Archives de catégorie : Anthropologie

Libres…

imgresLA LIBERTE INTERIEURE
Jacques Philippe
Editions des Béatitudes

Jacques Philippe est  prêtre depuis 1985, membre de la communauté des Béatitudes, infatigable conférencier, et auteur de quelques grands classiques de spiritualité, profondément enracinés dans la grande tradition spirituelle chrétienne. Mais tous ses livres témoignent aussi d’une très fine connaissance de la psyché de nos contemporains. La Liberté intérieure est son livre le plus célèbre et c’est celui que je recommande en stage à qui veut creuser les rapports entre connaissance de soi et vie spirituelle.

imgresTrois grands angles. Tout d’abord celui de la liberté, qui nous est cher, à nous modernes. Nous n’aimons pas être entravés dans notre liberté et ce n’est pas illégitime. Mais il y a une autre manière de concevoir la liberté, celle que nous pouvons garder dans les circonstances les plus incapacitantes, les plus douloureuses, et qui garde intactes en nous nos capacités de choix et de joie. Cette liberté intérieure, par rapport à nous-même, nos proches, notre environnement, le monde, personne ne peut nous la ravir, car elle trouve sa source en Dieu.

Deuxième angle, qui est comme le mode d’emploi du premier : celui de l’instant présent. Jacques Philippe nous dit que l’on ne peut rien pour notre passé: il est derrière nous. Avec un peu de malice, il relève que bien que nous essayons de prévoir et de contrôler notre avenir, il nous échappe et nous déroute toujours. Il nous reste l’instant présent, le seul que nous pouvons vivre tel qu’il est, et qui nous permet de rencontrer Celui qui est toujours présent à nous-mêmes, alors que nous sommes nous-même si souvent absent à ce qui est ici et maintenant.

Troisième angle, la vertu. Nous avons appris, à juste titre, que la vie spirituelle consistait à laisser grandir en nous les trois vertus théologales de foi, d’espérance et de charité. Mais nous risquons de croire que nous pouvons maîtriser notre croissance dans la liberté intérieure. Or, comme le dit saint Paul, c’est dans notre faiblesse, notre fragilité, nos échecs, nos écueils, que nous rencontrons la force de Dieu qui est notre rocher, comme dit le psaume, et son amour inconditionnel pour nous.

Reconnaissance de qui nous sommes, accueil de l’instant présent, liberté intérieure : tel est précisément le chemin que propose l’Ennéagramme. Jacques Philippe consacre une page, la 146, à la description d’une démarche jumelle à cette méthode de connaissance de soi dont nos stagiaires disent souvent qu’elle est libératrice. Découvrir nos motivations inconscientes, prendre conscience de ce qui nous meut, permet de ne plus subir le monde et nous-mêmes, de ne plus vivre en mode automatique, de devenir acteurs de nos vies. La méthode Vittoz en est un allié précieux car là où l’Ennéagramme propose une cartographie de notre vie intérieure, la méthode Vittoz nous apprend, par le retour à l’instant présent via les cinq sens, à nous accueillir nous-mêmes tels que nous sommes. Le but ultime étant de découvrir notre talent, ce don de Dieu déposé en nous, pour le faire servir au monde. Car c’est en devenant ce que nous sommes que nous sommes le plus libres.

De la connexion entre les vertus

Dans nos stages, nous avons à cœur de relier la connaissance de soi à une éthique aristotélicienne des vertus afin que chacun puisse repartir avec un chemin d’évolution propre.

L’ennéagramme en effet permet de découvrir sa passion dominante, cultiver sa vertu propre, et ainsi concourir à l’épanouissement de toutes les vertus du diagramme : une bonne nouvelle s’il en est, déjà évoquée par les Pères du désert en leur temps.

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Jean Cassien mentionne dans ses Conférences (V, 13) que l’ordre dans lequel les passions se présentent et s’engendrent est variable selon les personnes :
« Les huit passions principales font ensemble la guerre au genre humain, mais leurs attaques ne se présentent pas de la même manière chez tous indistinctement. […] Ici c’est l’esprit de luxure qui a le premier rang, là domine la colère. La cénodoxie revendique le sceptre chez celui-ci ; chez celui-là l’orgueil détient la souveraineté. Et bien que chacun de nous ait à subir les assauts de tous, ce n’est pas de la même manière ni selon le même ordre que nous en sommes travaillés. »

sttheophanAprès lui, et à l’instar de Thomas d’Aquin, Théophane le Reclus, dans ses Lettres de direction spirituelle (Editions Syrtes, p. 143-144), parle de cultiver une vertu propre qui entraînerait toutes les autres.

« Il y a en chacun une passion principale autour de laquelle s’enlacent toutes les autres. C’est celle-là qu’il faut vous efforcer avant tout de dénicher. […]

L’ayant détectée, classez les autres par rapport à elle : laquelle est plus près, laquelle est plus loin. Et comprenez comment est structuré votre cœur : c’est une précieuse acquisition! Car, lorsque à la suite de cela vous entreprendrez de vous laver des passions et des mauvais penchants, vous verrez mieux dans quelle direction porter vos efforts : vers votre passion principale.

Lorsque vous l’aurez vaincue, toutes les autres se disperseront d’elles-mêmes. Comme à la guerre : quand le gros des forces de l’ennemi est enfoncé, il ne reste plus qu’à poursuivre le reste des troupes et  à l’abattre. Les actes, c’est facile à corriger. Tu n’as qu’à ne pas faire le mal, et tout est là. Mais transformer le cœur et le corriger n’est pas l’affaire d’un instant, un combat est nécessaire.

Et dans ce combat, quand on ne sait pas où porter les coups, l’on peut s’épuiser, se démener pour rien – et n’arriver à rien. Donc, ajustez vos efforts! »

 

Les chemins du bonheur

 

Norbert Mallet

Norbert Mallet

LE DEVELOPPEMENT PERSONNEL DU CHRETIEN
Norbert Mallet
Salvator

L’expression développement personnel fait naître bien des réticences. Il faut dire qu’elle n’est pas heureuse. Développement pour l’homme renvoie inconsciemment au développement économique, donc à une forme de matérialisme. Et il est vrai que toute une série d’outils de développement personnel peuvent apparaître comme des techniques de mieux-être assez ras des pâquerettes dans le meilleur des cas, voire des concessions au syncrétisme ou au relativisme de l’époque, dans la ligne du trop fameux New Age.

I-Grande-7563-le-developpement-personnel-du-chretienLe nouvel ouvrage de Norbert Mallet a le mérite de poser la problématique en évitant deux écueils : celui de la peur, qui conduit bien des chrétiens à jeter le bébé avec l’eau du bain en récusant toute forme de travail sur soi au prétexte que ce peut être dangereux ; celui de la superficialité qui consiste à faire de telle ou telle méthode un absolu, une voie de salut.

Avec pédagogie, Norbert Mallet montre que de tout temps, l’homme a cherché à faire progresser cet homme que je suis en particulier et qui n’est pas réductible aux autres. Chez Aristote ou chez les Pères du désert, on trouve cette idée que chaque personne est singulière et que chacune a son propre chemin vers la vertu et le bonheur. Ces différents chemins peuvent être regroupés en plusieurs grandes familles de caractère autour d’une passion dominante, considérée comme éthiquement neutre chez Aristote et saint Thomas, dans son excès chez les Pères. Quelles que soient les différences entre les approches, il est important de comprendre que la tradition philosophique et spirituelle du christianisme parle toujours d’une éthique des caractères qui prend en compte la diversité des chemins de chacun. A l’extrême, la colère sera pour une personne un excès à éviter le plus possible, tandis que pour telle autre elle pourra être un moyen d’exprimer ce qui pourrait être occulté par une forme de lâcheté ou d’indifférence.

Norbert Mallet insiste à juste titre sur le fait que cet ancrage dans une vision éthique est indispensable pour qu’un outil de développement personnel ne devienne pas coupé de la finalité propre à chaque être humain : la voie de la vertu, signe du bonheur. Recourir à des formations menées dans cette perspective-là, savoir se repérer dans les outils proposés, pouvoir être en contact avec un formateur qui dispose de ce fondement éthique : voici autant de défis que Norbert Mallet aide à relever. Il m’a fait l’amitié de m’interroger sur la méthode Vittoz et son lien à l’ennéagramme. J’en suis d’autant plus heureuse que cet enracinement éthique de l’une et de l’autre est au cœur de ma pratique.