Métaphore de la base 1

Paris - mai 2014

LA NEIGE

par Géraud, de base 1

C’est l’hiver. Le ciel et la terre sont sales. Tout m’apparaît en désordre : ces feuilles éparses, ces branches nues et tordues, ce vent qui siffle, ces fumées de cheminée qui s’agitent comme des folles… Moi, la neige, je dois corriger ces teintes tristes, répandre le silence, geler les mouvements : je serai intraitable, je tomberai dru jusqu’à ce que tout soit recouvert de mon épais manteau blanc !

Je lâche donc avec une régularité de métronome mes flocons silencieux en bataillons disciplinés, toujours plus nombreux et lourds, afin de tout remettre en ordre, atténuer les caprices des courbes du terrain et ensevelir toute saillie un peu trop orgueilleuse. Je veux que tout soit parfait : toute trace sur l’immaculée surface est rapidement recouverte, avec une sorte de mépris têtu qui exaspère. Je suis si tenace que bientôt, plus rien ne bouge, c’est le grand silence blanc de la neige. Gare à celui qui viendrait troubler l’ordre ainsi établi : il m’irrite tant que je suis capable de le recouvrir d’une avalanche furieuse !house-covered-with-snow-in-the-mountains-in-the-forest_1600x900

Lorsque je laisse éclater ma colère trop longtemps maîtrisée dans une tempête cinglante et inattendue, le vent me saisit et m’emmène là où je ne veux pas aller : alors, quand tout retombe, c’est le chaos, tout est à recommencer. Au contraire, lorsque je me laisse conduire par le vent serein, quelle élégance dans les courbes et les ondes blanches que je dépose ! Mais cette tension de toutes mes ressources pour maintenir cette virginité recréée m’a épuisée. Et je ne suis pas satisfaite : cette perfection manque de vie…

Alors, je frappe doucement au carreau des chaumières, d’où émane la chaleur du foyer : là, je suscite le plaisir d’être ensemble, autour de l’âtre rougeoyant et d’un bon repas. On se rencontre, on se confie et on s’entraide. Il faut dire qu’ils ont le temps : sous la neige toute vie est ralentie. J’invite à la contemplation, à l’harmonie et aux discussions feutrées et douces.

Généralement, j’ai plutôt peur du soleil : il détruit mon travail et surtout, il met la pleine lumière sur les imperfections qui subsistent. Mais je vois aussi que lorsqu’il paraît, je suis toute étincelante et pare les collines d’une belle robe d’argent. Les joues sont roses, on a envie de courir les sommets, d’emplir ses poumons d’air frais et de se rouler sur mon matelas moelleux ! Je fonds d’émotion… Et si je me laisse surprendre par la légère chaleur du printemps, je m’étourdis à force d’humer les effluves de la terre, d’admirer les couleurs de la vie et d’écouter le bourdonnement des abeilles…

Au fait, l’abeille ferait aussi une belle métaphore de la base 1, non ?

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