Brian Wilson et la base 7

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BRIAN WILSON
Un archétype* de base 7
par François

Je sors du visionnage du très beau film de Bill Pohlad Love & Mercy, consacré à la vie de Brian Wilson, leader des Beach-Boys.

C’est un film sur la création musicale, le mythe californien, la maladie psychique, la figure du père, la perversion d’un gourou, l’enfance perdue, et aussi une très belle histoire d’amour. Pour ceux qui aiment cette musique, c’est l’occasion de voir un film abouti et sensible, avec deux très bons acteurs jouant Brian Wilson. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette musique, c’est l’occasion de rencontrer le plus grand génie Pop. Mais en ce qui nous intéresse ici, c’est la confirmation pour moi ce que la musique et la vie de Brian Wilson disent de la probabilité d’une base 7.

Les Beach-Boys, c’est une histoire de famille: les trois frères Wilson, Brian, Carl et Denis, leur cousin Mike Love et Al Jardine. Leur musique est cette Surf Pop qui épouse parfaitement la joie et l’ivresse de vivre dans une Californie qui peut prétendre au titre de nouveau paradis terrestre: une sorte de terre de 7 où tout est possible, facile, jouissif, où les espaces sont immenses, où l’on se sent libre, où les notions de souffrance et de contraintes sont repoussées, y compris par l’usage de subterfuges addictifs comme l’alcool et la drogue. Cette Californie est la terre des tubes qui firent la notoriété des Beach-Boys, et dont Brian fut le maître d’oeuvre, comme I Get Around. Chanson euphorique de désir inassouvi, elle est comme un étourdissement recouvrant la part d’ombre par une tension et une excitation à fleur de peau:

Cette part, Brian ose la dévoiler dans la mélancolie de Surfer Girl qu’une bonne partie du public ne reçoit que comme un slow, alors qu’il s’agit pour moi d’une ballade presque enfantine qui révèle une fêlure… Les 7 sont de grands enfants, souvent facétieux, qui ont du mal à accepter l’engagement et les responsabilités, et jouent de leur charme innocent pour recouvrir leurs blessures enfouies.  Ainsi ils n’ont pas à les affronter et peuvent rejouer sans cesse le mythe du paradis perdu.

En 1965, les Beatles sortent Rubber Soul, album magistral d’unité. Brian Wilson est attiré par cette possibilité nouvelle de faire autre chose que des chansons à succès. Il laisse partir ses frères, cousins et ami en tournée au Japon, pour travailler à la musique qu’il porte en lui. Le résultat est un album qui dépasse tout ce que la Pop Music avait pu inventer. Brian crée du nouveau, utilise une multitude d’instruments classiques auxquels il adjoint le son d’un klaxon burlesque, des aboiements de chien, le bruit d’un train qui passe. Tout est occasion de musique, même sa voix qui parle en studio… Ecoutez le poignant Caroline no :

Le résultat est à la hauteur de cette phrase que l’on entend dans la film: « Il faut que ça ressemble à un cri, mais que ce soit positif! » Nous sommes ici au cœur caché de la base 7: ce qu’il vous livrera ne sera jamais profondément triste, ou tout au moins cela ne sera jamais dit ainsi, car entrer en contact avec ses émotions négatives est extrêmement difficile pour lui. S’il approfondit son monde intérieur, il y aura toujours quelque chose qui sonne positivement, même euphoriquement, recouvrant les aspérités du violoncelle et les gouffres de l’orgue, un son magnifié luxuriant, un choix radical de la joie comme rempart contre la tristesse, à l’ennui qui terrasse, à la solitude qui tue. C’est ce que rend palpable le chef d’oeuvre Good vibrations: 

Mais le destin de Brian Wilson est atypique: c’est celui d’un homme qui souffre d’une maladie mentale, jusqu’à l’incapacité. Il ne peut finir le chef d’oeuvre auquel il aspirait, l’album Smile, sombre dans une maladie psychique grave et se retrouve livré aux mains d’un psychiatre gourou qui prend possession de lui. Le film Love & Merci raconte cette histoire et comment Brian s’en est sorti par l’amour et la compassion. Mais en deçà de cette maladie, on peut observer que Brian a voulu explorer ce que sa base 7, dans sa recherche gloutonne de tous les plaisirs, de tous les possibles, ne lui autorisait pas: une quête de profondeur et de sens. Il est marquant de voir Brian Wilson activer si souvent les deux flèches de la base 7, ces deux ressources additionnelles qui permettent de sortir du carcan du type. En l’occurrence, la flèche 1 perfectionniste lui permet de travailler à une réalisation toujours plus exigeante et rigoureuse et la flèche 5 lui fournit la capacité de s’isoler pour mieux assimiler ses émotions pour mieux les retranscrire. Mais pour autant, Brian reste 7: il y a dans sa musique une légèreté aérienne, une joie de vivre foisonnante, ouverte jusqu’à la dispersion, malgré ce que la musique livre d’une part de fêlures, de peurs, d’angoisses de séparation. Le fameux Heroes & Villains de Smile, dans la version reconstituée autour de Brian Wilson en 2004, en est l’illustration:

Tour à tour tendre et burlesque, je la vois comme la musique d’une personne de centre mental comme le laisse apercevoir le film, avec un Brian se tenant la tête entre les mains. Tout se passe dans la tête en 7, le mental crée en permanence un monde de plaisirs ou de sensations fortes qui lui permettent d’échapper à l’ennui du quotidien, à une détresse enfouie et qu’il lui faut parfois des années pour contacter, ce qui est douloureux, mais salvateur.

Brian Wilson a composé ce qui est pour certains la plus belle chanson du monde, Surf’s Up. Mystérieusement, on sent ici le lien qui unit les trois types idéalistes, 1, 4 et 7. Les trois attendent du monde ce qu’il ne peut donner car il n’est pas assez parfait, absolu, heureux. Ma lecture du destin de Brian Wilson est que sa souffrance psychique fut pour lui un moyen inconscient d’échapper au réel et de tenter de garder ce sens de l’enfance et du jeu qui sont la marque de la base 7 et qu’un monde adulte ne permet pas. Ce n’était qu’un leurre, mais qui a fini par lui permettre, par la traversée de ses propres souffrances, à faire de son existence une vie vécue et non survolée, à ne pas rester en surface mais à avancer en eau profonde, à vivre une pâque qui conduit à la résurrection.

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

 

 

 

 

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