Humain, trop humain

“Je suis trop fier pour croire qu’un homme m’aime. Cela supposerait qu’il sache qui je suis.” Lettre

UN HOMME DU CORPS

“Le génie réside dans l’instinct.”
La volonté de puissance

“Je suis corps tout entier et rien d’autre; l’âme n’est qu’un mot désignant une parcelle du corps.”
Ainsi parlait Zarathoustra

“Le bonheur, quel qu’il soit, apporte air, lumière et liberté de mouvement.”
Aurore

UNE VULNÉRABILITÉ, quand le mécanisme de défense du déni tombe

« Il est plus facile de renoncer à une passion que de la maîtriser.”
Par delà le bien et le mal

“Quiconque lutte contre des monstres devrait prendre garde, dans le combat, à ne pas devenir monstre lui-même. Et quant à celui qui scrute le fond de l’abysse, l’abysse le scrute à son tour.”
Par delà le bien et le mal

“Qui trop combat le dragon devient dragon lui-même.”
La volonté de puissance

“A lutter avec les mêmes armes que ton ennemi, tu deviendras comme lui.”
Humain trop humain

“La mission suprême de l’art consiste à libérer nos regards des terreurs obsédantes de la nuit, à nous guérir des douleurs convulsives que nous causent nos actes volontaires.”

“Quand la paix règne, l’homme belliqueux se fait la guerre à lui-même.”

“L’augmentation de la sagesse se laisse mesurer exactement d’après la diminution de bile.”
Aurore

“L’homme souffre si profondément qu’il a dû inventer le rire.” 

“Ce que je préférerais, c’est d’aimer la terre comme l’aime la lune et de n’effleurer sa beauté que des yeux.”
Ainsi parlait Zarathoustra

“La souffrance d’autrui est chose qui doit s’apprendre.”
Humain, trop humain

“Nous cependant, nous voulons être les poètes de notre vie, et cela avant tout dans les plus petites choses quotidiennes.”
Saint Janvier

“Le royaume des cieux est un état du cœur.”

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

Louis XVI et la base 9 en survie

LOUIS XVI louis-xvi-1
un archétype de base 9 en survie*

Il est difficile de parler de Louis XVI sans évoquer l’histoire passionnante et mouvementée de la fin de l’Ancien Régime et de la Révolution. Mais nous ne pourrons dans le cadre de cet article nous attarder sur l’explication de ses événements. Nous garderons le cap sur l’essentiel, sans musarder, à savoir la figure de Louis XVI, le roi guillotiné.

Louis, duc de Berry, naît dans une fratrie nombreuse derrière Louis, duc de Bourgogne, héritier du trône et objet de toutes les attentions, Xavier, duc d’Aquitaine, et devant Louis, duc de Provence, le futur Louis XVIII, et Charles, comte d’Artois, futur Charles X. Dans l’ombre de Provence, déjà fin, amusant et supérieurement adaptable à défaut d’être franc, et de Bourgogne, héritier idéal par son charme et une forme précoce d’ascendant, Louis passe inaperçu. Sans doute cela n’a-t-il pas arrangé la faible confiance en soi qui caractérise les personnes de bases 9, capables d’une telle écoute qu’elles peuvent finir par se trouver transparentes. Lorsque le dauphin, victime d’un accident sera alité, on le séparera de sa nourrice, ce qui sera pour lui un déchirement et il sera réduit à être la poupée de son frère. Une enfance et un caractère qui ne prédisposent pas à l’exercice du pouvoir, sauf que, Bourgogne mourant, Louis se retrouve dauphin en 1761. Il a sept ans.

Très vite on notera chez lui une tendance profonde à la dispersion – pour ne pas dire narcotisation – ce phénomène qui consiste à se plonger dans une foule d’activités périphériques (jusqu’à la suractivité) pour éviter l’affrontement à la chose même. Serrurerie, géographie, chasse sont des hobbies auxquels il consacre un temps considérable. Illustration : après une nuit de noces catastrophique avec la jeune Marie-Antoinette (ils n’ont que seize et quinze ans au demeurant), il part à la chasse au petit matin, comme pour exprimer une colère qui l’habite sourdement, mais ne sait s’exprimer.

Tout son début de règne est marqué par une recherche éperdue d’une harmonie impossible. Son premier geste (1775, il a 21 ans), inaugurant une politique de compromis qui ne lui permettra jamais d’avoir la main, est de renvoyer Maupeou qui était en train de réformer la vieille société d’ordres et qui, c’est l’avis de nombreux historiens, avec trois ans de plus aurait évité à la France une révolution. Le second est de rappeler les Parlements et de laisser s’installer une contestation aristocratique impossible à maîtriser dans un pays traversé par des revendications parfaitement contradictoires.

Louis n’est pas faible pour autant. Son discours devant les Parlements est plein de majesté et d’une certaine force. Mais il veut être craint et aimé, refuse le conflit en pensant que tout peut s’accorder. En 1786, il a une nouvelle chance de réformer le pays avec Calonne qui souhaite renouer avec la politique de Maupeou. Mais Louis XVI refuse de renvoyer les Parlements qui font obstacle à une réforme qui ne ferait pas leurs affaires. Encore cette peur du conflit. Calonne ne peut rien faire. Nous sommes en 1786: la monarchie d’Ancien Régime est déjà vacillante avant même que la révolution n’éclate. En voulant coûte que coûte préserver l’harmonie, en refusant le conflit, Louis XVI a laissé s’installer les conditions d’une explosion sans précédent en huit cent ans de monarchie capétienne.

La suite sera une longue agonie. La Révolution éclatant, Louis XVI tente de concilier l’inconciliable, la société d’ordres et la nation. Il ne choisit pas, alors on choisit pour lui. Renvoyant Necker puis le rappelant sous la pression, Louis perd toute crédibilité. La Révolution lui donne le droit de veto: il l’utilisera avec un art consommé de la résistance passive (où se manifeste la grande puissance de la base 9). De même fera-t-il preuve de courage face aux foules menaçantes. On peut difficilement mettre la fuite à Varenne sous le coup de la lâcheté, mais plutôt dans une tentative, encore maladroite, de trouver une issue. Une base 9 n’a pas peur, elle n’est pas faible par constitution, mais sa force est comme empêchée par un engourdissement.

ParSEdH74Les derniers moments, le procès, le testament qu’il rédige, sa dignité face à ses bourreaux, donnent à Louis XVI un rayonnement que sa vie politique n’aura pas pu lui procurer. De fait, Louis XVI n’était probablement pas de sous-type social. Il semble ne pas comprendre ce qui se passe, quand bien même est-il un homme d’une grande intelligence. En réalité, les questions de pouvoir paraissent lui échapper. Comme les jeux de la séduction, contrairement à la reine. L’homme passionné de géographie, de serrurerie et de chasse n’est jamais plus à l’aise que dans le cercle familial et domestique. Possiblement en survie, il trouvera sa place au moment où lui et sa famille sont aux mains des révolutionnaires. Louis XVI, à l’heure de sa mort, est un père de famille qui donne l’exemple à ses enfants, et continue à aimer son peuple avec lequel il a eu un rapport paternel dans une époque qui tue le père.

On imagine la souffrance intérieure qu’a dû subir ce roi assoiffé de paix et de concorde, au cœur d’une des périodes les plus violentes de l’Histoire. Ses derniers mots marquent la beauté d’un itinéraire spirituel et résonnent, au moment où la machine infernale va lui donner la mort, comme un cri de paix et d’harmonie : « Je meurs innocent de tous les crimes qu’on m’impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France ».

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

 

La force de l’innocence

downloadWOMAN AT WAR
Un film de Bénédickt Erlingson, 2018

Halla, une femme en guerre, archétype de base 8 en survie*

Dès la première scène de Woman at war de l’Islandais Benedikt Erlingson, les choses sont claires : Halla est une guerrière. Au cœur de l’Islande, elle a décidé à elle seule de mettre un terme à l’activité de l’usine d’aluminium qui engendre une pollution considérable. Halla bande son arc et met à bas une ligne à haute tension. Elle dégage (HalldoraGeirhardsdottir, stupéfiante actrice de ce film) quelque chose après lequel tant courent en vain : une énergie, une force, une présence tellurique et charnelle. Au passage, notons que dans un film où le sous-type survie prédomine (la lutte politique d’Halla est très clairement ancrée dans le souci de protéger la terre nourricière avec laquelle elle entretient un rapport corporel quasi animal et celui de protéger les générations futures), le réalisateur montre avec finesse comment une parole politique de bon sens (« il y a des lois au-dessus des lois », en l’occurrence la loi naturelle) peut être pervertie par le système brandissant la menace de la loi religieuse et de la … charia ! Fin de la parenthèse sociale.

0890086.jpg-c_208_117_x-f_jpg-q_x-xxyxxToujours est-il qu’Halla va bientôt avoir tout le pays contre elle. On ne dévoilera pas ici l’intrigue mais notons que cette histoire se mêle de deux autres fils narratifs : l’adoption en vue d’une petite fille ukrainienne, remise en cause par son activisme politique, et la relation avec une sœur jumelle, professeur de yoga. Notons que (nous pourrions imaginer avoir affaire à un 6 contrephobique), Halla n’a pas de conflit de loyauté. Elle ne parle pas, ne doute pas. Elle avance, non sans peur et stress, mais avec une force irrépressible.

Ce personnage probablement de 8 est, avouons-le, très évolué, et c’est la limite du film, c’est presque trop beau. On sent la colère venue des tripes, la violence même. Mais elle s’exprime de façon maîtrisée : jamais contre les personnes, mais résolument contre le système et ses infrastructures. Les portraits de Gandhi et Mandela viennent résolument donner le cadre : celui de la non-violence. Dans le déchaînement de Halla contre l’usine, il y a quelque chose de très innocent, de très enfantin même que l’on retrouve dans sa manière de diriger la chorale dont elle est le chef : rien ne lui résiste, mais il y a une forme de douceur, de plaisir originel dans tout ça. De simple comme la base 8.

Halla est une guerrière, mais pas pour faire la guerre. Pour protéger. Protéger son espace vital, la terre où elle est née et dans laquelle elle aime enfouir son visage en archétype de 8 en survie. Protéger ceux qui vont venir et qui trouveront un pays désolé. Protéger cette petite fille qu’elle veut adopter. Le dernier plan simple et émouvant dit tout de l’instinct protecteur de la base 8.

Halla est une femme d’action, mais en elle il y a une aspiration à l’intériorité. On ne peut pas ici faire l’impasse sur la qualité et l’originalité de ma mise en scène qui donne à Halla une autre dimension qui rejoint miraculeusement la part secrète de la base 8. Il y a ces contrepoints qui viennent, scène après scène, souligner une émotion qu’Halla ne sait exprimer : Erlingson a choisi de scander son film, à chaque scène par l’intervention d’un improbable trio instrumental (piano, cuivre et batterie) et/ou d’un émouvant trio de chanteuses ukrainiennes. Comme des anges gardiens, ils expriment aussi la voix intérieure d’Halla. Cette voix du silence, de la contemplation qu’Halla contacte dans la nature. Plus avant encore, elle va à la fin du film rejoindre sa sœur dont sa quête de silence intérieur. Toute la fin du film montre, d’une manière que je ne saurais développer sans spoiler, qu’Halla, par l’accueil de la vulnérabilité (de l’autre et de la sienne), trouve un apaisement qui lui manquait. Fallait-il se lancer dans une telle aventure ? Le film ne conclut pas. Je pense qu’il valide même le combat d’Halla. Mais il montre qu’elle ne peut le gagner par ses propres forces. En demandant de l’aide à son cousin, en la recevant de sa sœur, en reconnaissant de fait sa faiblesse, Halla devient pleinement humaine. Et donc plus forte.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

 

Plaisir et sacrifice

3230364.jpg-r_1920_1080-f_jpg-q_x-xxyxxLA RÉVOLUTION SILENCIEUSE
Un film de Lars Kraume, 2018

Théo, un archétype de la base 7 en social*

Le très beau film de Lars Kraume, La Révolution silencieuse présente une histoire tirée d’un fait réel: en 1956, une classe de lycéens allemands d’une petite ville de RDA organise une minute de silence pour protester contre l’écrasement de l’insurrection hongroise par les soviétiques. Cela devient une affaire d’état. Saluons la présentation de l’horreur du communisme, faite avec la subtilité nécessaire pour rendre compte des inextricables conflits de loyauté qui ont laminé les populations au-delà du rideau de fer: famille, nation, idée de liberté bien sûr, croyance à un socialisme à visage humain aussi. C’est dire que le film est largement traversé par une thématique 6, autour de la fidélité et la trahison, mais met aussi en lumière l’opposition des préoccupations des sous-types de la survie et du social.

downloadIl est difficile de trouver beaucoup d’archétypes clairs dans ce film car d’une part la plupart des héros sont jeunes et leur motivation n’est pas très explicite, et d’autre part la terreur totalitaire infuse partout des réflexes de peur, de contrôle de sa parole et de discours préfabriqués qui contaminent les personnages. Pourtant, un des lycéens, qu’on peut considérer comme le héros du film, Theo, par sa fraîcheur et une décontraction surprenante, conjuguées à un paradoxal sens du devoir, pourrait offrir un superbe et lumineux portrait du 7 en social.

Car Theo est un joueur. C’est lui pousse son ami Kurt à des escapades à Berlin-Ouest, officiellement pour aller fleurir la tombe du grand-père de ce dernier, de fait pour aller au cinéma! C’est lui aussi qui, dans un bar, lance une noisette sur la tête d’un soldat russe, dans un geste aussi inconscient que provocateur. Il s’amuse et d’ailleurs travaille assez modérément, plus préoccupé d’embrasser la belle Lena que de préparer son bac. Lorsque la bande des lycéens apprennent par la radio de l’Ouest (RIAS) que les Hongrois ont été massacrés par les troupes soviétiques et que le footballeur hongrois Ferenc Puskas a été assassiné (ce qui s’avèrera une fake news), Kurt décide de faire une minute de silence. Theo embraye avec enthousiasme et fait voter la classe qui, à la majorité, décide de suivre cette initiative.

Ce qui nous intéresse ici est bien la manière dont Theo réagit aux divers événements qui transforment cette bravade en affaire d’État. En accord avec la base 7, Theo n’est pas très rigide avec les principes. Quand l’affaire se gâte, il a l’idée ingénieuse de dire à l’enquêtrice que cette minute a été célébrée pour Puskas et est apolitique. Alors que Kurt et Lena (plus 6, 1 ou 4?) veulent assumer la portée politique de leur acte, Theo montre sa capacité à passer à travers les mailles du filet… L’essentiel est de ne pas souffrir, quitte à transiger avec la vérité. Dans l’ordre privé, quand Lena choisira de le laisser tomber pour Kurt, plus en phase avec ses propres principes, il aura la réponse du 7 : ce n’est pas grave, j’en ai déjà trouvé une autre…

Mais la stratégie d’évitement va échouer. L’étau se referme sur les lycéens. Le père de Théo lui met la pression pour qu’il dénonce Kurt comme meneur. Il va même jusqu’à l’emmener travailler avec lui dans son usine de métallurgie où il est ouvrier afin de lui faire comprendre qu’il doit tout faire, même dénoncer son ami, pour ne pas être exclu de l’examen. Dans la fournaise insupportable, Theo lance à son père : c’est chouette ici! Le soir pourtant, il n’arrive plus à saisir sa fourchette tant cette journée d’enfer l’a laminé. L’essentiel en 7 est d’éviter la souffrance et si elle est là, il s’agit de la nier. L’accueillir sera le défi de Theo.

Face au défi ultime – avouer que Kurt (qui a déjà fui à l’Ouest) est le meneur, ce qui clôturerait une enquête qui finit par embarrasser le pouvoir, Theo est à sa première heure de vérité. Enjoliver la réalité pour éviter les ennuis, ou affirmer sa solidarité. C’est là que le sous-type social vient éclairer son geste. On sent dans une scène d’une immense intensité que Theo est en proie à une tension extrême: entre son 7 qui le pousse à penser à son intérêt, à chercher coûte que coûte une voie de sortie à ce guêpier; et son sous-type social qui pense au groupe, qui ne veut pas nier la formidable aventure collective que fut cette protestation lycéenne, et qui peut sacrifier son propre intérêt pour la cause de la liberté. Theo choisit la voie du sacrifice en gardant la version officielle du groupe : c’est une idée commune. Et j’étais pour. Il est inconcevable pour un 7 en social de vivre son plaisir et sa joie hors de la communion au cercle social.

La sanction est terrible : interdiction de passer son bac en RDA, comme pour toute la classe d’ailleurs, dont la solidarité jusqu’au-boutiste est un immense moment d’émotion pour les spectateurs en social.  Mais ensuite : que faire? lui demandent ses amis. Chacun fait comme il le décide, rétorque-t-il, le 7 volontiers individualiste reprenant le dessus. Rester et se mettre à bosser à l’usine ou fuir pour passer son bac à l’Ouest. Le 7 respecte la liberté de l’autre car il ne supporte pas qu’on limite la sienne. Ce sera pour chacun, et notamment pour Theo, le dernier choix. Theo décidera de quitter le confort et l’amour d’une famille aimante. Parce qu’en définitive, son sous-type social lui fera choisir la posture de l’aventure collective en dépit des incertitudes qu’elle comporte plutôt que celle de son confort personnel. Mais cela passera par une intense souffrance, celle du départ, de l’ultime au revoir à ses parents et à des frères, celle du choix et du renoncement, toujours difficile en 7.

Theo a découvert que la liberté chère au 7, et notamment au 7 en social (Theo est le vrai chef du groupe, même s’il conçoit son pouvoir de manière non autoritaire et collégiale), ne se conquiert que par le courage de s’exposer à la grande vulnérabilité du 7: la peur d’une souffrance dont il croit qu’elle peut le détruire. Grâce au sous-type social sacrifice, Theo verra que cette souffrance n’est pas le dernier mot. Dans le train de la liberté, il retrouvera ses amis et son visage s’éclairera de la lumière du vrai bonheur : celui d’être ensemble et libres. La joie du 7 en social est la communion à un idéal dont le défi est qu’il ne reste pas un plan mais devienne réalité.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

Augustin ou la base 7 en social

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SAINT AUGUSTIN
Un archétype* de base 7 en social

Nous sommes nombreux à penser que saint Augustin pourrait être un bel archétype de la base 7. On connaît sa vie: jeune homme brillant, il fréquente les rhéteurs et mène une vie dissolue, au désespoir de sa mère, sainte Monique. Et puis, après un détour par le manichéisme, ce fut la rencontre avec saint Ambroise et la conversion qui va le mener à l’épiscopat d’Hippone en Afrique du Nord, et à produire une des œuvres les plus magistrales de l’humanité: théologien, philosophe, prosateur, mystique… Augustin est au sommet de ce que l’humanité a produit de plus génial.

Je ne m’attarderai pas ici à dire en quoi Augustin pourrait être un archétype de 7, mais plutôt à voir en quoi il constitue un modèle d’évolution pour les 7 d’aujourd’hui. Ce n’est pas tant qu’il ait mené une vie dissolue. Elle le fut sans doute moins que ce qu’il en a dit: comme saint Paul, il manie bien la rhétorique et sait accentuer ses turpitudes pour mettre en valeur sa conversion (on a là un joli signe de son sous-type social que sa capacité à sacrifier son plaisir propre pour exercer sa charge d’évêque confirmera).

C’est plutôt cette quête insatiable de nouveauté, cette fuite de l’ennui, cette recherche permanente de nouveau, d’excitation intellectuelle, et cet évitement de la souffrance qui nous orientent vers le 7. Combien de fois a-t-il ouvert la Bible et l’a-t-il refermée car cela l’ennuyait? Tout cela, au service d’un centre mental préféré (et d’autant plus impressionnant que nous sommes en présence d’un génie) qui lui rend difficile l’accès à ses émotions. Jusqu’à ce que le cœur s’ouvre, enfin.

Ce qui est admirable dans le chemin d’Augustin, c’est que les mots de plaisir et de désir demeurent des notions clef du début à la fin. Mais Augustin est passé de l’excès de passion de la base 7, la gloutonnerie (intellectuelle au moins autant que charnelle) à la sobriété (vertu de la base 7); de la dispersion à l’unification. Non pas que le désir ait été éteint, que la passion du plaisir (qui constitue, comme toute passion neutre moralement, un moteur) ait été étouffée: Augustin ne sombre pas dans le défaut de passion du 7 qui serait l’austérité. Pour une personne de base 7, il est plus facile de s’abstenir de boire que de boire modérément. Or, son chemin n’est pas l’abstinence, mais la tempérance: en goûtant et partageant le plaisir plutôt que de l’engloutir. Jusqu’au bout, Augustin n’aimera rien tant que ces soirées d’été où l’on parle avec des amis autour d’un verre de vin que le soleil a rendu aromatique et généreux. Il le dira dans les Confessions (4.8) : « Causer et rire en commun, lire ensemble de bons livres, être ensemble plaisants et sérieux. » Mais son désir est purifié, réorienté vers le seul objet de désir qui puisse étancher sa soif : Dieu.

C’est ce que l’on trouve dans ce magnifique extrait tiré du Commentaire de l’Évangile de Jean, une conception renouvelée du plaisir: « Être attiré par le plaisir, qu’est-ce que c’est? Mets ta joie dans le Seigneur, il comblera les désirs de ton cœur. Il y a un certain plaisir du cœur, lorsqu’il trouve délicieux le pain céleste. Si le poète a pu dire : Chacun est attiré par son plaisir  — non pas la nécessité mais le plaisir, non pas l’obligation mais la délectation — à combien plus forte raison nous-mêmes devons-nous dire que l’homme est attiré vers le Christ : l’homme qui prend sa joie dans la vérité, sa joie dans la béatitude, sa joie dans la justice, sa joie dans la vie éternelle. Or, le Christ est tout cela. » Commentaire de l’Évangile de Jean

Tout cela est bien joli me direz-vous. Mais qu’est-ce qui fait que moi, pauvre 7 en 2020, je peux espérer atteindre cette liberté dans le plaisir, liberté que je recherche au plus profond de moi-même alors que je fais le mal que je ne voudrais pas et que je peux devenir esclave de mes plaisirs, jusqu’à l’idolâtrie? À mon sens, l’ennéagramme comme tel ne donne pas de réponse à la question: il donne juste une boussole qui permet à chacun de trouver son propre cap en fonction de ses finalités propres.

Celui que propose Augustin est le plus sûr, le plus passionnant, mais aussi le plus difficile pour une personne de base 7 connue pour son côté généraliste, son génie du zapping et, à son pire, pour sa superficialité: celui de la plongée en lui-même, celui de l’intériorité. Car à force de chercher, de chercher jusqu’à en pleurer de rage, un jour, son cœur s’est brisé et il s’est ouvert: c’est le bouleversant texte des Confessions au chapitre 27 :

« Tard je t’ai aimée, beauté si ancienne et si nouvelle, tard je t’ai aimée.
C’est que tu étais au-dedans de moi, et moi, j’étais en dehors de moi !
Et c’est là que je te cherchais ;
ma laideur se jetait sur tout ce que tu as fait de beau.
Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi.
Ce qui loin de toi me retenait, c’étaient ces choses qui ne seraient pas, si elles n’étaient pas en toi.
Tu m’as appelé, tu as crié, et tu es venu à bout de ma surdité ;
tu as étincelé, et ta splendeur a mis en fuite ma cécité ;
tu as répandu ton parfum, je l’ai respiré et je soupire après toi ;
je t’ai goûtée et j’ai faim et soif de toi ;
tu m’as touché, et je brûle du désir de ta paix. »

Au bout du chemin se trouve pour la personne de base l’objet de sa quête, ce pour quoi il est fait et son talent propre à mettre au service du monde : la joie. Mais cette joie ne repose plus sur le sable des plaisirs, souvent bons et légitimes, mais éphémères et qui portent dans leurs délices la promesse amère de leur inéluctable disparition. Cette joie repose sur le roc de Dieu, celui de sa parole, celui de son eucharistie, celui du cœur à cœur de l’oraison, celui du corps de l’Église. Alors cette joie peut être sans voile, parce qu’elle est aussi solide que la promesse de Dieu.

« Donc, mes frères, soyez joyeux dans le Seigneur, non selon le monde. C’est-à-dire : soyez joyeux dans la vérité, non dans l’iniquité ; soyez joyeux dans l’espérance de l’éternité, non dans l’éclat fragile de la vanité. C’est ainsi qu’il vous faut être joyeux: en tout lieu et en tout temps où vous serez ainsi, le Seigneur est proche, ne soyez inquiets de rien. » Sermon 171

Augustin, par son évolution, montre qu’au cœur de la personne de base 7, se trouve tapie une immense soif d’absolu (certains parlent d’une flèche cachée – mystique – entre le 7 et le 4) que la plupart du temps, il ne s’autorise pas à accueillir par peur de lâcher les plaisirs éphémères dont il a fait des remèdes illusoires contre la souffrance. Car au fond, il a peur de cette plongée en eaux profondes qui, inévitablement, va le faire traverser ces ténèbres qu’il fuit, parfois depuis la petite enfance. Mais c’est le chemin nécessaire, celui de la Samaritaine – autre archétype de base 7 évoquée par Monseigneur de Roo –  symbolisé par la profondeur du puits de Jacob, pour arriver à trouver au-dedans de lui Celui qui l’attend pour lui donner la joie qui ne passe pas.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son œuvre. 

 

 

 

Malick et la base 4 en survie

4ddce54a63c72-terrencemalicknegotiatingtostartshootinginm260x307jpegTERRENCE MALICK
Un archétype de base 4 en survie*
par François

Je ne connais pas personnellement Terrence Malick, mais son cinéma oui ! Depuis longtemps, pour moi, une hypothèse 4 en survie se dégage de ses films. La très belle analyse en images de Frédéric Bas pour Blow-up sur l’histoire du cinéaste (https://www.youtube.com/watch?v=wjLKG8tNtOw), me renforce dans cette hypothèse.

De tous les cinéastes majeurs de notre temps, Malick est peut-être le moins cérébral, le moins rationnel, celui qui défit toutes les logiques, mais aussi un de ceux qui procurent les émotions les plus fortes. Sans doute est-ce un de ceux dont l’œuvre est la plus symbolique, où chaque plan est gorgé de sens, où le montage, par ses ellipses ou ses fulgurants rapprochements, dit ce que la parole ne saurait exprimer et ce que le plan lui-même ne saurait épuiser. Les personnes de base 4 aiment le symbole, sans doute parce qu’il leur permet d’exprimer une profondeur d’émotion que le langage rationnel ne saurait atteindre sans la dégrader.

Autre caractéristique du cinéma de Malick : la beauté formelle. Celui qui ne réalisa que trois films en 25 ans, cinq en 38 ans avant d’accélérer le rythme en 2011, attache plus que tout autre une importance essentielle à la beauté de chaque plan, à celle de la photo, sans parler du rythme du montage et de la musique. Tordons le cou définitivement à une idée reçue : tous les artistes ne sont pas 4 ! Il y a tant de 5 ou de 6 notamment qui sont de formidables écrivains, musiciens ou cinéastes ! Mais, en 4, le sens du beau et de son harmonie ont une place vitale parce qu’il s’agit de sublimer une réalité qui serait autrement invivable. Là où le 5 ira l’expliquer – y compris par l’art, et le 6 la provoquer. Ce sens de la beauté n’a évidemment rien à voir avec la joliesse ou toute sorte de mièvrerie esthétique (même si, pour des raisons éducatives et culturelles, un 4 peut aussi y succomber). Au contraire, il s’agit le plus souvent d’un rapport radical à la beauté du monde, par exemple, ainsi que le montre l’auteur de cette belle analyse, dans l’emploi d’un raccord radical qui fait naître d’un choc extrême, une beauté insoupçonnée, comme dans Tree of life (il y a ici quelque chose qui se passe entre le 4 et le 5, et qu’on retrouve chez Kubrick, vraisemblable représentant de la base 5).

On retrouve chez Malick un rapport très particulier à l’histoire. Non pas d’interrogation entre admiration et soupçon, fidélité et rupture comme en 6, mais dans ce que l’auteur de cette analyse appelle un « rapport mélodique à l’histoire » où « le passé est une matière sensible ». Il y a chez Malick une problématique du temps retrouvé (comme chez Proust), une notion du paradis perdu, une quête d’un retour aux origines qui est consubstantiel à la base 4. Il s’agit de retrouver un idéal impossible à atteindre, dont la quête est le seul moteur qui permet d’avancer, mais dont la certitude de ne jamais l’atteindre crée un manque, une envie. C’est le soldat qui regarde les autochtones dans leur vie simple et joyeuse avec envie au début de La Ligne rouge. Chez Malick, le paradis est la condition première de l’homme, mais il en est expulsé : d’où ce manque existentiel qui n’est ni la peur du 6, ni le vide du 5, mais un manque à la fois destructeur et constructeur, essentiel à la création artistique et pourtant douloureux et tragique. Face à ce manque, il n’y a plus comme possibilité que la catastrophe : la violence, la révolte des éléments, la guerre, le crime, et quand la catastrophe a eu lieu, il reste la mélancolie, basse continue et fixation du centre mental des personnes de base 4.

Les films de Malick nous donnent aussi à voir une problématique en survie. La nature est omniprésente chez lui. Le fleuve est un lieu source dont tout découle ; la forêt est pleine de mystères, menace ou refuge ; l’arbre, qu’il soit planté par le père en symbole de vie, ou qu’il se projette vers le ciel en contre-plongée, est le symbole de la respiration du monde entre le créateur et sa créature. Il semblerait bien que nous soyons ici en sous-type survie, au cœur d’une problématique 4. Les GI’s dans La Ligne rouge font une vraie rencontre avec la jungle. Partout, chez Malick, l’amour prend ses racines dans la nature bienveillante où les corps peuvent être libres dans la nature jusqu’à ce que la civilisation y mette fin.

Le sous-type survie donne au 4 un ancrage et un sens du concret que l’on ne retrouve pas dans les deux autres sous-types. Le mot que l’ennéagramme lui rattache est celui d’intrépidité. Il suffit de connaître un peu l’histoire de Malick pour y rattacher cette manière de filmer des heures de pellicules sans savoir ce qui restera dans le film, de tout réinventer au montage, de recruter des stars qui auront la mauvaise surprise de se retrouver trois petites minutes dans le film abouti… Le sous-type survie donne aussi au 4 émotionnel une qualité corporelle, une incarnation assez rare. Parfois, les images de Malick, sans paroles, donnent à voir le pur langage du corps, mais immédiatement, par le plan, la photo, la musique, le montage, sublimé en émotions.

Qui est l’homme Terrence Malick si discret et caché qu’une aile 5 en cas d’hypothèse 4 serait assez probable ? On ne saurait évidemment le conjecturer. Mais son cinéma mérite d’être archétypal de ce que les 4 en survie apportent au monde, dans un registre émotionnel d’une profondeur qui leur est propre, conjugué à un ancrage très survie dans la nature et dans les corps: une alchimie douce-amère, explosive et unique, qui fait tout son génie et tout son charme…

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

Saint Louis et la base 1

saint-louisSAINT LOUIS
Un archétype* de base 1

Il est le modèle du monarque saint et droit et l’image d’Epinal nous le montre rendant la justice sous un chêne à Vincennes. Saint Louis, roi à la morale rigoureuse, sobre jusqu’à l’austérité, appelle assez naturellement l’hypothèse de cette base 1 de l’ennéagramme qui, ne l’oublions pas, forme avec la base 4 et la base 7 la triade des idéalistes.

Rien n’est jamais trop bien fait ni trop élevé pour une personne de base 1 qui poursuit un idéal de perfection, comme celles de bases 4 recherchent l’absolu et celles de base 7 le plaisir: de manière insatiable et, du coup, toujours insatisfaite. Un exemple: sa volonté de rendre à l’Angleterre certaines terres qu’il aurait pu garder suite à ses victoires guerrières. Par son attitude, saint Louis se veut toujours exemplaire.

Il dérange dans l’univers de la cour. Il mange sobrement, ne boit presque pas, s’habille de manière simple et s’il n’y avait un rang royal à tenir pour l’honneur de la couronne, il vivrait pauvrement à la manière franciscaine. Il y a là une ascèse familière à la base 1, un respect aussi des règles de l’Eglise : il jeûne, peut assister à trois messes par jour, récite la liturgie des heures avec les moines. Parfois, cela peut l’amener jusqu’au scrupule: quand il visite un monastère, il demande à genoux aux moines de prier pour le salut de son âme. Comme s’il n’en faisait jamais assez.

Et pourtant, il ne se contente pas d’être un parfait chrétien: il gouverne et il réforme. Notamment les mœurs de son temps. Il interdit que ses représentants s’enrichissent dans l’exercice de leur mission. Il y a chez lui une intransigeance qui va jusqu’à l’excès. Il est terrible avec les blasphémateurs qu’il punit avec une sévérité extrême. On lui doit aussi le tristement célèbre port de la rouelle par les Juifs: d’ailleurs, en cela il n’innove pas mais il suit les consignes du concile de Latran. En base 1, on applique les règles à la lettre, et souvent de manière maximaliste.

Cette hypothèse de la base 1 ferait de saint Louis un représentant de la triade instinctive, avec la base 8 et la base 9: le corps est premier. Ce qui ne signifie pas qu’il fût dépourvu de cœur et de raison, loin s’en faut, mais c’est par le corps d’abord et à travers des gestes concrets qu’il entend agir sur le monde. Il lave les pieds des pauvres à genoux, à l’exemple du Christ. Il aime s’asseoir à même le sol pour écouter une méditation et vénère les reliques. Il porte un morceau de silice en carême, bien que, sur ordre de son confesseur auquel il obéit, il se limite car ce n’est pas l’usage pour un roi. L’action est première chez lui. Pour preuve les Croisades: il y passe la moitié de son règne, ce qui pour un roi est peu sensé (il est vrai cependant qu’il trouve en sa mère Blanche de Castille une régente parfaitement fiable). Saint Louis agit et il agit de la manière la plus parfaite qui soit.

C’est de cette intelligence corporelle que pourraient venir son apparence souvent paisible et cette puissance tranquille. Pourtant, tapie au cœur de la base 1, le secret de l’énergie est bien la même colère qu’en base 8. Regardons comme il sait s’opposer aux tentatives d’ingérence de la papauté dans ses affaires temporelles: il s’y oppose avec force. La grande différence avec la base 8, c’est que chez saint Louis cette colère est rentrée, elle ne s’exprime que très rarement car se mettre en colère ne se fait pas… d’où une indignation permanente qui lui fait vomir blasphémateurs, voleurs et surtout ceux qui oppriment les faibles. La plupart du temps, rien n’apparaît et il pourrait manquer de spontanéité car il a une totale maîtrise de lui, qui fera d’ailleurs dire à son compagnon Joinville qu’il ne sait pas témoigner assez d’affection à sa femme.

Homme de devoir, amoureux de la simplicité et de la tâche quotidienne, sobre et humble, le cœur de la quête de Saint Louis est de participer – à sa mesure – à l’amélioration du monde, au risque de l’intransigeance et jusqu’à y laisser sa vie. Chaque personne de base 1 peut trouver en lui un modèle et un frère, avec les mêmes combats et les mêmes talents, dans leur ordre: c’est en cela que les archétypes peuvent être une lumière et un soutien. L’Eglise demande à tendre à toutes les vertus mais à ne pas imiter les saints. Serait-ce aussi qu’à prendre pour modèle un saint ou une sainte qui n’aurait pas les mêmes ressorts que nous, nous prendrions le risque du découragement?

Vous pouvez retrouver le portrait développé de Saint Louis et d’autres figures archétypales dans Les grandes figures catholiques de la France de François Huguenin, chez Perrin, 2016.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre.