Carême

CARÊME
avec l’ennégramme
et saint Augustin

Tiré des Confessions (II, VI, 13-14), un texte nous rappelle de manière assez saisissante, les axes de travail de chaque base de l’ennéagramme en creux et en plein.

En creux car, selon la pensée d’Aristote, l’homme a une appétence particulière pour le bien qui est limitée; et le risque est de considérer cette part du bien pour laquelle il est fait comme le seul bien et le bien tout entier.

En plein car il est fait à l’image de Dieu et que sa vie pourrait être vue comme la recherche de cette image perdue, comme le développe magnifiquement le père Barthélémy dans son ouvrage Dieu et son image (Editions du Cerf).

C’est donc un véritable chemin pascal qui s’offre à nous: mourir à nous faire Dieu, pour ressusciter et devenir au dernier jour « semblables à Lui car nous le verrons tel qu’il est. » selon l’incroyable parole de saint Jean (1 Jean, 3.2).

« Car l’orgueil lui-même singe l’élévation, alors que toi seul tu es Dieu, élevé au-dessus de tout.

Et l’ambition! Que cherche-t-elle, sinon les honneurs et la gloire, alors que toi seul avant tous, tu es digne d’honneur et de gloire à jamais?

Et la cruauté des puissants! Elle vise à inspirer la crainte; or qui est  à craindre sinon Dieu seul? Et s’il s’agit d’échapper ou de se soustraire à son pouvoir, quel être le peut?

Et les caresses des voluptueux? Elles veulent se faire aimer; mais rien n’est plus caressant que ta charité, rien n’est aimé plus salutairement que celle qui par-dessus tout est belle et lumineuse, ta vérité.

Et la curiosité ! Elle cherche à prendre les apparences de la passion de savoir; mais c’est toi qui possèdes sur toute chose une connaissance souveraine. L’ignorance elle-même à son tour et la sottise se couvrent des noms de simplicité et d’innocence, parce qu’on ne trouve rien de plus simple que toi. Mais quoi de plus innocent que toi, puisque e sont leurs propres œuvres qui sont pour les méchants des ennemis!

Et la paresse ! Elle se présente comme un désir de repos. Mais quel repos assuré en dehors du Seigneur!

Le luxe veut prendre le nom d’abondance qui rassasie. Or, c’est toi la plénitude et l’inépuisable trésor d’une suavité qui ne peut se corrompre. La prodigalité se déploie sous l’ombre de libéralité; mais celui qui dispense tous les biens en larges profusions, c’est toi.

L’avarice veut posséder beaucoup; et toi, tu possèdes tout.

L’envie dispute l’excellence; qui a-t-il au-dessus de ton excellence?

La colère cherche la vengeance; qui donc tire vengeance avec plus de justice que toi?

La crainte se hérisse devant les dangers insolites et soudains, qui se dressent contre les choses aimées, pendant qu’elle veille sur leur sécurité; eh bien! pour toi quoi d’insolite? quoi de soudain? Ou qui vient écarter de toi ce que tu aimes? Et où se trouve sinon près de toi, la ferme sécurité?

La tristesse consume de la perte des biens qui faisaient la joie de la cupidité, parce qu’elle voudrait que rien ne lui fût enlevé à elle, comme à toi rien ne peut l’être.

Ainsi l’âme fornique, quand elle se détourne de toi et recherche, hors de toi. Ils t’imitent, mais de travers, tous ceux qui s’éloignent de toi et se dressent  contre toi. Pourtant, même en t’imitant ainsi, ils te désignent comme le créateur de tout être, marquant par là qu’il n’y a point de lieu où l’on puisse se retirer, pour être de toute façons loin de toi. »

Nous retrouvons les excès de passion de chacune des bases de l’ennéagramme: cruauté de la base 1, orgueil de la base 2, ambition de la base 3, envie et tristesse de la base 4, avarice et curiosité de la base 5, crainte de la base 6, recherche de la volupté et du luxe de la base 7, colère de la base 8 et paresse de la base 9. A chacune de ses maladies de l’âme, un seul remède selon saint Augustin: porter son regard au-dedans, vers l’hôte intérieur.

Les Confessions racontent cette conversion: identifier ses failles, mais en renonçant au manichéisme. Il n’y a pas d’un côté l’esprit qui est bon et le corps qui est mauvais, c’est l’ensemble de la personne quoi doit être unifié en se tournant vers Dieu. C’est au terme d’un processus de vérité sur ses tentations propres qu’Augustin peut accueillir Dieu qui va purifier ses désirs – propres – en les orientant vers Lui. Et c’est pour nous dans cet espace de discernement que peut intervenir, à sa petite place, l’ennéagramme; comme le  développe l’article: Augustin ou la base 7 en social.

« Aussi, en toute hâte, je revins à l’endroit où Alypius était assis; oui, c’était là que j’avais posé le livre de l’Apôtre tout à l’heure, en me levant. Je le saisis, l’ouvris et lus en silence le premier chapitre où se jetèrent mes yeux: Non, pas de ripailles et de soûleries, non, pas de coucheries et d’impudicités; non, pas de disputes et de jalousies; mais revêtez-vous du Seigneur Jésus-Christ, et ne vous faites pas les pourvoyeurs de la chair dans les convoitises. Je ne voulus pas en lire plus, ce n’était pas nécessaire. A l’instant même, en effet, avec les derniers mots de cette pensée, ce fut comme une lumière de sécurité déversée dans mon cœur, et toutes les ténèbres de l’hésitation se dissipèrent. » Confessions, 8, 12

 

 

 

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