Archives de catégorie : Base 5

La cloche : métaphore de la base 5

LA CLOCHE
par Anne
de base 5

Du haut de sa tour, paisible et solitaire,
Guettant, au loin, les premiers rayons du soleil,
Saluant, gaiement, le monde qui se réveille,
Une cloche, émerveillée, observe la terre.

Sa voix joyeuse et claire rythme les journées,
Avertit du danger, se fait alors puissante.
Et son carillon chante la vie naissante.
Quant aux mariages, sonne à toute volée.

Aux enterrements, son timbre grave et profond
Invite au recueillement, rappelle, plein d’espérance,
En s’éteignant dans le ciel avec confiance,
Que le Père attend, là, au seuil de Sa Maison.

Témoin des heures heureuses, amie fidèle,
Un matin, cependant, son ton se fit plus triste
De constater, qu’au fil du temps, point de visite,
Isolée dans son clocher, vraie citadelle.

Un homme, pourtant, surpris par cet air chagrin,F53
Entreprit l’ascension, découvrit la cachette
Servant d’abri à la gentille clochette
Qu’il saisit délicatement entre ses mains.

Devant tant de soin, elle lui dévoila son cœur
Charmant travail d’orfèvre, richesse insoupçonnée,
Qu’elle dissimulait de peur d’être abîmé,
Blessé ou brisé car empoigné sans douceur.

A l’intérieur d’elle-même se joue un drame :
Car un trésor enfoui ne profite jamais,
Son éclat ardent la consume vivement. Mais…
Osera-t-elle encore révéler son âme ?

Serge Gainsbourg et la base 5

1SERGE GAINSBOURG
Un archétype* de base 5

Provocateur et tendre, honni ou porté aux nues, Gainsbourg n’a jamais laissé indifférent. L’entretien ci-dessous, réalisé en 1968, alors qu’il a à peine plus de trente ans, est touchant. Il se livre comme jamais. On sent une grande sensibilité, mais jamais dans une expression débridée de l’émotion. Derrière le sourire narquois, on repère vite celui qui évite d’être dépendant des choses matérielles : il abandonne la peinture pour ne pas l’être. Très vite, on pense au centre tête, mais beaucoup trop complexe et tourmenté, pas assez enthousiaste pour être de base 7. Cela se joue entre 6 et 5. Un esprit logique et en même temps elliptique semble faire pencher la balance vers le 5. Gainsbourg parle peu, et surtout, il parle en se gardant bien de lâcher des éléments trop personnels qui permettraient de le percer à jour. Son interlocuteur doit sans cesse aller le chercher (et il le fait avec tact et bienveillance, ce qui nous permet finalement d’avoir pas mal d’éléments) alors que Gainsbourg est en permanence dans une stratégie de rétention de soi. Là où une personne de base 6 expliquerait, lui lâche des bribes et esquive. Le non-verbal est éloquent : il laisse entrevoir une délicatesse extrêmement sensible, typique de la base 5.

Gainsbourg parle une fois de façon très claire et complète : quand il évoque la question du prix des tubes de couleur utilisés dans la peinture. On remarque que sur un point qui n’engage pas son intimité, une personne de base 5 peut être loquace. Et l’on constate que l’argent est un point d’attention (la fameuse avarice du 5). En revanche, quand on l’interroge sur la qualité de ses chansons, sur son statut d’artiste, il fait un pas en arrière. On n’en tire rien, sauf quelques réflexions désabusées sur la place très mineure de la chanson dans l’art. Juste un aveu : entre auteur, compositeur, personnage, « c’est très faux-jeton, je louvoie sans me mouiller ». Aveu d’une stratégie de dissimulation et de protection pour éviter d’être cerné.

La part de l’ironie est fondamentale dans ses chansons. Ironie souvent cruelle que Gainsbourg attribue à un scepticisme dû lui-même à une lucidité. Il faut que le journaliste le pousse dans ses retranchements pour avoir l’essentiel. Cette lucidité est elle-même permise par une froideur. C’est effectivement son style comme le formule remarquablement son interviewer : « Systématiquement vous donnez un coup de ciseau à l’émotion quand elle va apparaître ». La réponse de Gainsbourg est très claire. Il s’agit d’une croyance qui vient de l’enfance et cite cette phrase de Schopenhauer qui l’avait fasciné adolescent : « seules les bêtes à sang-froid ont du venin ». « Je serais plutôt réfrigérant, réfrigéré que passionné et généreux, continue Gainsbourg. Je ne suis pas généreux. Je suis une éponge qui prend mais qui ne rejette pas son eau. » L’hypothèse de la base 6 s’envole et l’on assiste à un magnifique déploiement de la base 5 qui met à distance les émotions pour absorber toutes les informations dont il a besoin pour comprendre le monde. Observateur, le 5 regarde plus qu’il ne participe. Gainsbourg confesse être volontiers voyeur…

Le danger en 5 est d’être envahi. La peur fondamentale est celle de l’intrusion. D’où, parfois, le fait de se cacher derrière des attitudes de froideur ou des masques. « J’ai mis un masque de cynique que je n’arrive plus à retirer. » Cette peur de l’intrusion va de pair avec une pudeur qui va jusqu’à trouver excessive la taille des mini-jupes des filles, alors qu’on est en pleine période de libération sexuelle et qu’il déshabillera volontiers les femmes en scène plus tard… Nul doute que la rigueur qu’il regrette de ne plus voir chez les femmes n’est pas du puritanisme, mais un réflexe de protection. Que ce soit en creux ou en plein, la question du « voir » est centrale chez lui.

Fascinant, se livrant car il est en confiance avec une personne, il se pourrait bien que Gainsbourg fût du sous-type tête-à-tête. L’hypothèse d’une aile 6 vient d’elle-même : l’émotion est mise à distance et la peur est très présente, y compris celle relative à une certaine sécurité ; une personne de base 5 à aile 4 aurait eu moins peur de la bohème. Et une aile 6 expliquerait volontiers la capacité de provocation dont Gainsbourg a tant de fois fait preuve.

Une des caractéristiques des personnes de centre mental est l’humour, qui met la peur à distance. C’est leur arme préférée et le réflexe premier quand ils se sentent en danger : la gaudriole en 7, la même « ironie grinçante » en 5 et en 6, avec des fonctions différentes. Cette ironie sert à tester le protagoniste et à clarifier ses intentions en 6, elle est un bouclier qui le met à distance pour préserver son intimité en 5. Avis à ceux qui les aiment et les entourent : en 5, 6 et 7, quand je commence à rire et à faire rire, c’est que j’ai peur et que je me défends…

* L’archétype est un représentant connu et supposé d’un type de l’ennéagramme, l’hypothèse reposant sur des éléments caractéristiques de sa vie ou de son oeuvre. 

Métaphore de la base 5

imagesUNE PAIRE DE GOOGLE GLASS

par Julien, de base 5

Je suis une paire de Google Glass photosensibles.

Quand je vous vois, il y a tant d’informations qui m’arrivent que je suis incapable de retenir votre prénom.

C’est aussi que je suis un peu perdu derrière ces verres qui foncent sous votre regard.

07113282-photo-google-glass-montureLe récent guide des bonnes pratiques éditées par Google m’a déprimé. Il faudrait que je renonce à l’attitude Glasshole (s’isoler du monde) pour au contraire « partager mes découvertes avec la communauté » et « interagir avec le monde environnant tout en répondant aux questions des plus curieux avec civilité ».

Ils ne voudraient pas en plus que je me fasse naturiste?

Non vraiment ils ne comprennent rien. Mais je suis sûr qu’ils n’y croient pas eux-mêmes.

Car comment pourrait-on perdre son temps en des discussions futiles alors que les Glass permettent d’approfondir tant d’aspect du monde et des êtres, sans s’exposer le moins du monde.

Lors d’un module des panels, un homme plein de délicatesse m’a demandé comment il fallait nous dire bonjour, à nous les cinq. J’ai bien réfléchi et j’en suis venu à la conclusion qu’il suffisait de dire « bonjour Google Glass ! ».

Car pour celui qui se cache derrière, il faudra revenir…

Julien, Bacon-les-Bruyères.

Downton Abbey à la lumière de l’ennéagramme

1 (2)

Il y aurait bien à dire sur cette série déjà culte, et notamment sur la finesse de sa qualité de reconstruction historique et sociale, sa réussite esthétique : décors, costumes, scénario, dialogues, réalisation, mais surtout photo et qualité du jeu des acteurs. Nous choisissons ici d’aborder Downton Abbey par le versant de l’ennéagramme. Une telle palette de caractères suivis dans la durée et au gré de circonstances diverses est pain béni pour qui s’intéresse aux ressorts de la personne, sans interprétation ni jugement

Pain béni parce que la délicatesse de l’ennéagramme vient du fait que, selon la déontologie de la tradition orale, seule la personne peut attester de sa base car elle seule connait ses motivations propres. Prétendre les connaitre mieux qu’elle-même peut être non seulement blessant mais surtout servir de prétexte de toute puissance à notre ego. Or, aucun risque de ce genre n’est pris avec un personnage de fiction : toute liberté nous est donnée de le prendre comme objet d’étude afin d’affiner notre connaissance des caractères humains. Bien plus, il peut nous permettre de nous remettre nous-mêmes en question en nous interrogeant sur la raison qui nous fait réagir à tel ou tel personnage : si Lady Mary ou Isobel me sont tellement antipathiques, que cela veut-il dire de moi ? Qu’est-ce qui fait que je comprends si bien Lord Grantham ou Branson ? Pourquoi suis-je tellement touché(e) par Lady Sybil ou Lady Violet ?

En guise de préambule, nous voudrions prendre quelques précautions :
Toutes nos hypothèses sont… des hypothèses : elles sont le fruit de notre expérience mais aussi de ce que nous sommes. Personne n’est à l’abri d’un prisme trop étroit ! Et nous évoquerons seulement les types des personnages qui nous seront apparus avec une relative clarté.
– Nous tacherons de nous appuyer principalement sur les deux premières saisons afin d’éviter de révéler à ceux qui n’ont pas encore vu les saisons 3 et 4 la mauvaise expérience des spoilers.
– Toute la série est colorée de l’esprit de la société anglaise des années 1910-1920. On y retrouve le côté distant, réprimant ses émotions de la culture anglaise qui a souvent fait typer l’Angleterre comme une société de base 5. C’est donc une sorte de sur-couche 5 qui vient colorer chaque caractère et sans doute tempérer les plus extravertis. Par ailleurs, l’enjeu de la série étant la pérennité du titre et du domaine de Dowton, cette responsabilité rejaillit avec une teinte de base 6 sur les personnages principaux, que ce soit au sein de la famille Crawley ou même chez les domestiques.

19Lord Grantham, Robert Crawley, semble un assez bel exemple de type 9. Il n’aime pas être bousculé, apprécie plus que tout son confort et l’atmosphère – normalement – paisible du château. Sa présence à elle seule apaise et rassure. Plus que tout, il recherche l’harmonie et la paix. Il déteste les conflits et a du mal à s’opposer. Alors que la solution du mariage de Lady Mary avec Matthew apparaît comme la plus évidente, il ne fera rien pour influencer le choix de sa fille. C’est un rassembleur, un homme de consensus comme le montre son accueil paisible du nouvel héritier du nom. Mais l’on pointe en même temps le défaut du 9, dans une tendance à procrastiner au lieu d’agir : alors que son entourage le pousse à étudier une possibilité légale pour contester l’héritage de Matthew, il ne bouge pas. Sa force d’inertie est patente, mais s’il est bousculé (par exemple par l’attitude de sa benjamine Lady Sybil), ses colères peuvent être redoutables, quoique légèrement décalées. Une aile 8 et un sous-type en survie ne seraient pas impossibles.

8Son épouse Lady Cora pourrait être un bel exemple de type 4, dans un monde où l’expression de l’émotionnel est bridé. Bien que jouant admirablement son rôle de comtesse (en activant une flèche 1 tellement utile aux 4 en responsabilité), elle garde sa spécificité et son indépendance d’esprit. Elle n’oublie pas qu’elle est américaine et cultive cette différence avec tact. Même si elle joue le jeu de la haute société et de ses traditions corsetées, si elle met tout en place pour ne pas laisser paraître ses up and down (notamment au moment de la perte de son bébé), son regard ne trompe pas : tour à tour ému, tendre, bienveillant, il peut se faire cinglant et indigné. Beaucoup de choses passent chez elle par le non verbal car il ne s’agit pas ici de mentaliser comme en 5/6/7, la communication se fait par le cœur.

3Autre planète, celle des personnes de base 6, avec un personnage légendaire, la comtesse douairière, Violet Grantham, magistralement interprétée par Maggie Smith. Humour à couper au couteau, réparties assassines, elle défend le clan Crawley avec une fidélité sans faille et un sens du devoir inoxydable. Les rapports de Lady Violet et Lady Cora pourraient bien être emblématiques des relations 4-6 : là où l’une parle d’amitié et dialogue du regard, l’autre répond stratégie et envoie des piques en guise de manifestation d’affection.

16Dans les filles Crawley, laquelle préférez-vous ? Lady Mary est un des personnages les plus complexes de la série. Du feu sous la glace. Il se pourrait bien qu’elle constitue un bel archétype de base 3. Elle se dit « sans cœur », elle agit en pragmatique, mais on la sent à plusieurs reprises touchée au cœur. Ses aventures tournent autour de la problématique du mensonge et de la vérité, et d’abord vis-à-vis d’elle-même. On est en plein dans la tension intérieure de la base 3 qui, au cœur de la triade émotionnelle, évite ses émotions pour ne pas nuire à ses objectifs. Le mot challenge allume des étincelles dans ses yeux et son apparence est importante, plus précisément l’image que l’on peut avoir d’elle. Elle s’adapte à ce qu’elle croit que l’on attend d’elle avec parfois une innocence déconcertante. D’où le séisme que constitue son aventure avec M. Pamuk. Elle pourrait avoir une forte flèche 6 qui peut la conduire, pour le meilleur à refuser un certain conformisme 3, ou pour le moins bon à être bien indécise dans ses affaires de cœur.

6Lady Sybil, la benjamine, pourrait être une belle représentante de la base 7. Elle étouffe dans le cadre contraignant de Downton et elle a besoin de s’en évader. Tout est bon pour cela : apprendre à cuisiner, chercher du nouveau dans l’excitation des mouvements politiques, devenir infirmière pendant la guerre, faire sauter les cadres avec Branson… Elle met ainsi en lueur cette curieuse mais récurrente confusion possible entre les personnes de base 7 et 2 : même dynamisme, même souci de faire plaisir, même goût de l’occupation (pour ne pas s’ennuyer en 7, pour aider en 2) ; avec cette spécificité en 7  de vaquer dans le monde de la souffrance des hôpitaux sans en paraître affecté. Un besoin de liberté conjugué à une légèreté qui pourrait parfois être superficielle. Sa fugue avec Branson est emblématique : elle accepte de revenir pour quelques jours chez elle afin de ne pas trop peiner ses parents et par conséquent de ne pas trop souffrir… tout en garantissant sa porte de sortie !

29 (2)Branson… idéaliste, homme du tout ou rien, il ne vit que par sa passion pour ses idées puis par sa passion pour Sybil : leurs points communs ? La fuite de la routine et du figé, la recherche du nouveau, le combat pour des causes belles mais un peu utopistes. La suite de la série ouvrira sur la possibilité d’un sous-type social du type 4 : tiraillé entre son désir de singularité et son aspiration à être reconnu à Dowton, il est en permanence habité par la honte de n’être pas de ce monde-là tout en désirant en être et en travaillant à sa pérennité.

5Venons-en à notre héros, Matthew, vraisemblablement de type 5 – comme le pays à l’origine de la série, tiens, tiens… Son arrivée à Downton est assez symptomatique. Il manifeste son souci d’indépendance de manière nette : besoins matériels minimalistes, jalousie de son intimité, il a du mal à dépendre des soins d’un valet et n’y consentira que par délicatesse pour Lord Grantham. Sa visite de l’église avec Lady Edith est délicieuse : alors que la jeune fille cherche à établir du lien, Matthew est là pour échanger informations et connaissances culturelles… Discret et sensible, un sous-type en tête-à-tête pourrait expliquer son cœur passionné mais ne va pas jusqu’à lui permettre de déclarer sa flamme. Pas étonnant que les relations amoureuses entre Lady Mary et lui mettent du temps à se mettre en place avec deux bases, 3 et 5, qui ont pour souci premier de se protéger des manifestations émotionnelles…

20Le monde des domestiques est dirigé par deux magnifiques personnes de type 1 : Carson et Madame Hughes ! Rien n’est laissé au hasard par l’un ni par l’autre : véritables chefs d’orchestre d’un monde qu’ils voudraient toujours plus parfait, ils assurent le bien être et la bonne place de chacun jusque dans les moindres détails. Le travail est la valeur suprême et la colère intérieure est là, dans le regard ou dans l’expression quand les personnes ou les choses ne sont pas à leur place, mais elle ne sort que de manière maîtrisée. Le sens du devoir les pousse à sans cesse se sacrifier, jusqu’à pour Madame Hughes renoncer au mariage et pour Carson jusqu’à s’éreinter à la tache et n’écouter la fatigue de son corps que quand celui-ci le lâche. Au fur et à mesure des saisons, nous les voyons évoluer grâce aux ressources additionnelles de leurs flèches 4 et 7, vers moins de rigidité et plus de légèreté. On se prend à espérer que lors des saisons suivantes, ils puissent faire preuve de la même tendresse vis-à-vis d’eux-mêmes que celle qu’ils manifestent l’une à Ethel, l’autre à Lady Mary…

7Bates est un personnage énigmatique. D’une loyauté infaillible (jusqu’à laisser croire au comte qu’il le trahit pour ne pas le mettre en difficulté), son regard est d’une grande douceur et il ne tarde pas à attirer la compassion et l’amitié de – presque -tous. Pourtant, tout un pan de sa vie échappe et le peu qui affleure laisse envisager une violence latente. C’est comme s’il gardait jalousement un jardin secret, comme s’il craignait une lumière dont il ne pourrait pas maîtriser les effets. « Je suis un inquiet et les inquiets s’inquiètent » laisse-t-il échapper. Nous pourrions être face à l’ambivalence bien caractéristique de la base 6. La suite nous en dira sans doute davantage…

30Anna sa bien-aimée, attentionnée et compréhensive, pourrait être de type 2. Mais c’est Isobel, la mère de Matthew, qui remporte la palme dans ce domaine, avec vraisemblablement une aile 3. Incapable de retenir sa pulsion d’aider les autres jusqu’à prévenir leurs besoins avant qu’ils n’en aient eux-mêmes conscience, son incroyable énergie fait sa force et sa faiblesse. Sa force, car elle sait d’instinct ce qui peut sauver tel malade, transforme Dowton en hôpital de campagne pendant la guerre, sait repérer les talents et les mettre en valeur. Sa faiblesse, car elle a du mal à se donner des limites, finit par étouffer son entourage et succombe à la tentation de se vouloir indispensable. « Vous comprendrez que j’ai besoin d’un minimum de reconnaissance pour rester », dit-elle à Lady Cora. Il ne sera pas difficile à cette dernière de trouver le moyen de lui faire développer ses talents loin de Dowton Abbey…

4Thomas et O’Brien sont les âmes damnées de Downton. Thomas semble illustrer un type 3 sans scrupule : manipulateur et fourbe, il met tout en oeuvre pour la réussite de sa promotion. O’Brien, beaucoup plus mentale, pourrait être de type 6, à aile 5. Calculatrice froide, elle anticipe avec virtuosité, mais elle est parfois victime de ses projections abusives. Le scénario catastrophe qu’elle construit à l’encontre de Lady Cora et qui lui fait croire que celle-ci veut se débarrasser d’elle, est typique.  A la différence de Thomas, le remord a de la prise sur elle et elle mettra d’autant plus d’énergie à être loyale à Lady Cora qu’elle aura été coupable du pire vis-à-vis d’elle.

imagesEt pour finir, comment ne pas voir en base 8 l’inénarrable cuisinière Mrs Patmore ? Colérique, d’une énergie incroyable, elle œuvre à masquer ses faiblesses et protège, à sa manière, sa petite équipe. Dans un autre univers, sir Richard, puissant patron de presse et fiancé de Lady Mary, serait un 8 dominant, ne respectant aucune règle, à la finesse discutable et qui envisage toutes les relations à l’aune des rapports de force.

6Que nous dit aujourd’hui cette grande fresque des personnalités en matière de connaissance de soi et de compréhension des autres ? La première évidence, c’est que toutes les bases sont belles : il n’y en a pas de bonne ou de mauvaise. Chacune a sa part d’ombre et de lumière, contribue à la beauté du monde et lui apporte sa vision et ses compétences. Quelle qu’elle soit, nous restons libres d’en user pour le meilleur ou pour le pire.

9De la même manière, il n’y a pas de bonne ou de mauvaise alliance des bases : le secret d’une alliance réussie passe par la reconnaissance de ses propres talents et failles et l’accueil de l’autre tel qu’il est. Comment ne pas penser que plusieurs des situations de blocage de la série auraient pu être évitées si les protagonistes avaient eu conscience de ce qui les animait l’un l’autre ? C’eut peut-être été dommage en l’occurrence : on ne fait pas de bonnes séries sans bons imbroglios !

Mais dans la vraie vie, mieux se connaître soi-même permet de développer ses talents propres en se gardant des dommages afférents et mieux comprendre l’autre aide à la miséricorde et pourquoi pas, à la compassion. On aime encore mieux les personnages sympathiques quand on connait leurs ressorts. Et même les plus antipathiques, lorsque leur lutte intérieure est entraperçue, n’ont plus le même visage à nos yeux.

 

Psychothérapie d’un Indien des plaines

Jimmy P.

 

 

Jimmy P : Psychothérapie d’un Indien des plaines d’Arnaud Desplechin

Ce nouveau film d’Arnaud Desplechin, auteur de Comment je me suis disputé… ma vie sexuelle et d’Ester Kahn, est un régal. Il campe la rencontre d’un Indien, Jimmy Picard (Benicio Del Toro, magistral), revenu du front avec des troubles physiologiques inexpliqués et de l’ethnopsychiatre Georges Devereux (Matthieu Amalric en grande forme), qui va le suivre en thérapie analytique.

AfficheDisons-le d’emblée, la réalisation est intimiste, sobre, parfois un poil étirée comme souvent chez Desplechin, mais d’une grande justesse et d’une belle précision. Les deux acteurs principaux sont formidables, émouvants : Amalric, d’une sensibilité admirablement mise au second plan et qui ressort d’autant ; Del Toro d’une présence à la fois massive et vulnérable qui emporte l’adhésion. Cette rencontre tient ses promesses car elle donne une vision très juste de la relation thérapeutique : loin des catégories de la folie et de la normalité, du médecin et du malade, nous sommes face à une relation où le thérapeute permet au patient de trouver en lui-même les ressources pour guérir, d’identifier ce qui a pu occasionner, dans l’enfance particulièrement, un traumatisme psychique, c’est-à-dire « une maladie de l’âme ».

Rien dans ce film n’édulcore ce qu’est une relation thérapeutique, y compris dans la part qui est réservée à l’exploration des méandres de la sexualité. Rien n’est pour autant forcé ni caricatural. Le transfert est montré de manière assez douce, l’avancée dans les profondeurs est juste et pudique. Certains s’y retrouveront.

En termes d’ennéagramme, on pourrait formuler quelques hypothèses. Jimmy semble être un archétype de base 9. Il dégage une puissance très impressionnante, mais comme empêchée. Il y a chez lui une lenteur, un engourdissement à se connaître qui est typique de la base 9, une force dont il semble lui-même avoir peur. Au bout du chemin, après un chemin dont chaque étape aura compté, Jimmy pose enfin l’action juste qui le fait renouer avec lui-même, et dans le même temps avec le monde.

Pour Devereux, le 5 est assez probable, sans doute en tête-à-tête : observateur méticuleux, rationnel de fonctionnement, sensible à l’extrême sans en avoir l’air. Il maîtrise avec naturel et délicatesse la juste distance avec son patient, interrompant sans difficulté la séance au moment opportun, et pourtant délicat. Obnubilé par Jimmy, son tête-à-tête me semble une vraie piste. Il parle, il communique, il s’attache. Et le 5 en tête-à-tête, comme en social, contrairement aux idées reçues, sait le faire…