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Réponse à Anne Lécu

REPONSE A ANNE LECU
par Pascal Ide
18 avril 2023

L’ennéagramme: ni catholique, ni diabolique. Simplement, un bon outil de connaissance et de transformation de soi

Jeudi dernier est sorti un ouvrage d’Anne Lécu sur l’ennéagramme qui ne se contente pas de critiquer
les emplois abusifs de cet outil de connaissance et de transformation de soi, mais l’outil lui-même
, ultimement considéré comme totalitaire, manipulateur et pervers1. Je souhaiterais brièvement revenir sur ces objections.

1) Des critères de discernement

Tout d’abord, le livre – et c’est là son intérêt – permet de rappeler qu’il y a des abus, des mésusages de l’instrument psychologique qu’est l’ennéagramme. Comme d’ailleurs, pour toute démarche psychologique et spirituelle. C’est ainsi l’occasion de rappeler les règles déontologiques que tout praticien devrait suivre et que tous ceux que je connais, chrétiens ou non, appliquent.

a) Ne jamais typer l’autre. D’abord, parce que l’autre est infiniment plus grand que toute typologie, caractérologie, etc. Ensuite, parce que nous n’avons pas accès à l’intériorité, l’intention de l’autre.

b) Découpler la méthode et son usage. Que plus de 3 000 personnes aient perdu la vie sur les routes de France métropolitaine en 2022 ne signifie pas que la voiture soit mauvaise. Que certains utilisent l’ennéagramme (comme d’ailleurs d’autres typologies) pour manipuler l’autre parle non pas de l’outil, mais de son utilisateur.

c) Découpler la méthode et son interprétation. Par exemple ésotérique. Il en est de même pour l’hypnose ou pour la méditation pleine conscience. C’est un de mes soucis que de laïciser ou séculariser certains outils. C’est ce qu’ont fait les Pères de l’Église ou les docteurs médiévaux par exemple avec les vertus ou les concepts métaphysiques: étant neutres, ils ont pu les intégrer à leur construction théologique.

d) Enrichir l’ennéagramme, comme n’importe quelle méthode. En la complétant avec d’autres approches: d’ordre psychologique (des typologies comme la caractérologie de Le Senne, etc.); une anthropologie humaine (qui rappelle l’importance de la liberté, de l’intelligence, etc.); une anthropologie chrétienne (fondée sur l’image de Dieu).

2) D’anciennes critiques et leurs réponses

Mais, nous l’avons dit, pour la dominicaine, il n’y va pas que d’abus, mais de l’outil qui, pour elle, est intrinsèquement mauvais. Beaucoup d’objections sont déjà bien connues et certains y ont déjà répondu en détail2. Je rappelle pour mémoire ces critiques et résume quelques éléments de réponse:

a) L’ennéagramme confondrait-il le psychologique et le spirituel ?
Bien sûr, certains confondent les deux plans. C’est ainsi que la première page du livre que frère Éphraïm consacre à l’ennéagramme, on lit : « Là où est ta blessure, là est ta rédemption ». Mais j’ai toujours défendu la distinction des plans. Par exemple, la psychothérapie vise la guérison et la Révélation la conversion (le salut). En revanche, ce qui est distinct par nature (le plan psychologique et le plan spirituel) peut être uni dans la vie. Par exemple, si une psychothérapie me montre que j’ai une tendance victimaire à me lamenter, je vais le reprendre dans ma vie spirituelle pour me convertir et rentrer dans la bénédiction.

b) L’ennéagramme serait-il condamné par le Magistère de l’Église?
Vivant encore à Rome en 2003, j’ai demandé au secrétaire du Conseil pontifical pour la culture si l’intention du document sur le New Age, Jésus-Christ le porteur d’eau vive, était de condamner l’ennéagramme. Il m’a répondu que celui-ci n’est nullement condamné comme méthode, il ne l’est que s’il est présenté comme un moyen de salut. Mais reprenons le texte, car c’est une question d’exégèse. Il affirme que l’ennéagramme peut être utilisé soit comme « instrument pour l’analyse du caractère« , soit comme « instrument de croissance spirituelle« . Or, seul le second usage est condamné, car il « introduit une ambiguïté dans la doctrine et la pratique de la foi chrétienne« . Je signe à deux mains! Si j’utilise cet instrument en me disant qu’il me parle de ma vie chrétienne, cela ne va pas. En revanche, il n’est en rien illégitime de l’employer comme outil de connaissance de soi et de développement personnel, ainsi que l’a dit le point précédent.

c) L’ennéagramme serait-il intrinsèquement ésotérique?
Tout d’abord, il est loin d’être montré que l’ennéagramme remonte à Gurdjieff et à l’ésotérisme. On ne trouve pas dans ses écrits un intérêt pour la dimension psychologique de l’ennéagramme, mais bien davantage une vision totale et plutôt gnostique. Par ailleurs, ce serait contradictoire. Une pensée de type ésotérique s’inscrit, par définition, dans une tradition. Gurdjieff aurait donc reçu cette classification d’avant. De plus, tout montre que l’ennéagramme vient de l’observation de la réalité humaine. Ainsi, Helen Palmer avait constaté via des études empiriques sur 45 000 cas qu’il y avait neuf manières d’être attentifs au réel, avant de découvrir l’ennéagramme. Enfin, il faut bien distinguer l’outil et son milieu de naissance. Le livre d’Anne Lécu reproduit, sur un autre sujet, un débat qui a eu lieu il y a un siècle lorsque l’on se demandait si la psychanalyse était catho-compatible, Freud étant matérialiste, scientiste, athée. Dans ce domaine, Roland Dalbiez, professeur de philosophie et maître de Ricœur, écrit en 1936 La méthode psychanalytique et la doctrine freudienne, appelant à distinguer l’outil (« la méthode psychanalytique« ) et la philosophie (« la doctrine freudienne« ). L’outil est passionnant. Quant à l’interprétation, elle n’est pas recevable. Un siècle plus tard, l’enjeu n’est plus l’athéisme, mais le panthéisme et la gnose: la tentation actuelle est d’imaginer que Dieu est partout présent, voire que je suis Dieu. Effectivement, certains interprètent l’ennéagramme de façon ésotérique, mais, répétons-le, il est possible de découpler l’outil et son interprétation, comme, par exemple, Christophe André l’a fait pour la méditation pleine conscience.

3) De nouvelles critiques et leurs réponses

D’autres objections, en revanche, sont nouvelles et méritent aussi que l’on s’y arrête.

a) L’ennéagramme serait-il un outil non scientifique?
Sœur Anne Lécu affirme que la méthode n’est pas validée scientifiquement. Il est vrai que nombre de formateurs qui utilisent des questionnaires sur le marché du développement personnel, ne s’encombrent pas de scientificité. Pourtant, deux psychologues cliniciens ont mis au point un questionnaire ennéagramme qui a été validé selon les normes psychométriques internationales: le HPEI (Halin Prémont Enneagram Indicator). Il a fait l’objet d’une publication qui engage la responsabilité académique de l’université de Louvain3 . Le but de la validation est d’établir qu’un questionnaire mesure bien ce qu’il prétend mesurer. Or, dans le cas du HPEI, les analyses statistiques démontrent qu’il existe bien neuf facteurs indépendants qui correspondent aux 9 types décrits par le modèle de l’ennéagramme et cela dans 15 langues différentes4 .  Les méthodes statistiques ayant évolué depuis 2012, un nouveau questionnaire5  a été élaboré. Il a été validé en 2022 via des analyses, dites exploratoires et confirmatoires, qui sont les plus pointues actuellement dans le domaine de la psychométrie. J’ajoute que, pour nombre de typologies ou d’outils psychologiques comme la psychanalyse – tel le transfert qu’Anne Lécu mobilise –, nous n’avons aucune étude scientifique, et pourtant, nous les utilisons sans crainte.

b) L’ennéagramme serait-il un outil totalitaire?

Une vision totalisante exclut les autres. Or, je l’ai rappelé ci-dessus: il est périlleux d’être mono-outil. De plus, c’est oublier que, depuis longtemps, les chrétiens qui pratiquent l’ennéagramme pratiquent aussi le dialogue. Ainsi, aux Rencontres Chrétiennes de l’Ennéagramme qui rassemblèrent plus de 1 000 personnes en 2013, et que ne mentionne même pas le livre d’Anne Lécu, des détracteurs de l’outil comme Bertran Chaudet furent invités, et pourtant ne sont pas venus. Une vision totalisante mesure les autres à la sienne. Le livre prétend que, parce que je compare l’ennéagramme avec les péchés capitaux ou les transcendantaux, je construis un système totalisant mesurant tout à l’ennéagramme. En réalité, sœur Anne Lécu confond expliquer et réduire. Je ne cherche pas à appliquer, mais à expliquer. Je pars d’une donnée de fait et je cherche à rendre compte de sa cohérence. Par exemple, saint Thomas part du fait traditionnel que sont les sept sacrements. Pour éclairer ce fait, il part des sept grands actes vitaux, comme les trois opérations physiologiques distinguées par Aristote. Et il montre ainsi que les sept sacrements correspondent à ces actes vitaux. Est-ce à dire qu’il mesure la Révélation chrétienne à Aristote? Bien sûr que non! De même, je ne réduis pas les péchés capitaux à l’ennéagramme! Une vision totalisante fait de sa vision une clé universelle. Or, tel n’est pas le cas de l’ennéagramme. Il arrive que, en faisant un stage ou en lisant un livre, une personne n’adhère pas à l’outil, qu’il ne lui parle pas. Peu importe! Une autre typologie pourra lui parler. Ou non!

c) L’ennéagramme serait-il un outil manipulateur ?
Ici, l’argument principal avancé par sœur Anne Lécu réside dans le rapprochement entre les abus aujourd’hui dans l’Église, certains fondateurs de communautés nouvelles comme Éphraïm et Jean Vanier et l’ennéagramme. Ce rapprochement est une invention. D’abord, il est très significatif que, suite au rapport de la Ciase, il n’y a pas eu de dépôts de plaintes de la part de particuliers ou de collectifs abusés par un praticien de l’ennéagramme. D’ailleurs, le livre, qui est très théorique, ne rapporte aucun témoignage de personnes maltraitées par cet outil. Ensuite, imaginons que – et je répète que ce n’est pas le cas – l’ennéagramme ait été mis en cause. Il conviendrait alors de rappeler la distinction entre un outil et son abus. Allons au plus scandaleux: les trois grands abus, sexuels, de pouvoir et spirituels (de l’accompagnement spirituel ou des sacrements, en particulier la confession). Or, qui ira dire que ces abus disqualifient la sexualité, l’autorité, et, dans l’Église, l’accompagnement spirituel ou la confession? Par ailleurs, il y va d’un amalgame redoutable qui ressemble fort à une reductio ad Hitlerum: Vous
aimez les chiens; Hitler aimait les chiens ; comme c’est bizarre! 
Ici, on procède au même rapprochement: Éphraïm et Jean Vanier utilisaient l’ennéagramme; or, Éphraïm et Jean Vanier sont des abuseurs et des manipulateurs; donc…  Enfin, je ne peux pas m’empêcher de penser que, derrière la légitime recherche des responsabilités ayant conduit aux abus, l’on est en train de chercher des bouc-émissaires et que l’ennéagramme et ses utilisateurs servent de tête de turc.

d) L’ennéagramme serait-il un outil narcissique ?
Pour Anne Lécu, l’ennéagramme, à l’instar des outils de développement personnel, centrerait sur soi alors que le Christ invite à nous décentrer de nous. Là encore, la bonne attitude est un juste milieu. Si notre époque est très tentée par l’égocentrisme
(tous les paramètres du narcissisme sont en hausse depuis trois quart de siècles, montre Christopher Lasch), ne nous cachons pas que de nombreuses personnes, notamment dans le monde catholique, sont aussi tentées par l’inverse: l’ignorance de soi, voire le mépris de soi. Jusqu’à s’épuiser et faire un burn-out. Comment tenir le juste équilibre? En rappelant que la connaissance de soi et l’estime de soi sont un moyen dont le but est de se donner à l’autre et à Dieu. Citant l’Ancien Testament, le Christ ne dit-il pas : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même« ?

4) Conclusion
Il reste à expliquer ce fait massif que l’immense majorité des chrétiens qui ont découvert cet outil – un outil parmi d’autres – ont progressé sur le plan humain et spirituel. Dire qu’ils sont soit manipulateurs soit manipulés, comme induit à le penser le livre d’Anne Lécu, n’est-ce pas adopter la posture surplombante et méprisante qu’elle reproche à ceux qui pratiquent l’ennéagramme? Pour l’ennéagramme, comme pour d’autres approches humaines que j’ai étudiées – par exemple, la méditation pleine conscience, l’hypnose, l’EMDR, un certain nombre de médecines parallèles et alternatives –, il y a trois attitudes possibles:

a) L’absolutisation
On ne peut nier que certains absolutisent l’outil: ils voient tout à travers les lunettes des neuf types; ils jugent l’autre à partir de cette seule grille; ils vont jusqu’à dire que certains types sont incompatibles, ce qui expliquerait les conflits et même autoriserait les séparations au sein des couples; etc. Telle est la posture que, avec Anne Lécu, je condamne fermement.

b) La diabolisation
Face à ces dérives, certains affirment que c’est l’outil qui est en lui-même pervers et donc le diabolisent. Telle est la position d’Anne Lécu que je refuse tout aussi fermement.

c) Le discernement
Ainsi qu’on le sait, discerner est le mot clé du pontificat du pape François. Et c’est lui que j’applique à l’ennéagramme, comme à bien d’autres approches. Afin de dialoguer « aux périphéries ». Discerner: entre le bon usage et le mésusage; entre l’outil et son interprétation ésotérique; etc. Faire appel non point à la passion (absolutisation) ou à la peur (diabolisation), mais à la raison éclairée par la foi.

Je finirai par une double recommandation. La première est de Saint Thomas d’Aquin: « Ne regarde pas à qui tu parles, mais tout ce qui se dit de bon, confie-le à ta mémoire6« . La seconde, de saint Ignace de Loyola, est si importante qu’elle est citée par le Catéchisme de l’Église catholique: « Tout bon chrétien doit être plus prompt à sauver la proposition du prochain qu’à la condamner7« . Ni catholique (puisqu’il est simplement humain), ni diabolique (puisque seul l’abus peut l’être), l’ennéagramme est seulement un bon outil, parmi d’autres, de connaissance et de transformation de soi.

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1 Anne LÉCU, L’ennéagramme n’est ni catho ni casher, Paris, Le Cerf, 2023. Sur le côté totalitaire, cf. p. 37, 67, 86, 155, 183 ; sur la manipulation, cf. p. 36, 78, 84, 132, 151, 152, 156, 161, 174, 186, 180, 182 ; sur la perversion, cf. p. 6, 76, 184 (la coda du livre).

2 Par exemple, l’IEDH (Institut Européen de Développement Humain), fondé par Jean-Paul Mordefroid, membre de la communauté de l’Emmanuel, consultant et formateur, employant l’ennéagramme avec d’autre outils, propose une grille de dix critères que l’on trouve sur leur site : http://www.iedh.fr/enn-artjpm/ Je me permets aussi de renvoyer à Pascal IDE, Les neuf portes de l’âme. Ennéagramme et péchés capitaux: un chemin psychospirituel, Paris, Fayard, 1999, Annexes 3 et 4, p. 411-430 ; Ennéagramme. Notes pour une évaluation, Journée d’étude du bureau national « Pastorale, nouvelles croyances et dérives sectaires » avec les délégués relais pour les provinces ecclésiastiques, 1er février 2010, Conférence des Evêques de France. Le texte se trouve sur le site pascalide.fr ; le débat Anne LÉCU-Pascal IDE, La Vie, avril 2023, p.6 16 conseils pour acquérir le trésor de la Science.

3 Cf. Nathalie DELOBBE, Philippe HALIN et Jacques PRÉMONT, HPEI Ennéagramme évolutif. Manuel du Halin Prémont Enneagram Indicator pour le psychologue et le praticien certifié, Louvain, Presses Universitaires de Louvain, 2012. Je remercie Jacques Prémont des précisions contenues dans ce paragraphe.

4 D’autres indicateurs très techniques doivent être pris en compte pour qu’un questionnaire soit considéré comme valide: validité de construction, consistance interne, validité convergente/discriminante, fidélité, validité prédictive. Or, l’ennéagramme répond à ces divers critères.

5 Il s’agit de la version iota du HPEI.

6 16 conseils pour acquérir le trésor de la Science.

7 S. Ignace de LOYOLA, Exercices spirituels, n° 22. Cf. Catéchisme de l’Église catholique, n° 2478.

Abba, le retour

ABBA, LE RETOUR
par François

 

 

A l’occasion de la sortie du nouvel album d’Abba, Voyage, quarante ans après le précédent, retour sur une success-story pop plus complexe en réalité qu’au premier abord.

Il est délicat de se lancer dans des hypothèses quant aux types et sous-types des quatre membres d’Abba de leur vivant. Je prends donc le parti de laisser à chacun son mystère et de me risquer à une hypothèse de groupe, comme on peut le faire d’un pays ou d’une communauté par ce qui se dégage de leur histoire et de leur musique; par analogie. Ici, clairement, c’est l’hypothèse 3 en survie qui m’apparaît.

Tentative d’explication.

Abba c’est d’abord un pays, la Suède. Notre base de l’ennéagramme est influencée par l’environnement dans lequel elle s’est développée (cf pour nos stagiaires les trois cercles horizontaux de la personnalité): ne pas oublier que la culture suédoise est gentille, lisse, très social-démocrate, bref sans aspérités (avec d’heureuses exceptions comme le cinéma de Bergman). Et que la base 3 s’adapte à son environnement.

Abba c’est ensuite un premier duo: Björn Ulvaeus et Benny Andersson qui composent ensemble une poignée de chefs d’œuvre à la fin des 60’s et qui s’enferment des semaines en studio vivant une intimité musicale rare.

Et puis Abba, ce sont deux couples: Björn épouse Agnetha (la blonde) et Benny Frida (la brune). Deux couples avec enfants, qui vivent une vie bien rangée à la maison et en studio. Pas de drogue, pas d’alcool, du sexe mais seulement en couples, mariés. Tout cela tranche avec la permissivité sans limite des 70’s. Un ensemble qui fait assez penser au sous-type survie.

Abba c’est surtout une machine à tubes, une entreprise incroyable. Avec leur manager Stig Andersson qui est un copain et participe parfois à la composition des arrangements, le groupe enchaîne les succès. Mais Abba c’est aussi une machine à fric qui révulse à l’époque le monde du rock. Prises de participation dans des entreprises pétrolières, construction d’un petit empire économique. Pas de souci, les familles sont bien à l’abri. Le mot sécurité du 3 en survie résonne allègrement.

Ce qui est passionnant c’est de considérer leur musique sous cet aspect-là également. Le côté kitsch, le mauvais goût des arrangements qui se veulent absolument grand public, consonnent avec celui des tenues, paillettes et autres fanfreluches. C’est d’autant plus intéressant que les premiers morceaux du duo, certes composés dans les 66-68, âge d’or d’une pop baroque à l’orchestration de haut-vol, faisaient montre d’une grande finesse de réalisation. Il faut se rendre à l’évidence: ce kitsch a été un choix, un choix pour toucher le plus grand nombre, des lycéennes fleur bleue aux ménagères en blouse. Et ça a marché. Et cette capacité à assimiler les codes de la mode disco et de la variété internationale, traduisent une exceptionnelle faculté d’adaptation. Mais pas dans un sous-type social car Abba n’est absolument pas concerné par le prestige. Le monde de la musique les regarde de haut: eux, ils vendent des disques, le reste leur est indifférent.

Mais on ne saurait en rester là. Les émotions sont très présentes dans la musique d’Abba, mais elles doivent passer au crible de la mise en mots, de la mélodie, mais aussi des arrangements qui viennent la recouvrir, la masquer, voire la contredire pour qu’elle ne soit jamais à nu. Comme si Björn avait volontairement travesti ses pépites mélancoliques derrière un voile de kitsch et de mauvais goût, pour que la tristesse insondable des morceaux ne soit pas repérée. Le trésor est caché, inviolable, peut-être même au groupe lui-même: accéder à l’émotion telle qu’elle est pourrait entraver l’efficacité. L’émotion est le moteur, mais elle est réprimée.

Le paradoxe est donc que, par goût d’une certaine réussite et d’un certain conformisme, mais aussi par souci de cacher ce qu’ils avaient de plus intime à livrer, les membres d’Abba ont déguisé leurs pépites pop en ritournelles de supermarché. Ils ont atteint ainsi leur objectif de réussite matérielle, à travers les émotions les plus profondes, sans dévoiler leur intimité. Et, réussite ultime, le monde du rock qui a méprisé Abba pendant des années reconnaît la beauté indémodable et la profondeur de leurs mélodies.

Pour finir, une anecdote frappante. Un des tubes d’Abba, une de leurs chansons les plus poignantes est The Winner takes it all qui évoque la séparation du couple Björn-Agnetha. Et bien, Agnetha ose la chanter les larmes aux yeux à côté de son mari dont elle se séparait, tandis que lui a toujours nié que leur histoire avait inspiré la chanson, contre toute évidence…

NB
Sans doute ne suis-je pas objectif mais quand ma fille, de base 8 en tête-à-tête, chante cette chanson avec pour seul accompagnement sa guitare acoustique, c’est comme si l’émotion d’Abba pouvait s’autoriser à se manifester sans artifice, avec force et douceur.

 

 

 

 

 

de la neuroplascité

DE LA NEUROPLASTICITE
ou le cerveau comme forêt

Un des grands principes vittozien est la neuroplasticité, cette capacité du cerveau à créer de nouveaux circuits, et ainsi de nouvelles habitudes ou, pour employer un vocabulaire aristotélicien, de nouveaux habitus, comme une seconde nature.

La neuroplasticité – ou plasticité neuronale – peut se définir comme la capacité des neurones à se modifier et se remodeler tout au long de la vie. Ces mécanismes contribuent à une adaptation des neurones à un environnement moléculaire, cellulaire et fonctionnel changeant et ainsi à des modifications fonctionnelles. Chaque seconde, notre cerveau se modifie en fonction des expériences affectives, psychiques, cognitives que nous vivons. C’est un processus physiologique d’adaptation du système soumis à l’influence de facteurs environnementaux, génétiques ou épigénétiques.

Ainsi, le cerveau est comme une forêt: si on emprunte plusieurs fois dans le même sentier, un chemin va progressivement se créer. Dans le cerveau de la même manière, les connexions neuronales deviennent de plus en plus efficaces par la répétition et mènent à l’automatisation des processus liés à une certaine tâche et donc à leur exécution plus facile. C’est ainsi que nous apprenons à lire, à conduire, à jouer de la musique etc. Déchiffrage lent, calages intempestifs et gammes interminables deviennent des habitudes intégrées. Selon le même principe, la méthode Vittoz propose  l’expérimentation d’exercices visant à installer de nouvelles habitudes: accueil de l’instant présent, conscience de son état intérieur, ajustement de la volonté aux événements… Véritable rééducation du contrôle cérébral, elle permet, par le biais du corps, de développer une véritable liberté intérieure par le développement de l’attention et de la concentration.

Cependant, si on ne marche pas pendant un certain temps dans les sentiers créés dans la forêt, la végétation reprend sa place. De même, les réseaux de neurones non utilisés finissent par se déconnecter progressivement. C’est pourquoi les neurones doivent être activés à de nombreuses reprises pour se connecter et renforcer leur connexion. La répétition est nécessaire, non seulement au moment de l’apprentissage mais dans la durée. Le cerveau oublie vite les éléments appris s’ils ne sont pas remobilisés régulièrement. Chassez la nature, elle revient au galop, selon l’adage. Les habitudes sont longues à prendre et rapides à perdre…

Mais si les neurones sont activés à plusieurs reprises, ils peuvent consolider leurs inter-relations et favoriser l’acquisition de nouvelles habitudes, jusqu’à générer un habitus, dont le signe selon Aristote, est la plaisir. En Vittoz, le processus est le même: une certaine discipline répétitive – un peu ascétique et qui peut paraître ingrate, est nécessaire dans les premiers temps. Mais la persévérance et la régularité portent rapidement leurs fruits, jusqu’à générer un habitus, dont le signe est… le plaisir. Plaisir de goûter le quotidien, plaisir de vivre ce qui est sans être envahi par la rumination ou la projection, plaisir d’une unité intérieure retrouvée.

Par ailleurs, pour générer de nouveaux circuits neuronaux, il est plus efficace de répartir les temps de pratique sur plusieurs courtes périodes réparties elles-mêmes sur plusieurs jours, plutôt que les concentrer sur une demie-journée voire une journée. Lors des périodes de sommeil, les neurones liés aux expérimentations dans la journée se réactivent, consolidant ainsi les apprentissages. C’est une des raisons pour lesquelles la méthode Vittoz est dite intégrative: plutôt de consacrer 40 minutes par jour à la pratique, il est proposé de l’intégrer à son quotidien: se lever, ouvrir ses volets, se laver les mains, prendre son petit-déjeuner… consciemment. Distillé dans le temps, ces petits actes conscients peuvent transformer une journée et devenir une véritable seconde nature, sans efforts de pratique mais vers lequel le cerveau se porte naturellement pour en avoir reconnu les bienfaits.

Nous voyons qu’ainsi la méthode Vittoz peut se mettre au service d’un certain art de vivre, prévenant le burn out, la dépression, l’insomnie etc. Mais ce n’est pas tout: ce principe s’applique aussi à une dimension thérapeutique. Certains traumatismes anciens génèrent des mécanismes de défenses inconscients, qui enclenchent eux-mêmes des comportements automatiques: c’est plus fort que moi. En rendant ces mécanismes plus conscients par le biais du corps, la méthode Vittoz permet d’activer de nouveaux circuits pour ne plus se défendre contre un passé fantôme et se libérer de ses entraves. Le passé ne sera pas effacé, mais visité, accueilli et mis à sa juste place.

Le processus est bien sûr d’autant plus long que le trauma est ancien, et les circuits ancrés plus profondément. Comme le dit encore Aristote, si la cire du cerveau est molle chez l’enfant et ce qui y est imprimé y laisse une empreinte profonde; celle du cerveau de l’adulte est moins malléable avec le temps. Les nouvelles habitudes intérieures seront donc plus longues à acquérir, mais – sauf en cas de lésions cérébrales irréversibles – la neurogenèse et le dynamisme des connexions sont possibles jusqu’à au moins… 97 ans, selon une étude de mars 2019. Une condition: la motivation.

Luchini, l’autre et la connaissance de soi

Mieux se connaitre et mieux comprendre les autres 
sont les deux finalités de l’ennéagramme.

Mais dans l’ordre selon la parabole évangélique : « Quoi? Tu regardes la paille dans l’œil de ton frère; et la poutre qui est dans ton œil, tu ne la remarques pas? » Matthieu 7, 3

Même sujet, autre version, avec ces 6 minutes de vidéo truculentes… à la Luchini:

« Tu n’as de sympathie avec l’autre que ce que tu as accepté de sympathie avec toi. »

Enjoy !

Un huis-clos de tête-à-tête

imagesMADEMOISELLE DE JONCQUIERES
Un film d’Emmanuel Mouret, 2018

Un huis-clos de tête-à-tête et une illustration du triangle de Karpman

Tout est beau, délicat: les costumes, la langue, les paysages, la musique. Un régal esthétique. Tiré d’un épisode de Jacques le Fataliste de Diderot, le dixième film d’Emmanuel Mouret est remarquable pour la qualité de sa mise en scène et la subtilité des caractères qui ne jugent jamais aucun des personnages embarqués dans une vertigineuse histoire de séduction. Pas de manichéisme ni de moralisme, le secret des cœurs et des destinées reste entier, sans enfermer l’un ou l’autre des personnages dans un message à faire passer. Tout reste ouvert.

Cette liberté laissée au spectateur permet une lecture passionnante à trois niveaux : les profils de l’ennéagramme, les sous-types et ce phénomène psychologique, bien plus répandu que l’on ne croit dans les relations, du triangle relationnel de Karpman – sur lequel on attend d’ailleurs avec impatience la sortie du nouveau livre du Père Pascal Ide le 5 novembre aux Editions de l’Emmanuel.

mademoiselle-de-joncquieres-678x381L’histoire est simple et vieille comme le monde: le marquis des Arcis, libertin notoire, mène une cour incessante à madame de la Pommeraye, jeune et belle veuve, retirée du monde qui finit par s’abandonner à lui. Mais bientôt le butineur se lasse et la veuve blessée ourdit alors une vengeance terrible.

L’hypothèse typologique nous incline à pencher vers une histoire entre deux types mentaux dont la merveilleuse langue de Diderot met en relief la célérité cérébrale et le goût du mot juste et souvent assassin. Base 5 pour madame de La Pommeraye interprétée par la sublime Cécile de France: détachée du monde et des regards, observant le monde et les frasques de son ami avec amusement; elle est distante, presque froide; cultive un côté inaccessible et pratique une aisance du verbe fin et piquant qui ne fait qu’exacerber le désir du marquis. La base 7 pour le marquis semble bien plus simple encore à envisager: papillonnant de conquête en conquête, à la recherche constante du plaisir à tous les niveaux, léger et drôle, il se lasse vite et sa quête de nouveau semble ne pas avoir de fin.

x1080-mxkMais plus encore que les types, ce sont les sous-types qui apparaissent, dans un formidable jeu de tête-à-tête. Tout se passe dans les regards et dans les cœurs, pour le meilleur et pour le pire. La scène près du lac ou rien n’est montré et tout est dit de la communion des cœurs par le truchement de la nature, en est la plus belle expression.  Experts en séduction, focalisés sur la relation (ami, amant ou même passion professionnelle, artistique etc.), les personnes en tête-à-tête sont douées d’une intensité du regard intérieur et extérieur, d’une capacité de concentration et de présence à l’autre, mais aussi d’un sens aigu de la rivalité et de la compétition…

maxresdefaultLe duo de ce film pourrait en être une illustration magistrale, avec deux combinaisons différentes. Le sous-type exacerbe le type chez le marquis: l’intensité de l’un vient renforcer l’enthousiasme et l’excitabilité de l’autre. On attribue au 7 en tête-à-tête les mots de fascination-suggestion superbement mis en mouvement par la cour patiente et régulière qu’il mène auprès de la belle veuve. Fasciné par les femmes, au point d’en devenir littéralement hors de lui, il est capable d’une force suggestive prodigieuse. Tout est mis en œuvre au service de la jouissance d’un tête-à-tête prometteur: car bien souvent, en 7, c’est le plaisir anticipé qui est la quête, plus que celui du moment, qui bien souvent lui échappe.

3101158Pour madame de la Pommeray, les choses sont plus complexes. Son sous-type (dont l’urgence est de rentrer en relation) et son type (dont l’urgence est de se retrancher du monde pour l’observer) sont en contradiction. C’est peut-être la raison pour laquelle, après s’être livrée au séducteur et donc l’avoir introduit dans une intimité protégée, elle supportera d’autant moins d’être ensuite trahie et déploiera un piège d’une finesse et d’une froideur terribles.

68ba53e_4QcayNVxbGf9VHSGQcFbCfYlC’est au cœur de ces paysages intérieurs, que le jeu psychologique mis au jour par Karpman trouve son incarnation. Le Triangle dramatique  consiste en un jeu pervers et inconscient dont le but est de maintenir une excitation relationnelle où chaque protagoniste joue alternativement les rôles de bourreau, victime et sauveur, tournant au gré des situations, jusqu’à la manipulation. Chaque personnage y participe, jusqu’aux secondaires mais il serait trop long de nous y attarder. Les personnes en tête-à-tête en sont probablement les champions – et les jouets, car c’est un piège sans fin et une vrille infernale où même celui qui semble subir est complice. Le seul moyen d’y échapper est de sortir de la triangulation, au risque de perdre la relation par manque d’excitation.*

3248335.jpg-r_1280_720-f_jpg-q_x-xxyxxC’est là qu’intervient mademoiselle de Joncquières, dont les intentions ne sont peut-être pas aussi pures qu’il n’y paraît… Dans la vengeance qui est au cœur de l’intrigue, il serait facile d’enfermer les trois protagonistes dans un rôle: le bourreau pour Madame de la Pommeraye, la victime dans celui de mademoiselle de Joncquières et le sauveur dans celui du marquis. A y regarder de plus près, les trois personnages tournent alternativement : la belle veuve joue aussi à la perfection la victime en amante délaissée, et passe même un temps à se mettre dans la peau du sauveur de la jeune fille. Le marquis, victime du complot, après avoir été bourreau des cœurs, semble terminer en sauveur. Et la jeune fille, prototype de la victime, semble devenir sauveur du courtisan invétéré en le libérant de son papillonnage.

Est-ce si simple ? Rien ne laisse penser que la conversion du marquis volage n’est pas une pirouette pour se sortir du guêpier et qu’il va rester fidèle à mademoiselle de Joncquières. Sa dernière réflexion, sur ton de joute revancharde, montre bien qu’il n’est pas sorti du triangle. Dans cette même scène finale, le regard de la nouvelle marquise des Arcis a des relents de conquête et interroge sur ses intentions des scènes précédentes. Rien ne dit que les rôles ne vont pas continuer à tourner: madame de la Pommeraye en nouvelle victime, la toute neuve marquise en nouveau bourreau… comme rien ne dit que chacun ne va pas trouver en lui les ressources pour oser sortir du triangle, en son temps, pour reconquérir sa liberté intérieure.

* Pour en savoir plus sur le Triangle de KarpmanVictime, bourreau ou sauveur, comment sortir du piège de Christelle Petitcollin, en Poche.

La paix au quotidien

L’ENNEAGRAMME, SOURCE DE PAIX AU QUOTIDIEN
Mathilde de Robien
Aleteia, 24 mai 2018

WOMAN,SAD,CAFE

Outil de connaissance de soi et des autres, l’ennéagramme nous fait prendre conscience de nos vertus et de nos travers. Il peut avoir de vraies répercussions sur la vie quotidienne. Témoignages.

« Enfin je comprenais certains de mes automatismes, certains traits de caractère qui me faisaient culpabiliser, et pourquoi je ne sais pas dire non ! », s’exclame Marine. Cette femme, mariée et mère de cinq enfants, a récemment suivi une formation à l’ennéagramme auprès d’une psychopraticienne, Dominique Lambert. L’ennéaquoi ? L’ennéagramme est un outil de connaissance de soi et de développement personnel mis à jour dès l’Antiquité. Tombé dans l’oubli, cet outil est réapparu au début des années 1900 et rencontre depuis une cinquantaine d’années un succès grandissant. L’ennéagramme dresse une cartographie de la personnalité, distinguant neuf manières de regarder le monde, appelées bases ou types, correspondant à neuf motivations fondamentales.

Un outil pour se connaître soi-même

L’ennéagramme permet de prendre conscience de son trait de caractère principal, caractérisé par une vertu. Valérie Maillot, formatrice de la tradition orale de l’ennéagramme à Fontainebleau, s’attachant à relier cet outil à une anthropologie chrétienne, se félicite qu’à la fin de chaque stage les participants sachent repérer la vertu qui leur est propre. Les objectifs des formations à l’ennéagramme sont triples : se connaître soi-même, en définissant notamment quelle est sa vertu principale, mieux comprendre les autres et mieux vivre ensemble.

Suite à un deuil douloureux, Marine a ressenti le besoin de redécouvrir sa « mission » en tant qu’épouse, mère et photographe professionnelle. C’est pourquoi elle a participé à plusieurs stages d’ennéagramme : « La première formation a pour but de reconnaître son “type“. J’ai lutté pendant deux jours, voulant être type 2, l’altruiste, celui qui est tourné vers l’autre, pour finalement reconnaître, dans des larmes de soulagement et de libération, que j’étais type 3, le battant, tout du moins en apparence. »

Cependant, l’ennéagramme ne se contente pas de coller une étiquette. « Loin de mettre les gens dans des cases, précise Marine, la formatrice nous a présenté cet outil comme une façon de s’ouvrir à soi-même et aux autres. L’effet immédiat de cette découverte a été de me sentir unifiée et en paix.  »

Un atout pour la vie de couple

Outil de connaissance de soi et de l’autre, l’ennéagramme peut se révéler d’une grande aide au sein du couple. Il engage les conjoints à être plus attentifs aux attentes et aux demandes, parfois silencieuses, de l’autre. Valérie Maillot donne l’exemple d’un couple au seuil de la rupture, qui, après le premier jour du stage, ont réalisé que leur discorde prenait racine dans leur différence de rythme. Lui ne supportait pas l’agitation et la pression. Elle ne se sentait vivre que par un agenda surchargé. La simple prise de conscience que l’autre était différent leur a permis de se remettre en question, tout en considérant l’autre avec miséricorde. Résultat, lui a accéléré et elle, a ralenti le rythme.

Pour Valérie Maillot, l’ennéagramme est un outil de compassion. En comprenant les intentions et la logique de l’autre, il est probable que nous serons de moins en moins tentés de le juger ou de le critiquer. Il invite à porter un regard plein de miséricorde.

Un atout pour la vie en entreprise

Les répercussions des formations à l’ennéagramme ne se limitent pas au cadre personnel et familial. Elles sont également bénéfiques en entreprise. Benoît, 44 ans, chef de projet dans le secteur aéroportuaire, ayant effectué quatre formations ces cinq dernières années, témoigne de la confiance que lui a procuré la connaissance de soi, et l’apaisement intérieur qui en a découlé. Prendre conscience que l’autre, et en l’occurrence son patron, ne fonctionnait pas comme lui, lui a permis d’arrêter de se faire des films à scénario catastrophe lorsque ce dernier lui demandait de passer dans son bureau.

En outre, l’ennéagramme est un excellent outil de management dans la mesure où il permet de s’adresser à ses collaborateurs selon la manière la plus adaptée à leur caractère. Tandis que certains ont besoin qu’on leur détaille les tâches à effectuer, d’autres ont besoin de lest afin de faire émerger leur créativité.

Un outil de vérité

S’il est allié avec une vision chrétienne de l’homme, l’ennéagramme, en tant qu’outil de connaissance de soi, peut permettre « d’assouplir ce qui est raide », et de laisser un peu plus de place à la grâce. Mais ce n’est pas un outil de salut, précise Valérie Maillot. Seul Dieu sauve! La remise en question qu’il suppose demande de l’humilité, et le courage d’agir contre la structure et les habitudes de notre personnalité.

Le père Guillaume, après un stage auprès de Valérie Maillot, témoigne que « si l’ennéagramme est utilisé comme un moyen de connaissance de soi, il peut devenir un moyen de connaissance de Dieu. Que je reconnaisse humblement mes carences et parfois mes fêlures ou même mes failles, que je n’hésite pas à les fixer, que je ne cherche pas à m’échapper de ma médiocrité en oubliant qui je suis et que je me laisse à Dieu et à son Esprit. Avec l’ennéagramme, on possède un dessin non seulement de ses qualités mais de ses défauts. Comment changer ? D’abord en acceptant de se regarder tel que l’on est. Sans s’échapper. Sans se chercher des excuses. Sans utiliser l’ennéagramme comme une excuse. Ensuite il faudra faire intervenir l’Esprit saint, il faudra se laisser à cet élan radical qui nous porte hors de nous-mêmes… »

Les 9 types de personnalité

Quel type de personnalité êtes-vous ? Aucun n’est meilleur ni moins bon que l’autre. Chaque type est rattaché à un travers et à une vertu. Voici la définition des 9 types, donnée par Valérie Maillot.

Type 1 : Exigeant vis-à-vis de lui-même et des autres, voyant immédiatement ce qu’il faut faire pour améliorer les choses ; ressent un perpétuel sentiment d’autocritique et un ressentiment qui a du mal à s’exprimer dans une colère contenue.
Type 2 : Devine immédiatement les besoins des autres qu’il aide sans compter avec chaleur et générosité ; cherche l’affection et la reconnaissance de l’autre en ayant du mal à exprimer ses propres besoins.
Type 3 : Est motivé par la réalisation et la réussite et sait relever tous les défis ; s’adapte à l’autre pour se valoriser à ses yeux et pense qu’on l’aime pour ce qu’il fait et non pour ce qu’il est.
Type 4 : Considère que la vie n’a de sens que dans la mesure où elle permet de développer des relations authentiques, belles et intenses. Vit des émotions fortes, souvent mélancoliques et focalise sur ce qui manque à la qualité/l’originalité/la beauté de la relation.
Type 5 : Rationnel, veut comprendre ce qui l’entoure en analysant et accumulant les connaissances ; tendance à s’isoler et à être dans la rétention de soi.
Type 6 : Met son intelligence au service d’une vigilance aiguë face à tous les dangers qu’il repère avec une grande acuité ; cherche la sécurité dans le sentiment d’appartenance et la loyauté.
Type 7 : Enthousiaste, ouvert, rapide et souple, passe d’une idée et d’un univers à l’autre ; obnubilé par la recherche du plaisir et sa planification, a beaucoup de mal à supporter la contrainte et l’enfermement.
Type 8 : Franc, d’un bloc et doué d’une grande capacité d’affirmation qui font de lui un leader ou un protecteur ; veut exercer sa force et son contrôle sur ce(ux) qui l’entoure(nt) en niant sa propre vulnérabilité.
Type 9 : Capable d’apprécier les points de vue des autres et à œuvrer pour l’harmonie ; difficulté à exprimer son point de vue et tendance à multiplier les activités « périphériques » (narcotisation) pour éviter le conflit.

Psychogénéalogie ?

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Dans mes stages, j’insiste beaucoup sur le fait que l’ennéagramme n’est pas une fin en soi et que cet outil de connaissance de soi ne suffit pas pour appréhender la personne dans toutes ses dimensions, il n’est qu’une cartographie de la personnalité. C’est la raison pour laquelle, je le relie intimement à la méthode Vittoz, où la dimension corporelle permet une dynamique de l’outil, une mise en route, un approfondissement. Ennéagramme et Vittoz pourraient donc suffire car le Vittoz, en tant que psychothérapie, prend en compte le milieu socio-culturel, les circonstances familiales et toute l’influence inconsciente que cela peut avoir sur notre personnalité.

59e3ffee469a45b8818b476eCependant, il existe une pratique qui permet d’aller plus loin dans ce domaine, la psychogénéalogie, alliée au psychodrame. Depuis près de vingt ans, Michèle Bromet-Camou psychologue clinicienne auprès de laquelle je me suis formée utilise et transmets cet outil de la psychogénéalogie qu’elle a reçu de Anne Ancelin. Le livre qu’elle en tire, Guérir de sa famille par la psychogénéalogie (Tallandier, 2018), est la somme de ces rencontres et de cette pratique, en individuel ou en groupe.

Car c’est une des singularités de la psychogénéalogie : couplée à l’outil du psychodrame, elle permet de mettre en lumière le fil invisible qui nous relie à nos ancêtres et qui peut nous transmettre de manière inconsciente du bon comme du moins bon. L’intérêt de faire remonter à la conscience cet héritage psychique est de pouvoir consciemment le recevoir pour le faire fructifier ou au contraire de s’en affranchir quand il est source de souffrances, de blocages, d’empêchements. Ainsi peuvent être éclairés et libérés des patients, souvent en souffrance de ce qu’ils n’arrivent pas à nommer et qui se traduit par des comportements répétitifs dont ils voudraient se débarrasser mais qui leur collent à la peau. C’est plus fort que moi : tel est le cri que Michèle a le plus souvent entendu dans son cabinet. Et de fait, bien souvent, c’est plus fort que moi parce que c’est quelque chose qui ne m’appartient pas.

Concrètement, en groupe, des inconnus avec lesquels on partage trois jours de travail intense peuvent, en prenant le rôle du père, de la mère ou de tout autre membre de la famille, aider chacun à faire jaillir à la lumière ce qui était enfoui. L’inconscient du patient rencontre ceux de ses partenaires de groupe et, bien sûr, celui du thérapeute. C’est une des marques de fabrique de ce livre et de la pratique de Michèle Bromet-Camou : en jouant avec le groupe et en s’impliquant elle-même, avec sa propre histoire par son propre inconscient, le thérapeute quitte la posture de toute puissante du psy pour s’aventurer dans une alliance thérapeutique qui bouscule les lignes habituelles et permet d’impressionnants effets de levier.

Nourri d’exemples très fouillés, pris à tous les âges de la vie et à tous les stades de souffrance psychique, ce livre est à la fois un précieux vade mecum pour les psychologues, et une aventure de lecture passionnante pour toute personne engagée dans un travail des profondeurs. Il permet de donner au grand public un éclairage nouveau sur un outil dont la puissance est singulière.

Toujours en toile de fond dans mes stages, j’utilise directement ces deux outils de la psychogénéalogie et du psychodrame en cabinet au service de la liberté intérieure du patient qui peut enfin avoir le choix de garder ce qu’il a reçu au berceau, ou de s’en affranchir afin de libérer aussi sa propre descendance. Car il est assez bouleversant d’observer qu’un travail approfondi en psychogénéalogie pour soi a des répercussions assez rapides sur l’entourage, comme des ronds dans l’eau…

 

En quête de sens

EN QUÊTE DE SENS
Quatre formateurs à l’Ennéagramme
invités par Sophie Nouaille à Radio Notre-Dame
Le 12 avril 2018

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Qu’est-ce que l’Ennéagramme ? Quel est son lien avec la vie chrétienne ? Quels en sont les écueils ? Quelle en est la fécondité ?

Autant de questions auxquelles ont répondu Etienne Séguier et Valérie Maillot, formateurs de la Tradition Orale d’Helen Palmer et David Daniels par Eric Salmon, ainsi que Dorothée Nicolas et Thierry Grandjean représentant l’école de Riso Hudson.

Un vrai beau moment de radio et de partage autour de ce bel outil de connaissance de soi et de miséricorde, pour oser être vulnérable et retrouver des visages de ressuscités.

Vittoz & Co

1560736_235428763303972_1500743552_nVITTOZ : UNE MÉTHODE DE PSYCHOLOGIE POSITIVE OU DE PLEINE CONSCIENCE INTÉGRÉE ?

Par Patrick Bobichon
Coordinateur national IRDC pour l’étude FOVEA

La méthode Vittoz a pour but de développer l’état de présence dans l’instant présent, par l’utilisation pleine et entière de ses cinq sens, l’accueil et la conscientisation de ses états corporels et émotionnels,  une clarification de sa pensée pour redevenir pleinement acteur dans sa vie quotidienne.

Le terme de psychologie positive est apparu la première fois dans le livre de Abraham Maslow en 1954 « Motivation et Personnalité », dont le dernier chapitre s’intitule « vers une psychologie positive? ». A cette époque, certains psychologues ont commencé à se préoccuper de plus en plus de la promotion de la bonne santé mentale, et non pas seulement du traitement des maladies mentales. La psychologie positive a été officiellement initiée en 1998 par Martin Seligman, président de l’Association Psychologique Américaine, en affichant clairement sa préoccupation de rééquilibrer ses efforts entre le traitement des troubles psychiques, et l’étude des facteurs psycho-sociaux pour promouvoir l’épanouissement, la recherche de sens et le bonheur des personnes.

Or, l’intuition première du docteur Vittoz, en proposant sa méthode, était de rendre chaque personne autonome et actrice dans le traitement de « ses troubles pathologiques »,  en l’aidant à utiliser son cerveau d’une manière plus équilibrée et plus souple, en lien avec un ancrage corporel plus dense, pour lui permettre de développer sa capacité à agir, à choisir et à s’engager plus librement dans toutes les situations de la vie quotidienne. Dans la lignée de la psychologie positive, qui encourage la pratique d’exercices dans le but de modifier son état vers plus de bien-être, le travail thérapeutique en Vittoz passe par l’expérimentation d’exercices, que chaque patient va pouvoir intégrer dans son quotidien, suivant son propre rythme. Il réapprend à exercer sa liberté en prenant conscience et confiance en soi, et apprend pas après pas à s’accepter avec plus de bienveillance et moins de jugement.

Par ailleurs, les approches de Pleine Conscience se sont développées depuis une trentaine d’années, sous l’impulsion de Jon Kabat-Zinn, Professeur de médecine. Il définit la pleine conscience comme « un état de conscience qui consiste à porter son attention intentionnellement sur l’expérience du moment présent, sans jugement ». Il a développé le programme de MBSR (Réduction du Stress Basé sur la Pleine Conscience), basé sur une approche méditative. Christophe André, psychiatre et psychothérapeute, a largement participé à son introduction en France, notamment dans le milieu hospitalier.

Contemporain de Freud qui a inventé la psychanalyse, le docteur Vittoz  a choisi délibérément de s’inscrire dans une approche dans l’ici et maintenant. En effet, il constatait que ses patients étaient très rarement dans l’instant présent, mais plutôt dans des ruminations par rapport à leur passé, ou dans des anticipations anxieuses par rapport à l’avenir, par définition incertain. Sa méthode apprend à accueillir la réalité de l’instant, aussi bien la réalité extérieure de son environnement ou de sa situation actuelle, que sa réalité intime, que sont ses pensées, ses sensations corporelles et ses émotions.

Dans les faits et par la pratique, la méthode Vittoz est une approche qui développe la pleine conscience (ou présence attentive). L’originalité de la méthode Vittoz est que c’est une approche qui propose des pratiques intégrées au quotidien, c’est-à-dire qu’elle n’exige pas de prévoir un temps supplémentaire à caser dans son emploi du temps, mais elle se pratique dans les actes du quotidien, où au fil de la pratique, la personne sort de ses automatismes pour mettre plus de conscience dans ses journées.

Une étude scientifique est en cours depuis 2013 pour valider les appports d’un programme de 8 semaines basé sur la méthode Vittoz, pour la prévention du stress et la promotion du bien-être individuel. Ce programme se nomme FOVEA: Formation Vittoz à l’Expérience Attentive. Cette étude est pilotée par Rebecca Shankland, Maitre de Conférence en Psychologie et Responsable du DU de psychologie positive  à l’Université de Grenoble, en collaboration avec l’IRDC (Institut de Recherche et Développement du Contrôle Cérébral).

La Méthode Vittoz s’inscrit donc bien au carrefour de la Psychologie Positive et  de la Pleine Conscience. En effet, les premiers résultats partiels de l’étude FOVEA confirme que ce programme donne des outils concrets et pratiques pour apprendre à mieux gérer son stress perçu, à développer son état de présence et d’attention dans l’instant présent, et à améliorer ses compétences émotionnelles. L’intégration de l’approche Vittoz vise à accéder à un mieux-être,  à reprendre le contrôle de sa vie et à développer des relations plus bienveillantes avec soi et avec les autres, qui contribuent à redonner sens et plaisir dans son quotidien, dans la conscience de l’instant présent.

 Alors, Vite-Osez l’expérience Vittoz !

Pour plus de renseignements sur les liens possibles entre la Psychologie Positive et Pleine Conscience et l’actualisation des études de Recherche en cours sur le sujet, vous pouvez cliquer sur le texte co-écrit par Rébecca Shankland et Christophe André (transmis avec l’aimable autorisation de Rebecca Shankland)

 Shankland, R. & André, C. (2014). Pleine conscience et psychologie positive : incompatibilité ou complémentarité  ? Revue Québécoise de Psychologie, 35, 157-178.