Métaphore de la base 4

imagesUNE TAPISSERIE A L’ENVERS

par Aude, de base 4

Ma soif d’idéal, de beau et d’absolu a toujours été telle que mon enfance s’est passée à trouver qu’il ne s’y passait rien et qu’elle était la plus terne du monde.

A vingt ans, ce fut donc décidé : la tapisserie de ma vie serait la plus belle qui soit. Je m’y échinerai vaille que vaille. Comme si j’en étais le seul artisan.

safe_imagePendant vingt ans, j’ai travaillé dur, ne mangeant pas le pain de l’oisiveté, petite fourmi qui déplace plusieurs fois son poids pour ceux qu’elle aime. Pour que les choses soient belles, le mieux était de passer en 1. Mes nuits se perdaient dans l’entrelac des arabesques, le mariage des couleurs et les mouvements des animaux graciles. Souvent, je me reculais pour étudier la perspective, réfléchir aux tenants et aux aboutissants, conduisant l’ouvrage de mon mieux et n’hésitant pas à remettre plusieurs fois le métier sur l’ouvrage: épouse parfaite, mère parfaite… Il y avait des hauts, il y avait des bas, j’étais fatiguée. Mais on ne s’écoute pas lorsqu’on crée sa vie.

Pourtant, plus mon labeur avançait, plus l’objet de ma quête semblait s’éloigner, plus l’insatisfaction me gagnait, plus il y manquait quelque chose. ll y manquait même les beautés qui s’y trouvaient au départ… Certaines formes étaient disgracieuses, la plupart des couleurs étaient fades, les angles cassants, les contours ternes. Là où je n’aurais voulu qu’harmonie, paix et douceur, s’insinuaient dissonances, tristesse et colère. Et l’ensemble était plein de nœuds… Il y avait des hauts, il y avait des bas. J’avais dû me tromper quelque part, ce devait être de ma faute…

Un jour, plus grand que moi m’a visitée. Gratuitement. Sans bruit de parole, il a uni la lumière de sa divinité aux couleurs de mon humanité. Un désir infini s’est emparé de moi, un désir déjà comblé. « Tu es ma petite, ma toute belle, mon unique » m’a-t-il chuchoté à l’oreille. Et je me suis perdue dans son silence, dans ce cœur à cœur où mon âme se dilatait enfin sans que je n’ai rien à faire, qu’à recevoir, pleurer et contempler. Plus rien n’avait d’importance et j’étais prête à mettre le feu à ma tapisserie pour un si grand amour.

C’est pour cet amour alors que je me suis remise à mes fils, avec ardeur, sûre que mon ouvrage serait enfin beau, que mon travail allait porter… Et il m’a laissée faire, et il m’a laissée dire, répondant à mes soupirs, entretenant ma flamme jour après jour, me relevant à chaque chute. Quand je fus prête, doucement, paisiblement, il me fit comprendre que la plus belle des œuvres d’art se fait dans l’obscurité, dans le calme et la tranquillité ; qu’elle se travaille point par point et sur l’envers et que pourvu que l’ouvrier soit humble, confiant et souple comme un enfant, qu’il consente à ne rien voir ; il peut être sûr que chaque point conspire à la beauté du monde entier.

Alors j’ai vu ma pauvreté et je l’ai aimée.

Depuis, je sais que le lieu de la rencontre avec le bien-aimé, c’est ce point de l’instant, le seul qui rejoigne l’éternité et je ne me lasse pas de l’épouser. L’équanimité, cette mystérieuse vertu du 4, je la trouve dans le baiser à ce qui est donné ici et maintenant. Ma joie, c’est de me savoir petite et de me remettre sans mesure en celui qui sait répandre par les temps et par les lieux la beauté d’un amour indicible ; c’est de le laisser faire. Il y a toujours des hauts, il y a toujours des bas et plutôt que de lutter contre des vagues déferlantes qui seront toujours plus fortes que moi, je me réfugie aujourd’hui dans le silence et la paix de ce cœur en lequel je m’abandonne.

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